Etats-UnisFace à la justice, Donald Trump dégaine son arme fatale
AFP
26.3.2024
La tactique est simple, voire basique, mais redoutablement efficace: jouer la montre. A force de recours, invoquant parfois des arguments improbables, Donald Trump paraît bien parti pour échapper à la plupart de ses procès au pénal avant l'élection présidentielle.
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26.03.2024, 07:19
26.03.2024, 08:00
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Visé par quatre procédures pénales, le candidat républicain désormais incontesté pour affronter Joe Biden en novembre fait feu de tout bois pour passer en jugement le plus tard possible. Même lorsqu'il n'obtient pas gain de cause, le temps passé à débattre de chacun de ses recours le rapproche du but.
Ainsi, à New York, où il est poursuivi pour paiements dissimulés à une actrice de films X en 2016, Donald Trump aura gagné trois semaines en arguant du récent versement au dossier de milliers de pages de documents, pourtant sans réelle incidence sur le dossier. Le juge a fixé lundi au 15 avril l'ouverture de ce procès, le seul des quatre pour lequel une date ferme est inscrite au calendrier.
En Géorgie (sud-est), Donald Trump et 14 autres personnes poursuivies pour tentatives illicites d'inverser les résultats de l'élection de 2020 dans cet Etat clé ont réussi à obliger le tribunal à consacrer de longues semaines à examiner un éventuel conflit d'intérêts de la procureure en raison de sa relation intime avec un enquêteur.
Le juge a finalement écarté le 15 mars sous conditions le dessaisissement de la procureure, mais aucune date n'a encore été fixée pour ce procès, plus de sept mois après la publication de l'acte d'accusation.
«Délais excessifs»
Et Donald Trump est parvenu à différer sine die son procès fédéral à Washington, également pour ingérence électorale en 2020, qui devait débuter le 4 mars, en obtenant que la Cour suprême se saisisse de l'immunité pénale qu'il revendique en tant qu'ex-président. La plus haute juridiction du pays ne devrait pas se prononcer avant juin, voire juillet.
«Cela fait partie du système que la plupart des accusés ne veuillent pas aller au procès et de le retarder le plus possible», souligne l'ancien procureur fédéral Andrew Weissmann, coauteur d'un livre paru en février sur les inculpations de Donald Trump.
Il déplore néanmoins des «délais excessifs» de la part de certaines juridictions. Andrew Weissmann considère comme «inexcusable» que la Cour suprême n'ait pas fixé un calendrier accéléré sur la question de l'immunité, et dénonce les errements de la juge au procès fédéral en Floride (sud-est), où l'ex-président est mis en cause pour sa gestion de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche.
«Il s'agit de tactiques classiques pour un accusé qui ne veut pas arriver au procès», relève également un autre ex-procureur fédéral, Daniel Richman, professeur à l'université Columbia.
«Mais lorsque cela implique un ex-président, les questions à régler sont nécessairement sans précédent et exigent davantage de participation des tribunaux, voire de la Cour suprême», explique-t-il à l'AFP. «Donc quiconque pense que les avocats de Trump sont des sortes de magiciens ou de génies se trompe», ajoute-t-il.
«Stratagèmes»
En Floride, les procureurs ont demandé le 11 mars à la juge de rejeter sans possibilité d'appel la demande d'annulation des poursuites émise par Donald Trump en vertu de sa prétendue «immunité» dans l'affaire des documents classifiés, afin de ne «pas encourager de telles tactiques dilatoires».
Dans ce dossier, la défense est allée jusqu'à invoquer la règle non écrite du ministère de la Justice de s'abstenir de toute inculpation à possible répercussion politique dans les 60 jours précédant une élection majeure. Les procureurs ont aussitôt précisé que cette règle s'appliquait à l'ouverture de poursuites, mais pas à la tenue d'un procès.
«Les tribunaux ne devraient pas se prêter à ces stratagèmes», a récemment déclaré sur CNN l'élu démocrate à la Chambre des représentants Adam Schiff, ancien membre de la commission d'enquête parlementaire sur l'assaut du Capitole le 6 janvier 2021.
Comme les deux anciens procureurs, Adam Schiff estime que le ministère de la Justice aurait eu intérêt à engager plus tôt les poursuites fédérales contre l'ex-président.
«Ce retard a contribué à la situation dans laquelle il se pourrait qu'aucun de ces procès n'ait lieu, mais je crois et j'espère encore qu'au moins un ou deux puissent démarrer avant l'élection», a-t-il indiqué. S'il était de nouveau élu, Donald Trump pourrait, une fois investi en janvier 2025, ordonner l'abandon des procédures fédérales à son encontre.
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