Littérature Archives «kafkaïennes» rendues à Israël

ATS

21.5.2019 - 20:47

Franz Kafka avait demandé à son confident de brûler ses archives, ce qu'il a refusé (archives).
Franz Kafka avait demandé à son confident de brûler ses archives, ce qu'il a refusé (archives).
Source: KEYSTONE/AP/Miguel Tovar

La police allemande a remis à Israël des milliers de documents ayant appartenu à Max Brod, confident et exécuteur testamentaire de Kafka. Elle boucle un épisode de la saga internationale autour de ces archives.

L'événement marque «l'épilogue d'une histoire véritablement kafkaïenne» et constitue «un acte de justice historique», a estimé l'ambassadeur d'Israël Jeremy Issacharoff lors d'une cérémonie qui s'est déroulée dans ses murs à Berlin.

Décédé en 1968, Brod a contribué à faire la célébrité posthume de l'auteur tchèque en publiant certaines de ses oeuvres de référence. Encore aujourd'hui, l'intérêt de ses archives tient au fait qu'une grande partie de l'oeuvre de Kafka n'avait pas été publiée de son vivant et que tout document inconnu recèle potentiellement un texte inédit du célèbre auteur de langue allemande ou des détails sur sa vie.

Fausses oeuvres

Or en 2013, deux Israéliens approchent les Archives littéraires allemandes de Marbach et de potentiels acheteurs privés en se disant en possession de documents inédits ayant appartenu à Max Brod, lui-même écrivain et journaliste. Mais ils sont arrêtés par la police fédérale allemande (BKA), alertée en amont par les autorités israéliennes sur la vente de possibles fausses oeuvres dans une galerie de Berlin.

«Les suspects avaient leur entrepôt à Wiesbaden, tout près du BKA», a raconté son vice-président Peter Henzler lors de la cérémonie. Et «dans un chaos de fausses oeuvres d'art, nous avons découvert plusieurs valises avec des documents jaunis par le temps qui se sont révélés être des archives de Max Brod». L'enquête a déterminé qu'ils avaient été dérobés au domicile de sa secrétaire à Tel Aviv (Israël) entre 2009 et 2012, a-t-il expliqué.

Dans les quelque 5000 pages de documents transmis, un seul signé de Kafka – une carte postale envoyée en 1910 – a été retrouvé. Mais les autres manuscrits, qui comportent des passages inédits du journal de Brod et la correspondance avec son épouse, pourraient fournir davantage d'informations sur la vie de Franz Kafka.

Manuscrits en Suisse

Les documents seront acheminés jusqu'à la Bibliothèque nationale israélienne, qui bataille depuis plus de 10 ans pour récupérer l'intégralité de la collection Max Brod, conformément à une décision du tribunal allemand de Wiesbaden de janvier 2019.

Par ailleurs, dans une affaire distincte qui fait des allers-retours entre la Suisse et Israël depuis 10 ans, des manuscrits et dessins de Kafka doivent être exhumés des coffres-forts de la banque UBS sur décision de la justice à Zurich en avril dernier.

«Le tribunal de Zurich a reconnu que le contenu de ces coffres privés doit être remis à notre institution. Ça peut encore prendre du temps. C'est une affaire compliqué», a indiqué à l'AFP Stefan Litt, commissaire auprès des archives israéliennes.

Refus de brûler

Franz Kafka, mort en 1924, avait demandé à son ami Max Brod de brûler ses manuscrits, mais ce dernier les avait conservés, les emmenant jusqu'à Tel-Aviv dans sa fuite du nazisme. A sa mort, il a légué tous ces documents, dont certains écrits rares, à sa secrétaire, Esther Hoffe.

Mais cette dernière n'a pas respecté les voeux de Brod et au lieu de transmettre les archives, évaluées à plusieurs millions de dollars, à une institution culturelle, elle les a partagées dans sa succession en 2007 entre ses deux filles.

Multiples litiges

La collection Brod est devenue alors l'enjeu de multiples litiges, portés jusque devant la Cour suprême israélienne. Apogée de la bataille judiciaire entre Israël, l'Allemagne et la famille Hoffe: le manuscrit original du «Procès», vendu par la secrétaire pour deux millions de dollars aux archives de Marbach. Il a finalement été récupéré par la Bibliothèque nationale d'Israël.

Selon la presse israélienne, Mme Hoffe, qui avait affirmé avant sa mort avoir été victime d'un cambriolage, gardait ces documents dans des conditions douteuses, au milieu de sa dizaine de chats, dans le fourbis de son appartement de Tel-Aviv.

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