RussieDes opposants russes s'entraînent à résister
ATS
2.9.2019 - 02:44
Les matraques sont en plastique mais l'ambiance se veut réaliste: dans un local du centre de Moscou, une dizaine de personnes scandent des slogans anti-pouvoir pendant que deux faux policiers les attrapent un par par un.
«Le moindre geste peut être perçu comme une agression et entraîner une réaction violente», commente un des «policiers» cagoule sur la tête, une fois les manifestants traînés sur des bancs faisant office de fourgon cellulaire.
Alexandre Artchagov, opposant et psychologue de profession, avait annoncé la couleur. Objectif de cette formation gratuite initiée par un petit mouvement militant: «Apprendre à résister légalement et pacifiquement à une arrestation», et «supporter la pression» des forces de l'ordre en Russie.
Une soixantaine de personnes ont répondu présent dans la salle prêtée par le Centre Sakharov de défense des droits de l'Homme. La plupart ont la vingtaine. Sur les murs, un rétro-projecteur diffuse des images détournées montrant des policiers russes arrêtant Buzz Aldrin sur la Lune ou les Beatles sur Abbey Road.
Une quinzaine en prison
Cet été, près de 2700 personnes ont été interpellées à Moscou lors de la plus grande vague de protestation depuis le retour au pouvoir de Vladimir Poutine en 2012. A l'origine du mouvement: l'exclusion de la plupart des candidats d'opposition à un scrutin local prévu le 8 septembre dans la capitale.
Si la plupart des interpellés ont écopé d'amendes, une quinzaine sont restés derrière les barreaux. Ils risquent entre trois et huit ans de prison pour des «troubles massifs» ou des «violences contre les forces de l'ordre».
L'opposition démocrate, qui dénonce des mesures d'intimidation contre des manifestants pacifiques, a appelé à défiler samedi dans le centre de la capitale contre les «répressions politiques». La manifestation n'ayant pas été autorisée par la mairie, de nouvelles arrestations sont à prévoir.
«Un stylo et du papier»
«Après votre arrestation, vous serez mis sous pression. Et il est possible que beaucoup craquent rapidement», prévient Alexandre Artchagov. Il conseille de filmer au maximum avec son téléphone. Autre recommandation: ne pas donner ses documents d'identité à la police. Celle-ci a déjà été accusée de ne pas les rendre avant que l'interpellé ne signe un papier où il reconnaît ses torts.
«Mais vos meilleures armes, ce sont un stylo et du papier», poursuit l'activiste Irina Iatsenko. En cas de détention de plusieurs heures dans des fourgons de police – pratique fréquente en Russie – elle conseille aux personnes détenues d'écrire et de signer ensemble une réclamation.
«Cela peut permettre d'augmenter vos chances de dédommagements devant la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH)«, explique-t-elle. Pour les militants politiques russes, cette instance juridique, dépendante du Conseil de l'Europe, représente souvent le dernier espoir de justice.
Interrompu par des nationalistes
«Ce système est déshumanisé. Il est basé sur votre consentement et votre obéissance. Mais si vous arrêtez de dire 'oui' sans réfléchir, vous commencez à poser des problèmes. Et il y a alors une possibilité qu'on ne vous dévore pas ou qu'on le fasse avec moins d'appétit», ajoute Alexandre Artchagov.
La semaine dernière, le premier de ces ateliers avait été interrompu par des militants nationalistes. Ils sont de retour cette semaine. «Nous sommes venus défendre notre leader, Vladimir Poutine, contre le coup d'Etat qui se prépare ici, le même que celui de 1991 qui a mis fin à l'URSS», soutient Tatiana Gabova, 40 ans, membre du Mouvement de libération nationale.
Ce cours «apprend aux jeunes à résister aux policiers qui empêchent un nouveau Maïdan», le soulèvement de l'hiver 2013-2014 ayant provoqué la chute du président pro-russe en Ukraine, assure-t-elle.
Eviter la violence
La participante Olga Medvedeva semble pourtant éloignée de toute velléité révolutionnaire. «Ce soir, on m'a appris comment lever les bras lors d'une arrestation et montrer qu'on ne veut pas faire de mal aux policiers», raconte la jeune femme à l'AFP.
Un point sur lequel Alexandre Artchagov insiste fermement : «En Russie, la violence entraîne la violence. C'est d'ailleurs ce que veulent les membres des forces de sécurité pour prendre du galon. Il ne faut surtout pas nourrir cela.»
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