Il part à vélo retrouver ses racines Teo Gheorghiu: «J'arrêterai la musique quand mon coeur s'arrêtera» 

Valérie Passello

22.12.2022

Le pianiste établi à Fribourg sort un nouveau disque intitulé «Roots». Un album très intime où le musicien explore ses origines et son histoire, aussi bien sur le plan personnel que musical. Portrait.

Après la mort de son père, Teo Gheorghiu a traversé la Roumanie à vélo à la découverte de ses racines.
Après la mort de son père, Teo Gheorghiu a traversé la Roumanie à vélo à la découverte de ses racines.
VP

Valérie Passello

22.12.2022

Quand Teo Gheorgiu est dans les parages, la musique n'est jamais bien loin. Très tôt, ce fils d'immigrés roumains a su faire courir ses doigts sur le clavier. Le petit pianiste surdoué dans le film «Vitus», en 2006, c'était lui. Enfin, pas tout à fait, rectifie-t-il: «Le film est un récit autobiographique imaginaire du réalisateur Fredi M. Murer. Ce rôle n'avait pas grand-chose à voir avec moi. Mais il est vrai que la question posée est: 'Comment gérer au mieux le talent d'un enfant et les opportunités qui se présentent'? Après le film, on m'a invité à donner beaucoup de concerts. J'avais 13-14 ans. Cela m'a permis d'expérimenter la scène et de progresser.»

Teo Gheorghiu:

Teo Gheorghiu: "Romanian Dance 03"

Dans un concert donné à la Tour Vagabonde, Teo Gheorghiu interprète ce morceau de Béla Bartók sur son propre piano.

22.12.2022

Flash-back dans les années 80. Ses parents ont fui le régime de Ceaucescu, ils se sont rencontrés au Canada avant de s'installer quelques années plus tard en Suisse alémanique. Né en Suisse en 1992, Teo Gheorghiu n'avait pas vu la Roumanie et ne s'y intéressait pas vraiment. Mais un événement a tout changé: son père est décédé en 2018. «Je connaissais ce pays à travers les histoires que mon père racontait, il vivait beaucoup dans le passé. Il s'y était rendu à nouveau il y a quelques années seulement, alors que ma mère n'y est jamais retournée jusqu'à aujourd'hui», confie l'artiste.  

«Ce disque n'était pas juste une envie. Je devais le faire»

Parce qu'il a perdu celui qui représentait ses racines, Teo Gheorghiu est alors parti à leur rencontre. À vélo, car «c'est le seul endroit où je n'ai pas besoin d'un piano», sourit-il, il a ainsi traversé la Roumanie en onze jours. Et de la selle de sa monture au tabouret de son instrument, il lui a fallu encore un peu de temps pour que «Roots» s'enracine sur le papier et s'épanouisse sur le clavier. 

Faisons mieux connaissance!

  • Un mot pour définir votre piano? «L'extension de mon corps»
  • La musique qui vous touche? «Tableaux d'une exposition» de Moussorgski
  • Une odeur qui vous rappelle un bon souvenir? « Celle du gâteau aux pommes de ma mère. Elle m'en fait toujours, j'ai de la chance»
  • Un lieu où vous vous sentez bien? «Dans la nature! Par exemple, l'abbaye d'Hauterive: c'est tellement beau pendant toute l'année... Et une puissance émane de la terre»

Si un album est une photographie dans le temps qui passe, «Roots» n'est pas qu'un jalon parmi d'autres dans son parcours. «Ce disque n'était pas juste une envie. Je devais le faire», confirme Teo Gheorghiu. «C'est un projet profondément personnel et cela me fait vraiment plaisir de pouvoir offrir ce cadeau à mon père, même s'il n'est pas là». Un opus dans lequel il joue les morceaux qui l'ont influencé depuis toujours, comme «Tableaux d'une exposition», de Moussorgski, une pièce exigeante et riche qui représente «toute la vie», selon le pianiste.

«C'est aussi un hommage à mon professeur Hamish Milne qui m'a donné des ailes»

Alors qu'il étudiait le piano à Londres, la musique traditionnelle roumaine avait déjà résonné en lui par sa mélancolie, son caractère, mais aussi sa joie et son dynamisme. Le trentenaire, dont le premier concert date de 2004, ouvre son album avec «Romanian Rhapsody N°1», de George Enescu, puis poursuit avec des morceaux de Béla Bartók, avant de s'attaquer à la pièce maîtresse de Moussorgski. «C'est aussi un hommage à mon professeur Hamish Milne avec qui j'ai étudié cette pièce et qui m'a donné des ailes pour voler en tant que musicien. Sans lui, je ne serais pas ici aujourd'hui».

Toujours passionné, Teo Gheorgiu reste émerveillé par le fait que chacun puisse s'approprier la musique et y trouver ses propres émotions. Et maintenant que ses racines sont bien ancrées, il compte bien continuer à utiliser ses ailes pour explorer d'autres horizons mélodiques: «La musique est la chose la plus importante de ma vie. Le plus beau, c'est qu'on peut apprendre jusqu'à ce qu'on arrête. Et j'arrêterai la musique quand mon coeur s'arrêtera. Pour moi, c'est un deuxième coeur», conclut-il.