Paradis secrets A la découverte des trésors géologiques fribourgeois

A la fin de l’année dernière, le Service des forêts et de la nature du canton de Fribourg (SFN) a publié une étude présentant 92 géotopes qui ont une importance essentielle à l’échelle du canton. Afin de mieux appréhender ces lieux remarquables, blue News est allé à la rencontre de Quentin Vonlanthen qui a réalisé cet inventaire en collaboration avec le Dr. Luc Braillard, enseignant chercheur, à l’Université de Fribourg.

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Le Service des forêts et de la nature du canton de Fribourg (SFN) a publié une étude présentant 92 géotopes d’importance cantonale. Découvrez nos coups de coeur.

27.01.2023

Avant de partir à la découverte de ces sites d’exception, il est important de bien comprendre ce terme de géotope, un mot qui semble un peu barbare à première vue. Pour cela, rien de mieux que de s’adresser directement à Quentin Vonlanthen. Collaborateur scientifique au SFN, le chercheur divise les géotopes en deux grandes familles.

D’une part, il existe les géotopes «inactifs», qui apportent des informations clés sur les épisodes marquants qu’a connu la Terre au cours des temps géologiques. Ces sites documentent l’histoire des roches et de la vie (carrières ou affleurements naturels, parfois riches en fossiles), témoignent des forces tectoniques à l’origine de nos montagnes (structures plissées observables dans les Préalpes) et renseignent sur les changements climatiques passés (blocs erratiques, formes glaciaires, tourbières...).

D’autre part, certains géotopes sont dits «actifs». Ces derniers permettent d’observer les forces de la nature en action et d’étudier les processus géomorphologiques qui façonnent nos paysages.  A titre d’exemples, on peut citer les cascades, les sources et lits de rivières à l’état naturel ou encore des glissements de terrain ou torrents sujets aux laves torrentielles.

«Pris dans leur ensemble, les géotopes d’importance cantonale (GIC) représentent ainsi la diversité du patrimoine géologique et géomorphologique du canton de Fribourg, un héritage naturel qu’il faut valoriser et protéger afin de le transmettre aux générations futures», précise Quentin Vonlanthen qui travaille sur ce recensement depuis 2016.

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Le Service des forêts et de la nature du canton de Fribourg (SFN) a publié une étude présentant 92 géotopes d’importance cantonale. Découvrez nos coups de coeur.

27.01.2023

Mission de longue haleine

La nécessité de réaliser un inventaire des GIC est inscrite dans la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPNat) qui a été révisée en 2012. Entrée en vigueur deux ans plus tard, cette base légale stipule qu’il faut protéger le géopatrimoine fribourgeois. «Pour cela, il a fallu d’abord faire un recensement aussi exhaustif que possible des géotopes, puis désigner les objets d’importance cantonale», se remémore le chercheur. Une mission de longue haleine qu’il a réalisée dans le cadre de son travail de Master à l’Université de Fribourg.

Cette sélection des géotopes s’est déroulée en plusieurs étapes. Pour commencer, il a fallu fixer des objectifs généraux : «Les GIC devaient ainsi refléter la diversité géographique, géologique et la richesse géomorphologique du canton. Il fallait donc sélectionner des sites variés, aussi bien dans les Préalpes que sur le Plateau, afin que l’inventaire raconte une histoire géologique aussi complète que possible du territoire fribourgeois», expose Quentin Vonlanthen.

Nature à préserverLe canton de Fribourg publie une liste de 92 sites «remarquables»

Dans un deuxième temps, le scientifique a dû rassembler toutes les données qui traitaient du patrimoine géologique de la région fribourgeoise. «En parallèle, j’ai contacté plusieurs spécialistes en sciences de la Terre qui connaissaient particulièrement bien le canton. Une partie d’entre eux m’ont proposé une liste qui répertoriait les géotopes de plus grande valeur du point de vue de leur domaine d’expertise (géomorphologie, sédimentologie, stratigraphie, paléontologie, tectonique...)», ajoute-t-il.

Une fois ces données rassemblées, l’ancien étudiant en géographie s’est attelé à regrouper ces sites en différentes catégories d’objets : grands ensembles géologiques, affleurements rocheux, géotopes d’origine glaciaire, fluviatile, karstique... Finalement, seuls les objets les plus remarquables de chaque catégorie ont été sélectionnés en appliquant les critères de représentativité, d’intégrité, de rareté et de valeur paléogéographique. De cette manière, le chercheur a pu élaborer une liste de 92 géotopes qui ont aujourd’hui une grande importance reconnue au niveau cantonal.

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Quelle suite pour ce projet ?

Cependant, cette liste n’est pas figée dans la roche. En cas de nouvelles découvertes ou d’évolution de la connaissance scientifique, elle pourrait s’étoffer. Mais cela reste de la musique d’avenir comme le souligne Quentin Vonlanthen : «Au niveau de la procédure nous n'en sommes pas là mais plutôt dans une phase de diffusion de l’information et de sensibilisation de la population à cette nouvelle thématique.»

En outre, pour le moment, cet inventaire doit être considéré comme une étude de base, une référence scientifique qui n’a pas de caractère contraignant. «La prochaine étape consiste à inscrire formellement les GIC dans le plan directeur cantonal (PDCant) afin de garantir la sauvegarde de ces objets. Lors de la prochaine modification du PDCant, cet inventaire sera donc soumis à une consultation publique. Communes, associations, partis politiques et citoyens pourront alors se prononcer sur les objectifs de protection inscrits dans les fiches descriptives. Finalement, c’est le Conseil d’Etat qui décidera des modifications à apporter et qui désignera la liste finale des GIC», détaille le spécialiste.

Avant de préciser : «Au niveau des communes, il peut y avoir certaines craintes et réticences à intégrer une nouvelle thématique dans l’aménagement de leur territoire. Mais l’inventaire des GIC n’a, en aucun cas, pour but d’entraver leur développement en créant des musées à ciel ouvert. Sur les 92 géotopes répertoriés, seuls quatre sont fortement vulnérables et méritent une attention toute particulière. Dans la grande majorité des cas, c’est le statu quo qui prédomine. Cela signifie que les acteurs locaux n’auront pas besoin d’entreprendre des mesures astreignantes pour protéger ces sites d’intérêts.»

Un atout pour le tourisme doux

Si certains géotopes sont connus loin à la ronde (Gastlosen, Cascade de Jaun, Lac Noir...), d’autres demeurent largement méconnus. L’objectif n’est cependant pas d’attirer les foules ou d’installer un panneau didactique devant chaque site. Pour l’instant, les fiches explicatives réalisées par le SFN se contentent de donner des pistes pour protéger, entretenir et valoriser ce patrimoine naturel et paysager.

«Ces fiches d’inventaire sont la première phase de la mise en valeur des géotopes avec un soin particulier accordé aux illustrations et aux figures explicatives. Le but est qu’après avoir lu une fiche, un néophyte puisse aller sur le terrain et comprendre l’intérêt scientifique de ces géotopes. Nous avons aussi essayé de tirer des ponts avec d’autres thématiques comme l’histoire ou l’archéologie pour rendre la lecture plus attrayante», conclut Quentin Vonlanthen.

Finalement, la mise en valeur de ces lieux exceptionnels s’inscrit aussi dans le cadre de la promotion d’un tourisme doux et durable à l’échelle régionale puisqu’elle permet aux gens de (re)découvrir des endroits qui se trouvent près de chez eux avec un regard nouveau.

Retrouvez la liste des 92 géotopes d’importance cantonale sur le site de l’Etat de Fribourg.