«Les murs de Bergame»Sortie cinéma: un documentaire sur la pandémie de Covid
sifo, ats
27.3.2024 - 10:09
Avec son documentaire «Les murs de Bergame», le réalisateur sicilien Stefano Savona veut montrer une autre facette de la pandémie, celle du deuil collectif. Le film sort ce mercredi dans les salles romandes et jeudi au Tessin.
Keystone-SDA, sifo, ats
27.03.2024, 10:09
ATS
Présenté à la Berlinale l'an dernier, «Les murs de Bergame» est une œuvre collective. Stefano Savona l'a tournée avec sept de ses anciens élèves du Centre expérimental du cinéma de Palerme, la ville dont il est originaire.
En mars 2020, au plus fort de la pandémie, ils sont partis tous les huit pour Bergame, l'un des principaux foyers de coronavirus à son arrivée en Europe. Durant ce seul mois, 670 personnes sont mortes dans cette ville de 120'000 habitants, et près de 6000 dans la province du même nom, connue comme «le Wuhan d'Italie».
Un travail collectif
C'est une «ville que nous ne connaissions pas», a expliqué Stefano Savona à Keystone-ATS lors de l'avant-première suisse de son film au cinéma Capitole de Lausanne, siège de la Cinémathèque suisse. «Lentement, chacun suivant une histoire, l'important était de travailler comme si nous étions seuls, chacun avec une caméra, et de reconstituer ensuite les fragments», poursuit-il.
«L'idée était de filmer ceux qui devaient encore travailler et non le confinement», explique-t-il. Le spectateur suit par exemple un employé des pompes funèbres, littéralement dépassé par la multiplication des cercueils, et l'incapacité des proches à voir les corps des êtres chers disparus.
«Le tournage a duré un an et demi, dont quatre mois de suite à Bergame. Nous y sommes ensuite retournés presque chaque semaine pour filmer la deuxième partie du film, pour voir la ville guérir», explique-t-il.
Le montage a duré presque trois ans, ce qui est une chance car «entre-temps, la pandémie était terminée. Dans un film, il est toujours difficile de raconter quelque chose qui est en train de se passer», dit-il.
Le deuil collectif
La première partie du documentaire est très crue et très dure. Elle conduit le spectateur à l'hôpital de campagne, installé à la foire de Bergame. Cependant, le spectateur est également témoin de l'humanité des médecins et des infirmières, les seules personnes à être en contact avec les malades.
Il y a donc d'abord la maladie, suivie d'une phase de transition où l'on «s'éloigne de l'urgence», tandis que la troisième partie du film a pour but «d'aider à entamer un processus de guérison, en racontant aussi ce qui s'est passé», explique le réalisateur italien.
Sur les remparts de Bergame se trouve un grand parc, rebaptisé «La Montagnola» (la petite colline) par l'équipe du film; c'est là que les personnes touchées d'une manière ou d'une autre par la pandémie se rencontrent pour en parler et faire un deuil collectif. «Ils ont tous vécu la même expérience d'isolement», raconte Stefano Savona.
Fragments de mémoire
Le documentaire permet aussi de raconter des expériences vécues par certains, mais pas par d'autres. Par exemple, les médecins, en première ligne avec les malades, ont souvent été les derniers interlocuteurs des personnes, qui ont succombé au Covid-19. A travers leurs récits, les familles peuvent ainsi reconstituer les derniers instants de leurs proches disparus.
«Il y a aussi beaucoup de courage de la part de ceux qui ont été nos complices dans ce film parce qu'ils ont mis en jeu leurs fragilités», précise le réalisateur.
Le récit est ponctué d'images en noir et blanc, comme des fragments de souvenirs des protagonistes, ce qui donne une touche de poésie au documentaire. Il s'agit d'images provenant d'une cinémathèque familiale appelée Cinescatti à Bergame, qui rassemble des images des années 1930 à nos jours, souligne le réalisateur.
Tournage pendant la pandémie
Pour ce tournage, réalisé en pleine pandémie, «notre objectif était d'établir une relation intime, d'abord avec le personnel médical, puis avec les patients», explique-t-il.
En raison de la disposition de l'hôpital de campagne, l'équipe a pu filmer au téléobjectif sans déranger ni les médecins ni les patients. Il a fallu par contre les convaincre: «filmer cinq à dix minutes d'images dans l'hôpital dans le film nous a pris plus d'un mois», précise-t-il.
Stefano Savona, qui vit à Paris, est connu pour ses documentaires sur les guerres et les révolutions, tels que «La route des Samouni» (2018, Oeil d'or du meilleur documentaire au Festival de Cannes) et «Tahrir – Place de la Libération» (2011). A ses yeux, la pandémie ressemble à la guerre, mais pas du tout à la révolution «parce qu'on la fait par choix».
«Le cinéma ne peut pas s'arrêter au niveau du constat du désespoir, il doit trouver des voies», conclut-il. Une voie qui a certainement trouvé son chemin dans ce documentaire.