Gardien de la paixLe Fribourgeois qui veille sur les cessez-le-feu au Proche-Orient
sn, ats
26.5.2023 - 20:56
Jamais avant lui un Suisse n'avait dirigé une mission de maintien de la paix de l'ONU. Le Fribourgeois Patrick Gauchat pilote depuis fin 2021 le dispositif d'observation de deux cessez-le-feu au Proche-Orient. Il reste convaincu de l'utilité de celui-ci.
26.05.2023, 20:56
26.05.2023, 21:23
ATS
M. Gauchat n'en est pas à sa première expérience dans le maintien de la paix. Du Proche-Orient déjà à la zone démilitarisée entre les deux Corées en passant par le Kosovo, il a éprouvé ce type de missions depuis une vingtaine d'années.
Le divisionnaire aime surtout se confronter aux différentes cultures et approches dans les pays où il oeuvre. «Il y a des sacrifices familiaux et sociaux. Mais on reçoit aussi beaucoup, c'est très enrichissant», affirme-t-il dans un entretien à Keystone-ATS à l'ONU à New York, où il est de passage pour les 75 ans des opérations onusiennes de maintien de la paix. Et dans son poste actuel, il rencontre des dirigeants politiques et estime pouvoir «faire avancer les choses petit à petit».
Age de 75 ans, l'Organisme des Nations unies chargé de la surveillance de la trêve au Proche-Orient (ONUST) est le premier dispositif que le Conseil de sécurité a mandaté en 1948. Avec comme objectif d'observer l'application de quatre cessez-le-feu entre Israël et ses voisins arabes.
Des décennies plus tard, certains remettent en cause la pertinence de maintenir de tels dispositifs, alors que les conflits opposent désormais surtout des acteurs non internationaux. «On peut voir le verre à moitié plein ou à moitié vide», affirme le divisionnaire Gauchat.
Utile pour les parties
Parmi les quatre cessez-le-feu, «deux ont donné lieu à des accords de paix». «Les deux autres ont changé au fil des décennies, avec des lignes qui se sont déplacées et une modernisation de la gestion des cessez-le-feu pour éviter une reprise des conflits», ajoute M. Gauchat.
Au Golan entre Israël et la Syrie par exemple, les observateurs vérifient au quotidien le déploiement de matériel et de personnel militaires dans des périmètres de 10, 20 et 25 km autour de la ligne de démarcation. Si une des parties montrait une volonté de relancer une offensive par des augmentations progressives de ses capacités, ces investigations laisseraient «quelques jours ou quelques semaines» à l'ONU pour convoquer celles-ci et empêcher une détérioration.
Sans l'ONUST, des provocations ou des actes inconsidérés qui ne seraient pas identifiés pourraient plus rapidement aboutir à des problèmes, dit le divisionnaire. La mission est utile selon les parties elles-mêmes, ajoute-t-il.
Preuve en est au Golan, les Israéliens et les Syriens «nous demandent d'avoir une présence plus importante». L'ONUST va rétablir cette année le dernier poste d'observation détruit pendant la guerre civile syrienne, revenant à la situation d'il y a plus de dix ans.
Chaque année, des centaines d'incidents sont observés sur chacune des lignes de cessez-le-feu que la mission surveille dans la région. «Parfois, un berger franchit la démarcation et cela doit être réglé», glisse le Fribourgeois. Pour éviter toute menace d'instrumentalisation par un Etat tiers, chaque manoeuvre d'observation est menée par deux officiers de pays différents.
Facilitateur entre les armées
La question palestinienne ne fait pas partie du mandat de l'ONUST. Mais les heurts entre Israéliens et Palestiniens ont une répercussion aux lignes de cessez-le-feu dans la région. Notamment depuis avril et les émeutes sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem.
«Il y a eu des regains de tension» avec des tirs depuis le Liban et la Syrie. M. Gauchat a aussi été approché pour passer des messages aux niveaux tactique et opérationnel entre Israéliens et Syriens. «Quand on a un militaire face à un autre militaire, c'est bien de mettre un autre militaire entre eux. Nous parlons le même langage».
De plus en plus, les opérations militaires des parties sont menées après la tombée du jour. L'ONUST a dû adapter son matériel face à cette situation.
Appel lancé aux Suisses
M. Gauchat estime que le fait d'être Suisse constitue une valeur ajoutée. «La première chose que les parties m'ont demandée, c'est d'être neutre. J'ai montré l'écusson suisse sur mon uniforme».
Pendant des décennies, l'ONUST a surtout été dirigé par des ressortissants de pays nordiques. Côté politique aussi, les émissaires de l'ONU dans la région viennent de ces Etats, toujours avec la même approche. «Il faut davantage de Suisses aux Nations Unies, notamment dans des postes d'émissaires», estime le divisionnaire.
L'ONUST rassemble environ 400 personnes. Avec 13 soldats en plus du divisionnaire, la Suisse est l'un des pays les plus représentés dans ce dispositif.