Réseaux sociauxMeta et UE: la protection des données n'est pas une option
ATS
17.4.2024 - 20:03
La protection des données est «un droit fondamental» qui ne doit pas se transformer en «option payante» pour les usagers des réseaux sociaux, a estimé mercredi le Comité européen de la protection des données, critiquant la formule d'abonnement adoptée par Meta.
17.04.2024, 20:03
17.04.2024, 20:18
ATS
«Les plateformes doivent offrir aux utilisateurs un véritable choix. Les systèmes que nous voyons aujourd'hui exigent généralement des individus soit qu'ils paient, soit qu'ils acceptent l'usage de toutes leurs données», a déclaré Anu Talus, présidente du Comité européen de la protection des données, l'EDPB.
Les opérateurs «doivent éviter de transformer le droit fondamental à la protection des données en une fonctionnalité pour laquelle les usagers doivent payer pour en bénéficier», a-t-elle souligné.
Cet avis très attendu de l'organisme qui réunit les autorités de protection des données des pays de l'UE – plus la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein – vise la formule d'abonnement payant lancée par Meta.
Depuis novembre, le géant américain propose aux utilisateurs européens de Facebook et d'Instagram de choisir entre continuer à utiliser gratuitement ces services en consentant à livrer leurs données personnelles à des fins publicitaires ou payer un abonnement pour ne plus voir de publicités.
Ce système est présenté par le groupe comme une façon de se conformer aux règles européennes sur le traitement des données, qui lui ont déjà valu plusieurs condamnations et amendes.
Référence à la Cour de justice
Mais les défenseurs de la vie privée y voient une pratique injuste et une violation des droits des consommateurs. L'avis de l'EDPB avait été sollicité par les autorités de protection des données des Pays-Bas, de Norvège et de Hambourg (Allemagne).
Meta se réfère à une décision de la Cour de justice de l'UE qui ouvrait la voie à des formules payantes comme moyen d'obtenir le consentement d'un usager pour utiliser ses données. «L'avis de l'EDPB ne modifie pas ce jugement, et l'abonnement (...) est conforme aux législations de l'UE», a assuré un porte-parole du groupe.
Meta attend que tranche l'autorité de régulation de l'Irlande où est localisé son siège européen.
«Meta à court d'options»
Dans ce système d'abonnement, «la plupart des utilisateurs consentent au traitement [de leurs données] afin d'utiliser le service et ne comprennent pas toutes les implications de leur choix», argumente cependant l'EDPB.
Les grandes plateformes sont tenues d'envisager «une option alternative équivalente sans frais», précise l'EDPB. «Cette option alternative gratuite devrait être dépourvue de publicité ciblée, par exemple avec des publicités basées sur un volume réduit de données ou n'impliquant pas le traitement de données personnelles».
Enfin, les opérateurs «doivent évaluer au cas par cas si des frais (d'abonnement) sont appropriés, et si oui de quel montant», et «se demander quelles conséquences négatives – exclusion d'un service important, privation d'accès aux réseaux professionnels, perte de contenus...- entraîne le refus de payer ces frais».
Les utilisateurs européens de Meta peuvent s'abonner pour 9,99 euros par mois sur le web, ou 12,99 euros s'ils le font depuis les applications iOS ou Android.
L'association NOYB, fondée par le juriste autrichien Max Schrems, avait déposé une plainte en novembre auprès de l'autorité autrichienne de protection des données. Des groupes de consommateurs ont également saisi le réseau européen des autorités de protection des consommateurs.
«Meta est à court d'options dans l'UE: il doit désormais offrir aux utilisateurs une véritable option 'oui/non' aux publicités personnalisées», a réagi Max Schrems mercredi.
«Dangereux précédent»
S'ils doivent payer un abonnement pour être exemptés de publicité ciblée, «99% des usagers consentent au traitement de leurs données» pour utiliser gratuitement la plateforme, «c'est aussi loin d'un consentement 'librement donné' que la Corée du Nord l'est d'une démocratie», a-t-il ironisé.
Au final, l'EDPB n'exclut pas catégoriquement les formules d'abonnement, mais prévient qu'il établira des critères «précis» de «consentement éclairé, spécifique et sans ambiguïté».
Le lobby de la tech, CCIA, a dénoncé de son côté «un dangereux précédent». «Obliger les entreprises à proposer des services à perte est inédit, cela envoie de mauvais signaux», a déclaré sa dirigeante européenne Claudia Canelles Quaroni. «L'idée selon laquelle la publicité contextuelle (non ciblée) peut constituer une alternative adaptée pour générer des revenus est irréaliste», a-t-elle insisté.