AllemagnePolémique sur l'abandon de l'orthodoxie budgétaire en Allemagne
ATS
26.1.2021 - 17:35
Un proche d'Angela Merkel a appelé mardi à mettre durablement de côté les règles de discipline budgétaire face à l'impact économique de la pandémie de coronavirus. Ces propos ont provoqué une polémique en Allemagne.
Le principe du frein à l'endettement, inscrit dans la Constitution, «ne sera pas respecté dans les années à venir, même avec une discipline de dépenses par ailleurs stricte», a dit le chef de la chancellerie, Helge Braun, dans une tribune publiée par le quotidien économique Handelsblatt. Il a appelé en conséquence à un «amendement de la Loi Fondamentale», la Constitution allemande.
Venant de la part d'un responsable de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), traditionnellement très à cheval sur l'orthodoxie budgétaire, et de surcroît du bras droit d'Angela Merkel, la sortie a fait son effet: l'Allemagne, parangon de vertu sur les comptes publics, est-elle en train de tourner définitivement casaque face au Covid-19?
«Une décision stratégique»
Devant la controverse, le porte-parole de Mme Merkel, Steffen Seibert, a pris ses distances avec M. Braun, en parlant dans les médias allemands d'un «avis personnel» de sa part. Et les partis conservateurs CDU et CSU ont défendu le frein à l'endettement.
Cette clause a été suspendue pour 2020 et 2021, en raison des dépenses liées à la pandémie. Pour M. Braun, aller plus loin encore constituerait une «décision stratégique pour la reprise économique» et offrirait un «cadre fiable pour les investissements» dont le pays a besoin pour défendre sa compétitivité.
«Le moment est venu pour les responsables politiques et les partenaires sociaux de développer une stratégie commune sur la manière dont l'Allemagne peut se remettre économiquement et durablement de cette crise», a-t-il plaidé.
Plus de 1000 milliards d'euros
Après des années d'excédents et de rigueur budgétaire, l'Allemagne a déjà dépensé sans compter pour maintenir son économie à flot. Elle a débloqué en mars près de 1000 milliards d'euros d'aides aux entreprises, sous la forme de chômage partiel, de prêts garantis et d'aides directes.
Et le pays a lancé en juin un plan de relance de 130 milliards d'euros pour des investissements d'avenir et une relance de la consommation. Résultat: la dette publique a grimpé à 70% du PIB en 2020, soit dix points de plus que son niveau d'avant la crise. Au total, Berlin devrait emprunter plus de 300 milliards d'euros de nouvelles dettes, du jamais vu dans l'histoire récente.
Ces dépenses ont mis à terre la règle du frein à l'endettement, inscrite dans les textes constitutionnels allemands depuis 2009 et qui interdit au gouvernement fédéral d'emprunter plus de 0,35% de son PIB, sauf lors de «circonstances exceptionnelles», avec autorisation du Parlement.
Réactions courroucées
La CDU promettait jusqu'ici un retour rapide à la discipline budgétaire, à l'inverse de son allié au gouvernement, le parti social-démocrate (SPD). «Après la pandémie, nous devons revenir à des budgets sains le plus rapidement possible», a ainsi défendu son secrétaire général Paul Ziemiak sur Twitter.
Les deux favoris de la droite aux législatives de septembre ont désavoué Helge Braun dans la presse: le Bavarois Markus Söder (CSU) a exprimé son «scepticisme», tandis que le nouveau président de la CDU, Armin Laschet, a assuré vouloir «conserver la règle» du frein à l'endettement.
Alors, ballon d'essai sans lendemain ou changement durable de la politique économique en Allemagne? Le fait est que l'Allemagne a déjà mis beaucoup d'eau dans son vin sur les déficits face à la crise sanitaire.
Mais la réponse à long terme pourrait dépendre du résultat des élections, qui permettront de désigner le successeur d'Angela Merkel. Si, comme les sondages semblent l'indiquer, les conservateurs l'emportent et s'allient avec les écologistes dans le prochain gouvernement, le débat sera relancé car les Verts se sont dits favorables aux propositions de M. Braun.