Emmanuel Macron a accueilli jeudi soir à dîner Angela Merkel. Il s'agit de l'une des dernières occasions pour les deux dirigeants de travailler «main dans la main» à l'approche des élections allemandes, qui désigneront le 26 septembre le successeur de la chancelière.
Les retrouvailles post-estivales entre le Français et l'Allemande n'ont donné lieu à aucune effusion particulière dans la cour de l'Elysée.
«D'ici à la formation du prochain gouvernement (allemand), Angela Merkel et moi-même continuerons à travailler main dans la main sur les grands dossiers auxquels nous cherchons à apporter des solutions franco-allemandes, comme nous le faisons depuis le premier jour», a affirmé Emmanuel Macron.
Et il a énuméré les nombreux dossiers au menu de ce «dîner de travail», en premier lieu les «conséquences» que les Européens doivent tirer «entre eux» de la crise en Afghanistan.
La «cohérence des Européens» est également en jeu, selon lui, dans «la lutte contre le terrorisme» au Sahel, où Paris a annoncé jeudi matin la mort du chef du groupe djihadiste Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), Adnan Abou Walid al-Sahraoui.
Vers plus d'autonomie
Emmanuel Macron n'a pas directement évoqué le choc provoqué par l'annonce spectaculaire faite mercredi soir d'un vaste pacte de sécurité entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie, qui a évincé Paris d'un méga-contrat de fourniture de sous-marins à Canberra. Il a juste cité l'importance de la zone Indo-Pacifique sur laquelle «les Européens ont adopté une stratégie commune» cette semaine.
La rupture de ce contrat, qui a provoqué «la colère» et «l'amertume» du chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian, devrait pousser Paris à continuer à promouvoir plus de défense et d'autonomie stratégique européenne, notamment industrielle.
Incertitude à Berlin
Ce sera l'un des objectifs de la future présidence française de l'Union européenne, au premier semestre de 2022, qui coïncidera avec la campagne pour la présidentielle française du 10 et 24 avril.
Mais Emmanuel Macron aura-t-il au 1er janvier un nouvel interlocuteur à Berlin si les négociations pour la formation d'un nouveau gouvernement devaient s'éterniser? «Nous ferons tout ce qui est notre pouvoir pour éviter qu'il y a une période de latence trop longue», lui a assuré Angela Merkel, au pouvoir depuis près de seize ans.
Lors des précédentes élections générales en 2017, les négociations avaient duré près de 6 mois, ce qui avait déjà contraint Emmanuel Macron, qui venait d'être élu, à patienter plusieurs mois pour commencer à pousser son agenda européen.
Il est probable qu'Angela Merkel soit toujours à son poste pour le sommet entre l'Union européenne et les Balkans occidentaux à Ljubljana le 6 octobre, puis deux semaines plus tard pour une réunion des 27 à Bruxelles.
Deux profils différents
En quatre ans, la relation personnelle et de travail entre Emmanuel Macron et Angela Merkel a considérablement évolué depuis 2017.
Au départ, difficile de trouver beaucoup de points communs entre une chancelière de 67 ans, élevée à l'école de la prudence, et un jeune président de 43 ans qui a érigé l'audace et le mouvement en marqueurs politiques. Mais au fil du temps, les deux dirigeants ont réussi, selon de nombreux témoins, à bâtir une solide relation de confiance. Le président français s'est longtemps heurté aux réticences allemandes envers la hausse des dépenses de l'UE.
Face au Covid, les deux dirigeants ont su resserrer leur liens pour conclure une alliance aboutissant en mai 2020 à la proposition d'un plan de relance européen de 750 milliards d'euros, largement financé par des emprunts européens mutualisés. Ils ont ensuite oeuvré ensemble pour arracher un accord historique sur ce plan.
Emmanuel Macron a reçu ces derniers jours à l'Elysée les deux favoris pour succéder à Angela Merkel à Berlin, le social-démocrate (SPD, centre-gauche) Olaf Scholz et le démocrate-chrétien (CDU, centre-droit) Armin Laschet.
Du côté d'Olaf Scholz, co-artisan du programme de mutualisation de dettes et de relance européenne post-Covid, Paris peut espérer une moindre orthodoxie budgétaire, surtout si le social-démocrate gouverne avec une majorité bien ancrée à gauche. Si Armin Laschet l'emporte, Berlin pourrait garder le pied sur le frein des dépenses et de la dette.