Techno Le service de streaming d'Apple se plonge dans le monde trouble des podcasts de faits divers

AFP

4.12.2019 - 09:18

Les podcasts consacrés aux faits divers célèbres ou aux crimes mystérieux rassemblent des millions de passionnés, qui revivent l'enquête et cherchent le coupable durant leurs trajets quotidiens. Mais quel impact ce succès a-t-il sur les protagonistes, les victimes et leurs familles, parfois des décennies après le drame ?

Le nouveau service de streaming d'Apple, Apple TV +, explore cette fascination morbide à travers une fiction qui met en scène une journaliste noire américaine, Poppy Parnell, jouée par l'actrice oscarisée Octavia Spencer («The Help», 2011).

Dans cette série intitulée «Truth Be Told» (la vérité doit éclater), Mme Parnell rouvre le dossier de Warren Cave, un adolescent condamné pour meurtre, après la mise au jour de nouveaux éléments. Et la journaliste diffuse ses trouvailles sur son podcast aux nombreux abonnés.

Le téléspectateur découvre bien vite que Poppy Parnell est justement devenue célèbre dans le monde des médias grâce à son travail d'enquête ayant permis d'incriminer le jeune homme, qui a rejoint en prison les membres d'un gang de néo-nazis.

Cela ne dissuade pas pour autant la jeune femme de reprendre le dossier pour tenter de le disculper.

«Elle a beaucoup de défauts. Mais elle pense qu'elle lui a peut-être causé du tort et elle réexamine l'affaire», explique Octavia Spencer.

Pour Aaron Paul, qui interprète Cave, son personnage tatoué d'une croix gammée oblige Poppy Parnell – et les spectateurs – à réfléchir au fait que «tout n'est pas aussi tranché qu'on pourrait le penser».

«Est-ce qu'il croit à ce qu'il prêche ? Ou bien dit-il ça juste pour se mettre en sécurité ?«, s'interroge Paul, qui dans la série «Breaking Bad» jouait un homme séquestré par des néo-nazis.

- Far-west journalistique -

«Truth Be Told» ressemble fortement à «Serial», un podcast consacré à une affaire criminelle bien réelle, mais la série est officiellement tirée d'un roman, «Are You Sleeping?«, de Kathleen Barber.

La créatrice de la série, Nichelle Tramble Spellman («The Good Wife», «Justified»), explique qu'elle a voulu attirer l'attention sur le fait que les auteurs de podcasts relatent certaines affaires d'un point de vue personnel et pas nécessairement très objectif.

«Il y a un côté dangereux, un peu far-west, avec ce genre de journalisme», estime-t-elle, soulignant que le petit monde des podcasts est souvent dépourvu d'organes de relecture ou de contrôle éditorial.

Dans «Truth Be Told», «le podcast est une source pas très fiable car on ne connaît pas les motivations de Poppy. Et on ne sait pas quand on doit la croire, ou si on doit la croire», relève Nichelle Tramble Spellman.

La créatrice de la série, noire américaine, et ses auteurs s'intéressent également à la discrimination raciale. Poppy Parnell commence ainsi par cacher à sa famille le fait que le prisonnier qu'elle défend a épousé les thèses des suprémacistes blancs.

Au fil des huit épisodes, les doutes sur le podcast de la journaliste ne font que s'accumuler. «Je pense que malheureusement, la vérité est influencée par le prisme à travers lequel vous regardez le monde», analyse Octavia Spencer.

Tout comme Aaron Paul, l'actrice a confié à l'AFP être une fan des podcasts judiciaires, en particulier «Serial», téléchargé par des millions d'auditeurs. Tous deux ont leur théorie sur le cas bien réel d'Adnan Syed, un adolescent emprisonné pour meurtre sur lequel la journaliste américaine Sarah Koenig a enquêté dans ce podcast.

Mais ils disent avoir conscience des dégâts que peuvent causer ce genre de spéculations ou le fait de prendre pour argent comptant tout ce que racontent ces podcasts à sensations. «En tant que public, nous sommes aussi participants d'une drôle de manière... Nous ne subissons aucune des répercussions que les familles ou les victimes endurent», relève Mme Spencer.

«Je n'aime pas employer le mot +fan+ à propos de crimes réels. Mais je suis profondément fascinée», affirme l'actrice.

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