Elections américaines Les surprises d’octobre ne sont pas à exclure

d'Helene Laube

8.10.2020

Le président des Etats-Unis Donald Trump.
Le président des Etats-Unis Donald Trump.
Keystone

Un événement qui survient peu de temps avant le scrutin et qui influence la course à la Maison-Blanche: la «surprise d’octobre» est une tradition des élections présidentielles américaines. Quelle est la part de vérité autour de ce mythe?

Tous les quatre ans, les spéculations vont bon train aux Etats-Unis au sujet d’un événement imprévisible qui bouleverserait encore la campagne électorale dans la dernière ligne droite: cet événement, qui peut être délibérément provoqué par l’un des candidats ou prendre la forme d’un phénomène naturel, est censé tenir les électeurs en haleine sur le plan politique et émotionnel et engendrer un tournant dans la course à la Maison-Blanche juste avant la ligne d’arrivée. Dans le jargon politique de Washington, on parle d’une «surprise d’octobre» («October Surprise»).



Au cours de la campagne électorale de 2016, il y a eu la publication quatre semaines avant le jour du scrutin d’une vidéo révélant des propos vulgaires du candidat républicain Donald Trump à l’encontre des femmes («Grab them by the pussy»). Ou encore l’annonce le 27 octobre d’enquêtes complémentaires menées par le FBI sur l’affaire des e-mails et du serveur privé qui plombait Hillary Clinton à l’époque. Quelques jours plus tard seulement, le FBI a annoncé que les nouveaux éléments ne constituaient pas non plus une raison d’engager des poursuites pénales contre Hillary Clinton.

Comme d’innombrables autres scandales, la publication de la vidéo «Grab them by the pussy» n’a pas affecté Donald Trump. En revanche, certains sont convaincus que l’annonce du FBI a coûté la victoire à Hillary Clinton.

Focus sur les élections américaines de 2020

Les Américains se rendent aux urnes: «blue News» suit la phase critique du duel pour la Maison-Blanche, non seulement depuis la Suisse, mais également à travers des reportages de journalistes suisses vivant aux Etats-Unis. Donald Trump ou Joe Biden? Le scrutin est prévu le 3 novembre.

Cette année, une surprise de ce genre – au même titre que les informations pas tout à fait surprenantes sur l’ampleur des acrobaties fiscales trumpesques du président – est survenue dès le mois de septembre avec le décès de Ruth Bader Ginsburg, juge à la Cour suprême. D’autres pourraient suivre. Cependant, Donald Trump et les républicains n’auraient guère pu trouver un meilleur sujet qu’une dispute avec les démocrates sur un poste de juge à la Cour suprême des Etats-Unis pour mobiliser la base du parti. Ils avanceront les audiences et l’élection au Sénat de la juge conservatrice Amy Coney Barrett nommée par Donald Trump pour les organiser avant les élections présidentielles et du Congrès prévues le 3 novembre. La perspective d’élargir l’aile judiciaire conservatrice à six voix dans un avenir prévisible est trop tentante.

La décision de ne pas attendre l’issue du scrutin pour nommer la nouvelle juge devrait également mobiliser les électeurs démocrates. Il reste à voir dans quelle mesure la mort de Ruth Bader Ginsburg et le mélodrame entourant la nomination controversée affecteront les électeurs.



La «surprise d’octobre», un néologisme républicain

L’expression «surprise d’octobre» a été inventée pendant la campagne électorale présidentielle de 1980 – marquée par la prise d’otages à Téhéran – par William Casey, directeur de campagne de Ronald Reagan devenu ensuite directeur de la CIA. L’intrigue qui s’est déroulée à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran du 4 novembre 1979 au 20 janvier 1981 a mis à rude épreuve la présidence du démocrate Jimmy Carter – et sa réélection. Lorsque les étudiants iraniens ont libéré les 52 otages américains restants le jour de la prestation de serment de Ronald Reagan en janvier 1981, son équipe de campagne a été soupçonnée d’avoir persuadé Téhéran de retarder la libération pour l’organiser après les élections de novembre 1980.

C’est précisément ce scénario – la nomination d’un successeur par Donald Trump et les républicains avant la prestation de serment du nouveau président en janvier 2021 – que Ruth Bader Ginsburg voulait empêcher. Son plus grand souhait était de «ne pas être remplacée avant l’entrée en fonction d’un nouveau président», aurait dicté la juge à sa petite-fille sur son lit de mort au bloc.
C’est précisément ce scénario – la nomination d’un successeur par Donald Trump et les républicains avant la prestation de serment du nouveau président en janvier 2021 – que Ruth Bader Ginsburg voulait empêcher. Son plus grand souhait était de «ne pas être remplacée avant l’entrée en fonction d’un nouveau président», aurait dicté la juge à sa petite-fille sur son lit de mort au bloc.
Keystone/ EPA/Shawn Thew

Deux enquêtes du Congrès ont conclu que l’équipe de campagne de Ronald Reagan n’avait pas négocié d’accord secret avec Téhéran. Cependant, le camp Reagan aurait tenté d’exploiter en coulisses la question des otages à des fins électorales.

Selon un reportage paru dans le «New York Times» en décembre 2019, des républicains influents auraient coopéré étroitement avec l’équipe de campagne de Reagan, qui tentait d’empêcher la libération des otages avant les élections.

Les républicains ont parlé de «surprise d’octobre» pour dénigrer les efforts finalement infructueux déployés par l’administration Carter en vue d’une libération des otages. Ils ont répandu des rumeurs sur le versement présumé de rançons en échange de la libération des otages, ce qui aurait entravé les négociations selon des représentants du gouvernement Carter. Egalement affecté par un grave ralentissement de l’économie américaine, Jimmy Carter a subi une défaite cuisante face à Ronald Reagan le 4 novembre 1980.

Des «surprises d’octobre» s’étaient déjà produites dans le monde politique américain au cours des décennies et des siècles précédents, mais elles n’en avaient pas le nom. Parfois – mais pas toujours –, ces déraillements, ces échecs et ces catastrophes sont provoqués par les adversaires politiques. Parfois – mais pas toujours –, ils sont couronnés de succès. Quoi qu’il en soit, ils font partie intégrante des campagnes présidentielles aux Etats-Unis – et ailleurs.


Helene Laube est journaliste à San Francisco. De 2000 à la publication du dernier numéro du «Financial Times Deutschland» en décembre 2012, elle a officié en tant que correspondante pour le journal économique dans la Silicon Valley. Elle a fait partie des membres fondateurs du «FTD». Auparavant, elle était rédactrice pour «Manager Magazin» à Hambourg. Ses articles ont également été publiés dans des médias tels que le «Financial Times», «Der Spiegel», le «Los Angeles Times», «Die Zeit», «Stern», la «Neue Zürcher Zeitung», «brand eins» et «Wired Germany».

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