Juan Manuel Santos«Je suis la preuve que c'est contreproductif»
sn, ats
21.6.2022 - 13:41
L'ex-président colombien Juan Manuel Santos souhaite des négociations entre le prochain chef de l'Etat Gustavo Petro et l'Armée de libération nationale (ELN). Il veut aussi que celui-ci s'engage davantage qu'Ivan Duque pour appliquer l'accord de paix avec les FARC.
Keystone-SDA, sn, ats
21.06.2022, 13:41
21.06.2022, 13:51
ATS
«J'espère qu'il le fera», a affirmé mardi à Genève le Prix Nobel de la paix à quelques journalistes, en parlant de négociations avec l'ELN. Lundi, la dernière guérilla reconnue en Colombie avait relayé son «entière disposition» à dialoguer avec le prochain président, lui-même un ancien membre d'un groupe rebelle.
M. Santos, grand artisan de l'accord de paix de 2016 avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) après des décennies de guerre, avait entamé l'année suivante des négociations avec l'ELN. Celles-ci avaient été suspendues par son successeur Ivan Duque en 2019 après un attentat à Bogota.
Une décision que le Prix Nobel déplore. «Nous en payons les conséquences», affirme-t-il, ajoutant souhaiter qu'un dialogue puisse être rétabli.
Plus largement, il estime que M. Petro s'engagera davantage pour appliquer l'accord de paix que M. Duque, largement ciblé pour son manque d'action sur cette question. Comme candidat et comme parlementaire, le prochain chef de l'Etat, le premier de gauche dans l'histoire du pays, a souvent reproché à l'actuel président cette approche.
Duque ciblé
Et «il a promis de s'investir entièrement» pour changer la situation, insiste le Prix Nobel. «J'espère qu'il le fera. Ce serait bon pour la Colombie» et «je pense qu'il appliquera l'accord de paix», ajoute-t-il.
Pour autant, M. Santos rappelle que presque la totalité des ex-membres des FARC honorent toujours l'accord de paix. Il déplore que M. Duque ait laissé les anciens territoires de la guérilla aux mains de criminels, une situation qui a abouti à ce que de nombreux dirigeants sociaux soient tués. Parce qu'ils stimulaient le volet de l'accord de paix sur le soutien à des cultures de substitution pour les agriculteurs plutôt que d'alimenter le trafic de drogue.
Or, là où il peut être mené, le système fonctionne. Mais le gouvernement de M. Duque s'est engagé trop tard dans ce dispositif parce qu'il considérait toujours les FARC comme des rebelles, selon son prédécesseur.
Appel au prochain président
Membre de la Commission mondiale sur la politique des drogues, M. Santos regrette que celui-ci soit revenu à une approche répressive sur ces substances. «L'une de ses nombreuses erreurs malheureuses», dit-il encore.
M. Santos admet lui-même avoir eu tort lorsqu'il était ministre de la défense d'avoir voulu éradiquer la drogue, notamment en extradant près de 1500 trafiquants. «Je suis la preuve que c'est contreproductif», dit-il.
Désormais, il est convaincu qu'il faut une régulation publique du marché des drogues. Il a changé d'attitude comme président et admet qu'il en a payé «un prix important politiquement». Mais la répression sous M. Duque a fait augmenter la fabrication de drogues, ajoute-t-il. Sur cette question, il veut que le prochain président «honore ses engagements».