Moins de mouvements, pas d’exercice et un réfrigérateur bien rempli: pour garder notre silhouette, une discipline de fer est de rigueur en ce moment. Jsabella Zädow, psychologue de la nutrition, nous parle de plats préparés, de summer body et de sentiment de culpabilité.
Mme Zädow, le télétravail et les kilos accumulés à cause du coronavirus plombent le moral de beaucoup de gens. Surtout lorsque l’on sait qu’à un moment donné, il faudra rentrer à nouveau dans son pantalon de costume. Comment puis-je y parvenir à temps?
En vous élançant dès maintenant pour atteindre votre objectif. Perdre du poids, cela prend du temps, ce qui signifie qu’il vaut mieux commencer dès maintenant à adopter un bon rythme alimentaire.
Comment faire?
La règle de base est la suivante: deux à trois repas par jour. Ne rien manger entre les repas, mais boire deux litres de boissons sans calories. Je recommande d’équilibrer les repas dans le cadre d’une alimentation saine: un peu de tout dans l’assiette, mais surtout beaucoup de légumes, ainsi que des fruits. Mieux vaut consommer ces derniers en dessert à l’heure des repas principaux plutôt qu’entre les repas.
Réchauffer rapidement un plat préparé en terminant la réunion en visio, ou alors passer prendre un plat à l'emporter: cela peut sembler tentant, mais est-ce également compatible avec la perte de poids?
A propos d'Jsabella Zädow
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Jsabella Zädow est psychologue de la nutrition. Fondatrice et propriétaire du Centre d’expertise en psychologie de la nutrition (KEP) à Zurich, elle se spécialise dans le traitement du surpoids et des troubles alimentaires.
Je ne suis pas fondamentalement opposée au principe des plats préparés. Cela convient surtout à ceux qui ne sont pas très doués pour la cuisine. Ce qui compte davantage, c’est de prendre un repas chaud une fois par jour. Peu importe si c’est quelque chose que l’on a préparé soi-même ou un plat à l'emporter. L’important est de savourer ce repas consciemment et de ne pas vouloir faire d’autres choses à côté. Il y a toutefois une chose à garder à l’esprit: les plats à l'emporter ou préparés ont tendance à être plus riches en calories. Mais en restant quelque peu attentif dans ses choix, on peut très bien manger sainement sans trop d’efforts.
Que puis-je vérifier lorsque j’achète des plats préparés?
Les repas principaux ne doivent pas dépasser 500-700 kilocalories. Pour les plats préparés, ces données sont indiquées sur l’emballage. C’est un peu plus difficile lorsque l’on va au restaurant ou que l’on prend un plat à l'emporter. Dans ce cas, je veillerais à ce qu’il y ait toujours suffisamment de légumes et à ce que le mode de préparation ne soit pas trop gras.
«Il est important de se fixer des objectifs réalistes...»
Régime, sport, changement d’habitudes alimentaires – qu’est-ce qui permet d’atteindre l’objectif visé?
C’est une combinaison entre changement d’habitudes alimentaires et exercice physique, deux éléments qui doivent être transposables sur le long terme. Il est important de se fixer des objectifs réalistes: par exemple, faire de l’exercice deux à trois fois par semaine et s’habituer à un rythme de repas convenable. Faire un régime comporte en soi l’idée de laisser des choses de côté, de le suivre de manière rigide et stricte. Cela peut fonctionner pendant une courte période, mais ce n’est pas une solution à long terme. C’est la raison pour laquelle les régimes échouent souvent.
Pourquoi tant de personnes se lancent-elles malgré tout dans des régimes?
Les gens aiment les régimes parce qu’ils ne doivent pas réfléchir, mais simplement suivre quelque chose de prédéfini. A première vue, cela semble avoir un effet soulageant, mais à long terme, la flexibilité est fortement limitée. On ne peut pas manger par plaisir, car on enfreindrait le régime. Cela entraîne souvent une perte de motivation et l’effet de rupture bien connu: «Oh, maintenant que j’ai tout raté, autant arrêter complètement.» Et c’est ce que font la plupart des gens.
Y a-t-il d’autres obstacles à la perte de poids?
Le fait de se fixer des objectifs à court terme trop ambitieux, comme par exemple perdre dix kilos en six semaines. C’est relativement difficile. Les deux ou trois premiers kilos partent rapidement, mais au fur et à mesure, cela ralentit de plus en plus. Des études montrent que les personnes qui souhaitent perdre du poids veulent atteindre leur objectif trois à quatre fois plus vite que ce qui est possible sur le plan biologique. La plupart projettent de perdre deux ou trois fois plus de kilos que ce que leur corps leur permet. Perdre du poids est quelque chose de difficile: il faut beaucoup de persévérance et d’attention, mais les choses avancent lentement. C’est une source potentielle de frustration qui devient une pierre d’achoppement pour beaucoup, qui abandonnent et reprennent du poids – c’est le fameux effet yo-yo.
