Crise politiqueLa Bosnie Herzégovine vote par temps de frictions ethniques
ATS
2.10.2022 - 07:54
Les Bosniens votent dimanche aux élections générales dans un pays en pleine crise politique. Il est déchiré par des divisions ethniques croissantes qui mettent en danger son intégrité.
02.10.2022, 07:54
02.10.2022, 08:54
ATS
Entre menaces sécessionnistes des Serbes orthodoxes, frustrations des Croates catholiques qui ne veulent plus cohabiter avec les Bosniaques musulmans et rêves «d'Etat citoyen» d'une grande partie de ces derniers, beaucoup craignent de nouvelles turbulences après le scrutin.
Le pays est divisé entre une entité serbe, la Republika Srpska (RS), et une fédération croato-musulmane, reliées par un faible pouvoir central souvent paralysé. Ce système est hérité des accords conclus en 1995 à Dayton (Etats-Unis) et qui ont mis fin à la guerre dans laquelle 100'000 personnes ont été tuées.
Les électeurs ont commencé à participer dimanche matin à un scrutin complexe pour désigner les trois membres de la présidence collégiale de la Bosnie, les députés du Parlement central et ceux des deux entités ainsi que, en Republika Srpska, la présidence.
Surenchère nationaliste
«Je n'espère rien, je vote car c'est la seule chose que je puisse faire en tant qu'individu», a déclaré à l'AFP une économiste de 57 ans en votant à Sarajevo.
Dans les trois communautés, des chefs qui occupent depuis longtemps le devant de la scène se livrent à la surenchère nationaliste pour se maintenir au pouvoir pendant que tous ceux qui le peuvent choisissent l'exil face à l'absence de perspectives tant politiques qu'économiques.
Un demi-million de personnes ont quitté le pays depuis le dernier recensement de 2013, quand il comptait 3,5 millions d'habitants, selon les estimations de l'Union pour un retour durable, une ONG locale.
Incompétence et népotisme
«On donne la priorité aux gens incompétents, enclins à la corruption au sein des partis qui ont instauré des relations de clientélisme», déplore Sara Djogic, étudiante en philosophie de 21 ans à Sarajevo-Est, qui fait partie de la RS. «Ils ne cessent de conduire vers l'abîme la Republika Srpska et toute la Bosnie-Herzégovine»
Le népotisme favorise le statu quo, jugent de nombreux observateurs. D'après l'analyste Zarko Papic, un million de personnes dépendent d'une façon ou d'une autre du secteur public (250'000 employés et leur familles) et constituent «un bassin d'électeurs pour les partis au pouvoir».
Milorad Dodik, l'indéboulonnable chef politique des Serbes de Bosnie et représentant serbe sortant de la présidence collégiale, brigue cette fois ci la présidence de la RS. Le nationaliste de 63 ans a multiplié ces derniers mois les menaces sécessionnistes qui lui ont valu des sanctions de Washington et de Londres, tout en répétant à l'envi que le Bosnie était un pays «raté».
Certains analystes parient sur une victoire de ce grand admirateur du président russe Vladimir Poutine même si sa principale rivale, Jelena Trivic, universitaire de 39 ans, assure le contraire. Elle aussi joue sur la corde nationaliste mais promet de pourfendre la kleptocratie instaurée selon elle par Milorad Dodik. «Notre vengeance s'exercera au moyen de la loi», a-t-elle affirmé.
Rhétorique incendiaire
Dans la communauté bosniaque, Bakir Izetbegovic, chef du principal parti, le SDA nationaliste, n'est pas en reste dans la rhétorique incendiaire pour briguer un troisième mandat au fauteuil musulman de la présidence tripartite.
Fils du premier président de la Bosnie indépendante, il fait face à un candidat soutenu par onze partis d'opposition. Denis Becirovic, professeur d'histoire de 46 ans, milite pour une Bosnie «pro-européenne et unie».
De leur côté, les Croates, qui ont menacé pendant des mois de boycotter le scrutin, sont mécontents de devoir partager une fédération avec les Bosniaques.
Changement de système
Tous les partis croates réclament une entité propre ou du moins une modification des règles électorales. Celles-ci permettent aux Bosniaques largement majoritaires démographiquement au sein de l'entité commune d'élire de fait le membre croate à la présidence collégiale.
Le co-président croate sortant, Zeljko Komsic, porte-drapeau d'un Etat «citoyen» considéré comme «illégitime» par une grande partie de sa communauté, affrontera Borjana Kristo, candidate du HDZ nationaliste. En cas de victoire du premier, certains craignent de nouveaux tumultes et blocages institutionnels.
Les bureaux ferment à 19h00 suisses. En l'absence de sondages sortie des urnes, des résultats préliminaires ne sont pas attendus avant tard dans la nuit.