Techno Premiers battements de la nouvelle usine de cœurs artificiels Carmat

AFP

30.8.2018 - 08:18

Avec loupes et pincettes, des techniciens contrôlent le collage automatisé d'une membrane de péricarde bovin sur une autre en polyuréthane. Bienvenue dans la nouvelle usine de cœurs artificiels de Carmat, devant permettre à la société française de passer au stade industriel.

Moins d'un an après sa construction, cette usine de 1.500 m2 située à Bois-d'Arcy (Yvelines) vient d'obtenir sa certification industrielle, a annoncé mercredi la société.

Pour l'heure, le nouveau site est dédié à l'assemblage de membranes de péricarde (enveloppe entourant le coeur) bovin sur une partie de l'implant appelée à être en contact avec les flux sanguins, une étape fondamentale pour une meilleure biocompatibilité.

L'opération est dorénavant exécutée par un bras robotisé pour éviter la moindre déchirure, bulle d'air ou pli sur ce biomatériau fragile et ultra-fin - entre 0,3 et 0,5 millimètre. Des défauts microscopiques mais potentiellement très préjudiciables au bon fonctionnement de la prothèse.

Auparavant, cette étape se faisait à la main, ce qui "demandait une dextérité incroyable" et une semaine de travail, mais avec "90% de rebuts" malgré tout, explique à l'AFP le directeur général de Carmat, Stéphane Piat, rencontré sur le site.

Aujourd'hui avec la robotisation, "il nous faut 10 minutes et on est proche de 0% de rebut" sur cette étape particulière, se félicite-t-il.

- Jusqu'à 800 prothèses par an -

Il faudra cependant plusieurs jours pour l'assemblage complet du cœur Carmat, qui comprend quelque 400 pièces: biomatériaux et plastiques, mais aussi silicone, titane et composants électroniques.

Les autres phases de production sont pour l'heure toujours réalisées sur le site historique de Carmat à Vélizy-Villacoublay, également en banlieue parisienne. Mais elles sont en passe d'être transférées à leur tour à Bois-d'Arcy, qui comprendra au total une cinquantaine de salariés.

"D'ici quelques semaines on sera capable de produire la prothèse Carmat de A à Z ici", pour une capacité maximale potentielle de "700 à 800" unités par an, pronostique M. Piat.

La société a produit une petite cinquantaine de prothèses au total pour l'instant, servant à ses tests en interne ainsi qu'à ses essais cliniques.

L'essai clinique "pivot" de Carmat, actuellement en cours en Europe, porte sur environ 20 patients atteints d'insuffisance cardiaque terminale, dont 10 au moins ont été implantés à ce jour.

Cette étude doit permettre d'obtenir dès l'an prochain un marquage CE, sésame réglementaire pour démarrer la commercialisation en Europe, selon le calendrier de la société.

Le critère principal de réussite de cette étude est la survie de plus la moitié des patients à six mois après l'implantation.

- Tests inspirés de l'aéronautique -

L'un d'entre eux a par ailleurs subi avec succès une greffe de cœur cet été, après avoir vécu huit mois avec un cœur artificiel.

Une première très encourageante pour Carmat. Cependant sa prothèse a toujours vocation à devenir une "thérapie définitive" face à l'insuffisance cardiaque terminale, plutôt que de se limiter à servir de "pont" dans l'attente d'un greffon humain, rappelle M. Piat.

"Il y a plus de 100.000 patients en Europe et aux Etats-Unis (en attente de transplantation cardiaque, NDLR), pour seulement 5.000 donneurs par an dans le monde entier", souligne-t-il.

"Seule l'expérience avec les patients nous dira combien de temps le dispositif peut vraiment durer (...). Toutes les parties ont été testées séparément pour durer des années, voire jusqu'à 10 ans", au moyen de tests de résistance inspirés du secteur aéronautique, ajoute-t-il.

A Vélizy-Villacoublay, plusieurs cœurs artificiels complets tournent aussi en permanence dans des bains liquides. Le plus ancien d'entre eux bat depuis plus de quatre ans, à 145 battements par minute. Soit environ le double d'une fréquence cardiaque humaine moyenne.

Mais même si Carmat affirme que son dispositif gagne en robustesse et en fiabilité, la société a aussi connu un certain nombre de revers et d'imprévus par le passé, qui l'incite à la prudence.

"Il faut qu'on soit précautionneux", répète ainsi M. Piat, se gardant par ailleurs d'évoquer le futur prix de la prothèse.

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