Tribunal pénal fédéral Le procureur trace une ligne rouge contre les crimes de guerre

aula, ats

1.3.2021 - 12:17

Le procureur fédéral a débuté lundi son réquisitoire contre un ancien commandant libérien accusé de crimes de guerre. Ce dernier comparaît depuis décembre 2020 devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone.

Le Ministère public de la Confédération a prononcé son réquisitoire contre un ancien commandant libérien lundi devant le Tribunal pénal fédéral (archives).
Le Ministère public de la Confédération a prononcé son réquisitoire contre un ancien commandant libérien lundi devant le Tribunal pénal fédéral (archives).
ATS

«Les rebelles de Charles Taylor ne faisaient que passer. Ils pillaient, violaient, tuaient mais ils étaient moins pires que l'ULIMO (United Liberation Movement of Liberia for Democracy).» Le procureur Andreas Müller a répété ce témoignage d'un des plaignants pour ouvrir son playdoyer devant la Cour des affaires pénales.

Procès hors normes

D'une voix douce contrastant avec les faits évoqués, le magistrat a souligné le caractère hors normes de ce procès, le premier tenu devant la justice civile pour les actes commis durant le conflit au Libéria. «Un procès qui traite de crimes parmi les plus abominables – the crimes of the crimes.» Même dans les guerres, il y a des lignes rouges et le but de cette procédure est de défendre cette dernière ligne rouge, a ajouté Andreas Müller.

Des milliers de civils ont été tués, violés, torturés dans le comté du Lofa où opérait la Strike Force de l'ULIMO, dont l'accusé était l'un des commandants. «Quelque 17'000 violations des lois de la guerre commises par l'ULIMO ont été dénoncées à la Commission pour la vérité et la réconciliation du Libéria (TRC), soit une dizaine par jour en moyenne», a rappelé le représentant du Ministère public de la Confédération (MPC).

Accusations détaillées

Après ce tableau général, le magistrat a sobrement détaillé les actes reprochés à l'accusé Alieu Kosiah: recrutement d'un enfant soldat de 12 ans, exécution de plusieurs civils, «Tabé» – une forme de torture consistant à lier dans le dos les coudes et les poignets de la victime.

Les transports forcés de marchandises, d'armes et de munitions imposés aux civils ont aussi été longuement évoqués. «Le Lofa, dont s'était emparé l'ULIMO, jouait un rôle stratégique puisqu'il assurait un débouché sur la Guinée où se ravitaillait la faction», a rappelé Andreas Müller. Qui a évoqué aussi les changements répétés de version de l'accusé, qui tenterait de dissimuler l'importance de ces échanges.

«Comme des esclaves»

Il a évoqué le surnom de «Physical Cash» attribué à Alieu Kosiah. «Il aimait l'argent, pas étonnant qu'il ait ordonné des pillages et des transports forcés.» Ces derniers contreviennent à l'interdiction des traitements cruels, humiliants et dégradants, selon le représentant du MPC. Qui a souligné que les soldats «traitaient les civils comme des esclaves».

Pour le magistrat, l'acte de cannibalisme reproché à l'accusé – manger un coeur arraché à un civil – illustre bien la banalisation de l'horreur durant le conflit libérien. Une scène qui s'est déroulée en public, pour terroriser la population, selon le Parquet. L'acte constitue aussi un traitement humiliant et dégradant, même si la victime était morte.

«Si vous trouvez une génératrice»

Le pillage de la centrale électrique de Foya et le transport forcé de la génératrice jusqu'en Guinée ont aussi été mentionnés. Andreas Müller a cité un témoignage «désarmant»: «Quand vous vous promenez sur le front, il arrive que vous trouviez quelque chose. Si vous trouvez une génératrice, vous la prenez.»

Ancien commandant de l'ULIMO entre 1993 et 1995, Alieu Kosiah est accusé notamment du meurtre de 18 civils et de deux soldats désarmés, commis par lui-même ou par ses hommes, du viol d'une jeune femme ainsi que d'actes de torture et de cannibalisme. Arrivé en Suisse à la fin des années 1990, l'accusé a été arrêté en novembre 2014 et est détenu depuis lors. L'accusé, qui aura 46 ans en mars, est présumé innocent.

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