Glaçant« J’ai dit non et il a continué. À partir de là, ce n’était plus consenti... »
Elvire Küenzi
19.11.2021
Le 4 novembre dernier, l’émission « Temps Présent » diffusait un reportage édifiant sur les mauvaises rencontres faites sur l’application Tinder. Ce documentaire est toujours disponible sur le site de la RTS et on vous livre notre impression après l’avoir regardé.
Elvire Küenzi
19.11.2021, 08:44
19.11.2021, 08:45
Elvire Küenzi
C’est en parcourant Facebook que je suis tombée sur un article du magazine Femina relatant le côté sombre de Tinder. En le lisant, j’ai non seulement eu froid dans le dos mais j’ai appris que « Temps Présent » s’était associé pour enquêter sur le phénomène et en faire un documentaire. Je l’ai vu. Et j’en suis ressortie bouleversée. Bouleversée par la violence de ces témoignages. Pire encore, choquée par cette prise de conscience : certains hommes sont de véritables prédateurs sexuels en ligne.
J’ai mis plusieurs jours avant de pouvoir rédiger cette chronique tant le documentaire et les témoins m’ont chamboulée. Leurs mots et leurs histoires résonnent encore en moi.
Même si les musiques angoissantes qui accompagnent les récits d’horreur livrés ici n’étaient à mon avis pas nécessaires, le reportage, lui est indispensable. Il laisse une grande place à la parole des victimes, il les laisse s’exprimer et raconter le drame qui leur est arrivé après avoir fait une mauvaise rencontre sur Tinder.
Pour Eva d’ailleurs, étudiante en médecine au moment des faits, il s’agit d’une étape indispensable à sa reconstruction : « En parler, je sens que ça peut m’aider, c’est une façon d’avancer et de se réapproprier son histoire » confie-t-elle. Son récit donne des frissons. Elle fait la connaissance d’un homme via la célèbre application de rencontres et le retrouve un soir à son domicile… c’est là que tout part en vrille. Elle raconte « Et à un moment donné, il a enlevé le préservatif et ça, j’étais absolument pas d’accord. J’ai dit non et il a continué. À partir de là, ce n’était plus consenti. (…). Après, c’est flou »… se souvient-elle.
Terrible culpabilité des victimes
Grâce au documentaire, on comprend les craintes des victimes, l’état de sidération dans lequel elles/ils ont pu se retrouver, l’envie de passer à autre chose et même leur réticence à porter plainte. À la suite de son agression, Eva rapporte qu’elle a fait un déni pour pouvoir avancer : « J’ai vachement enterré les choses. J’avais un examen qui comptait beaucoup, j’ai mis dans une boite. Je me suis dit que le plus important c’était mon avenir et que j’y penserai plus tard. Je suis assez forte pour ça et j’ai clivé. J’ai vraiment tout rassemblé, j’ai fermé… et j’ai réussi l’examen. »
Ce qui m’a fait mal au cœur, entre autres, en visionnant le documentaire ? Cette terrible culpabilité que les victimes ressentent. « Encore maintenant, je m’en veux. Je ne me suis pas assez respectée, pas assez écoutée. Je sais que ce n’est pas de ma faute mais un niveau de me ressenti, je n’arrive pas à me dire que c’est sa faute à lui », termine Eva.
Julie, elle aussi, a croisé la route d’un prédateur. Pourtant, au départ, elle raconte qu’ils étaient sur la même longueur d’ondes et qu’ils recherchaient tous les deux une relation sérieuse.
Elle accepte d’aller souper chez lui tout en mettant ses intentions au clair : elle ne souhaite pas de relation sexuelle. Après avoir bu un apéritif, l’homme va coucher son enfant et…c’est là que la soirée dégénère. Il tente de l’embrasser, mais elle refuse et tourne la tête. Il l’agresse ensuite, la prend par les cheveux pour l’embrasser de force avant de la frapper puis de la violer.
Ils sont nombreux à avoir parlé et à s’être livrés face à la caméra. Je retiens à quel point leurs histoires sont violentes et à quel point leur honte et leur culpabilité sont injustes.