Polluants éternels «La plus grande menace chimique au XXIe siècle»

AFP

22.3.2024

«Il y a urgence!»: un député écologiste français, Nicolas Thierry, mène la bataille contre le «scandale sanitaire» des polluants éternels, ou PFAS, qu'il souhaite faire interdire dès 2025 lorsque des solutions alternatives existent.

Au fil des années, les PFAS s'accumulent un peu partout.
Au fil des années, les PFAS s'accumulent un peu partout.
ats

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22.3.2024

Quasi-indestructibles, les substances per- et polyfluoroalkylées ou PFAS s'accumulent avec le temps dans l'air, le sol, les eaux des rivières, la nourriture et jusqu'au corps humain, d'où leur surnom de polluants «éternels». En cas d'exposition sur une longue période, ils peuvent avoir des effets sur la fertilité ou favoriser certains cancers, selon de premières études.

Ces molécules sont décrites par certains experts comme «la plus grande menace chimique au XXIe siècle», mais jugées en partie incontournables par l'industrie.

Nicolas Thierry dénonce, dans un entretien à l'AFP, une «inaction coupable des pouvoirs publics» en France, soulignant que les premiers scandales ont éclaté «il y a un quart de siècle» aux Etats-Unis, portés à l'écran notamment par le film «Dark Waters» de Todd Haynes (2019).

Un rapport parlementaire réalisé à la demande du gouvernement français, publié en février, recommande de «faire cesser urgemment les rejets industriels» contenant des polluants éternels, «sans attendre de restriction européenne». La préconisation est saluée par M. Thierry, mais il  s'interroge sur sa traduction en actes.

«Une pollution inédite»

«Il y a urgence et il faut faire face, tout de suite amener des réponses politiques à une pollution qui est absolument inédite de par son ampleur», juge ce parlementaire, auteur d'une proposition de loi, qui sera examinée à l'Assemblée nationale, le 4 avril.

Sa principale mesure, l'interdiction (fabrication, importation, exportation et mise sur le marché) des produits contenant des PFAS, dès 2025 lorsqu'il existe une solution alternative et en 2027 pour les autres, avec des dérogations (santé, micro-processeurs pour la transition énergétique).

L'Union européenne réfléchit à une interdiction des PFAS d'ici 2026 pour tous les Etats-membres, une démarche soutenue par la France. Mais selon Nicolas Thierry, les Etats-membres n'auront l'obligation de contrôler que 20 PFAS sur des centaines répertoriés.

Le député souligne que l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a identifié quatre familles de produits pour lesquelles il est possible de se passer des PFAS tout de suite: les emballages en contact direct avec les aliments, pour lesquels Bruxelles a déjà prévu une interdiction en 2026, les cosmétiques, le fart pour les skis et les textiles.

Les autres mesures qu'il propose sont l'obligation immédiate de contrôler la présence de PFAS dans l'eau potable sur tout le territoire français, et l'application du principe pollueur-payeur avec une taxe visant les industriels rejetant des PFAS.

Des personnalités testées

Lors d'une campagne «Stop PFAS», le député a effectué un tour de France pendant sept mois, faisant réaliser des tests de recherche de 12 PFAS à chaque étape auprès de la population locale: 94% des 152 personnes testées avaient au moins un PFAS dans l'organisme, affirme-t-il.

«Ca reste un tout petit échantillon», convient l'élu, qui souhaite faire passer le message que «partout en France, on a très, très peu de chances d'échapper à cette pollution». «A un moment, il y a une carence des autorités de l'Etat et pas que de ce gouvernement, depuis plusieurs décennies», pointe-t-il.

Concernant les chances de voir son texte adopté par l'Assemblée, M. Thierry juge l'issue «assez incertaine» et craint le lobby de la chimie. Déjà présents dans l'eau ou les sols, les PFAS se retrouvent aussi de plus en plus dans les assiettes, selon un rapport publié fin février par plusieurs ONG,  dont Générations Futures et Pesticide Action Network (PAN) Europe.

Selon ce rapport, la présence de pesticides contenant ces substances chimiques a explosé entre 2011 et 2021 dans les fruits et légumes consommés en Europe, notamment dans les fruits d'été.