Un épiphénomène ?Le bolsonarisme, grand vainqueur de l'élection brésilienne
ATS
3.10.2022 - 21:57
Le premier tour de la présidentielle au Brésil a montré que le bolsonarisme n'est pas un épiphénomène, mais un mouvement implanté fait pour rester, estiment les analystes au vu du score élevé du président sortant d'extrême droite.
Présidentielle au Brésil: Bolsonaro talonne Lula, 2e tour tendu en vue
L'ex-président de gauche Lula s'est imposé sur une marge bien plus faible que celle que lui prédisaient les sondages sur le sortant Jair Bolsonaro, au premier tour de l'élection brésilienne dimanche.
03.10.2022
Keystone-SDA
03.10.2022, 21:57
03.10.2022, 22:50
ATS
«Démonstration de force du bolsonarisme», titrait lundi en une le quotidien Folha de S. Paulo.
«Cette élection montre à quel point le mouvement conservateur est enraciné au Brésil. Même si Bolsonaro finit par quitter la présidence (en perdant au second tour face à Lula), le bolsonarisme va rester», a prédit dans une tribune de ce même journal la sociologue Angela Alonso, de l'Université de Sao Paulo (USP).
Le chef de l'Etat s'est félicité lundi sur Twitter d'avoir obtenu «envers et contre tous, (...) près de 2 millions de votes de plus qu'au premier tour de 2018», avec 43% des suffrages, contre 48% pour son ennemi juré, l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).
Il a surtout «fait mentir les sondages», comme celui de l'institut Datafolha, qui prédisait samedi soir un écart de 14 points en faveur de Lula et une victoire possible de ce dernier dès le premier tour.
Mais dans sa série de tweets publiés quelques heures après l'annonce des résultats, Jair Bolsonaro a également célébré le fait d'avoir «fait élire le plus grand groupe de députés et sénateurs au Congrès, ce qui était notre plus grande priorité depuis le début».
«Plus à droite que prévu»
En 2018, les élections avait déjà été marquées par une vague ultra-conservatrice, que la plupart des analystes attribuaient au rejet du Parti des Travailleurs (PT) de Lula, éclaboussé par les scandales de corruption.
Mais les résultats de dimanche montrent que le bolsonarisme a fait mieux que résister aux crises qui ont marqué le mandat du président d'extrême droite, qui a choqué de nombreux Brésiliens avec son déni face à une pandémie de Covid-19 particulièrement meurtrière dans le pays (686.000 décès).
Près de la moitié des sénateurs élus dimanche (14 sur 27) sont bolsonaristes, dont plusieurs ex-ministres, comme Tereza Cristina (Agriculture), ou l'ex-astronaute Marcos Pontes (Sciences et Technologies). Le vice-président Hamilton Mourao a également obtenu un siège à la chambre haute.
Sondages inefficaces
Jair Bolsonaro est également parvenu à faire élire haut la main d'anciens membres hautement controversés de son gouvernement, comme Eduardo Pazuello, qui était à la tête du ministère de la Santé aux pires heures de la pandémie, de mai 2020 à mars 2021.
Ce général a notamment été mis en cause par une commission d'enquête parlementaire du Sénat pour sa réaction jugée tardive face à une pénurie d'oxygène qui a causé le décès de plusieurs dizaines de patients par asphyxie en janvier 2021.
Très discret pendant la campagne, il lui a suffi de bénéficier du soutien appuyé du chef de l'Etat pour obtenir le deuxième meilleur score des législatives à Rio de Janeiro.
«Les sondages n'ont pas perçu la force de Jair Bolsonaro et de ses candidats», a constaté Vera Magalhães dans son éditorial pour le quotidien O Globo, soulignant des résultats «plus à droite que prévu».
«Dieu, patrie, famille»
Pour Jairo Nicolau, politologue à la Fondation Getulio Vargas, «une partie des Brésiliens sont d'extrême droite, mais le bolsonarisme est surtout l'expression du mouvement conservateur du pays», qui remplace les partis de centre droit comme le PSDB, de l'ex-président Fernando Henrique Cardoso (1995-2001).
«Le PSDB était un parti des élites, avec très peu de pénétration dans le tissu social. C'est là que Bolsonaro fait la différence, c'est un vrai leader populaire, comme la droite brésilienne n'en avait pas eu depuis longtemps», renchérit Mayra Goulart, professeure de Sciences Politiques de l'Université Fédérale de Rio de Janeiro.
Le bolsonarisme est notamment très enraciné dans l'électorat évangélique, sensible à son discours ultra-conservateur et à sa devise de campagne «Dieu, patrie et famille».
Jamil Chade, chroniqueur du site d'informations Uol, trace des parallèles avec les mouvements populistes dans la Hongrie de Viktor Orban ou aux Etats-Unis sous Donald Trump, avec la désinformation comme arme de persuasion.
«Comme en Hongrie, les Bolsonaristes ont pour stratégie de délégitimer la presse, la société civile ou tout organe de contrôle externe, en créant à leur place des canaux de communication directe avec la population pour disséminer des mensonges», explique-t-il.