«Perdre cinq à dix pour cent de son poids en six mois, c’est réaliste.»
Perdre du poids demande donc beaucoup de souffle.
Je pense que le secret est de se préparer mentalement pour une course de fond. C’est également pour cette raison qu’il est plus judicieux de se lancer dans le projet «summer body» dès maintenant plutôt qu’au printemps. Nombreux sont ceux qui ne commencent que lorsqu’ils se rendent compte que la saison des baignades approche. Mais cela ne va tout simplement pas aussi vite.
A quoi ressemblerait un objectif réaliste de perte de poids?
Perdre cinq à dix pour cent de son poids en six mois, c’est réaliste. Ainsi, quelqu’un qui pèse 80 kilos pourrait réussir à perdre quatre à huit kilos en six mois. Cependant, des études montrent que seulement 15% des personnes atteignent cet objectif et sont également en mesure de stabiliser ce poids pendant au moins deux ans. Perdre du poids n’est vraiment pas aussi facile qu’il y paraît.
A-t-on besoin d’un «compagnon de perte de poids», d’un coach ou d’une application pour se stimuler et rester motivé sur le long terme?
Le fait d’avoir un compagnon est utile dans toutes les situations. Il peut s’agir d’une personne de l’entourage, d’un professionnel ou même d’une application. Avec les coachs virtuels, il faut faire un peu attention à ce que ce compagnon soit vraiment un accompagnateur bienveillant, qui ne nous réprimande pas tous les jours. C’est moins motivant si l’application nous dit «Objectif non atteint» tous les deux jours. Les recherches montrent que l’on a beaucoup plus de chances de respecter un engagement extérieur qu’un engagement que l’on prend en silence avec soi-même. Les objectifs intermédiaires que l’on célèbre lorsqu’ils sont atteints peuvent également aider: une tape sur l’épaule et un petit plaisir sans calories. Cela permet de rester motivé pour passer à l’étape suivante.
«La nourriture est et reste quelque chose qui passe par le ventre et cela doit être associé à une notion de plaisir.»
Jeûne intermittent, régime low-carb ou vegan: est-il tentant de suivre l’une de ces philosophies alimentaires que l’on voit sur Instagram et autres réseaux sociaux?
Pour moi, l’astuce consiste à trouver le régime alimentaire qui nous convient le mieux à titre personnel. Ceux qui ont toujours pris des repas fréquents chaque jour souffriront du jeûne intermittent. En revanche, ceux qui n’ont jamais faim le matin peuvent éventuellement réussir avec cette approche. Selon moi, l’erreur réside plutôt dans le fait que les gens ont tendance à trop mélanger ces philosophies alimentaires. Le jeûne intermittent ne peut pas fonctionner en y ajoutant les régimes low-carb, sans graisse et vegan – on serait alors complètement carencé. Contrôler l’alimentation uniquement par la tête ne fonctionne pas. La nourriture est et reste quelque chose qui passe par le ventre et cela doit être associé à une notion de plaisir.
Comment faire face aux échecs, lorsque j’ai dépassé les bornes et que je me sens coupable?
Les rechutes sont quelque chose de tout à fait normal et d’humain. Au travail également, tous les jours ne se passent pas de la même manière. Je recommande de faire preuve de tolérance envers soi-même. En consultation, je dis à mes jeunes clients: «Dites-vous: "Shit happens." Tirez un trait là-dessus, demain est un autre jour.» Cela aide à se réconcilier avec soi-même au lieu de se dévaloriser.
Perdre du poids peut-il aussi être amusant?
Absolument! Si vous ne vous fixez pas un objectif trop élevé et que vos intentions ne sont pas trop strictement définies. La perte de poids est alors également un acte d’auto-prise en charge qui peut se révéler amusant. Vous découvrez ainsi vos propres préférences: qu’est-ce qui me convient? Qu’est-ce qui me fait plaisir? Qu’est-ce qui me motive? C’est une approche très différente du ton restrictif que la plupart des gens associent à cette thématique. Perdre du poids ne signifie pas se priver, mais plutôt prendre du temps pour manger, pour faire de l’exercice et pour éprouver les sensations positives qui en découlent.