Isolement, anxiété, tensionsComment faire face aux nouvelles mesures contre le Covid?
Relaxnews
30.10.2020 - 00:00
Nouvelles mesures plus strictes contre le Covid-19 en Suisse, reconfinement en France... Comment surmonter les angoisses, le stress, voire l'isolement, liés à ce durcissement face à la pandémie?
Patrick-Ange Raoult, psychologue clinicien et membre du bureau du Syndicat national des psychologues (SNP) en France, nous explique les répercussions que pourraient avoir de telles mesures, et délivre des conseils pour y faire face dans les prochaines semaines.
Quel impact aurait un reconfinement sur la santé mentale de la population?
Cela réactualise forcément toutes les angoisses de mort et de contagiosité dans le lien avec l'autre, mais en même temps cela banalise les choses, c'est-à-dire que ça devient aussi un mode de fonctionnement. On peut presque parler d'une dépression généralisée et subie par l'ensemble de la population avec une perte des repères du fait des contradictions formulées par les autorités au sens très large du terme.
Quelles sont les personnes qui peuvent le plus souffrir d'un reconfinement?
Il y a surtout trois populations qui peuvent être particulièrement touchées. Il y a déjà les personnes d'un certain âge, voire âgées, isolées, qui vont voir un accroissement en quelque sorte de leur isolement et qui risquent de glisser sur des modes dépressifs. Il y a également les jeunes adultes qui vont être poussés à des formes transgressives plus ou moins importantes pour un certain nombre d'entre eux pour éviter la charge liée à la restriction des liens et à l'absence de modalités de décharge – aller faire la fête pour le dire verbalement. Et puis, il y a toutes les personnes qui sont dans des situations socio-familiales ou conjugales tendues. Pendant le confinement, ces problèmes étaient liés à la hausse des violences intra-familiales et conjugales, et cela risque à nouveau de se tendre avec des choses qui vont perdurer dans le temps et se révéler tardivement.
Les enfants peuvent-ils également être concernés par ces angoisses?
J'en ai parlé indirectement justement concernant les situations familiales tendues, mais plus généralement les enfants ont l'avantage et le désavantage de se contenter de l'univers dans lequel on les met. Leur degré d'acceptation est beaucoup plus grand. En revanche, ils perçoivent très bien l'ambiance anxiogène dans laquelle ils sont, et cela peut non seulement concerner la restriction des liens et des libertés diverses, mais aussi le contexte anxiogène plus ou moins présent suivant les familles dans lesquelles ils sont, ou la particularité des contacts avec les gens. Aujourd'hui, tout le monde est masqué et cela modifie la construction du lien avec l'autre car le masque ne permet pas de voir toute la subtilité des expressions du visage. On peut se poser la question : quel sera l'impact au long cours de ce contexte et de toutes ces pratiques de confinement dans la structuration du lien à l'autre et dans la construction de la personnalité ?
«Il y a une fragilisation psychique qui est de plus en plus importante...»
On parle beaucoup de santé mentale dans le contexte actuel, mais ne faudrait-il pas la prendre en compte hors période de pandémie?
Tout à fait, il faudrait apprendre à la gérer, qu'elle soit beaucoup plus prégnante avec des dispositifs souples. On voit que les politiques ont été en faveur d'une restriction des budgets avec une déstructuration de la psychiatrie, et des orientations en psychologie qui ne sont pas adéquates à l'accompagnement des personnes car trop scientifiques. Il y a des tentatives mais les territoires défendus par les uns et par les autres font que ça risque de ne pas déboucher sur des dispositifs suffisamment souples pour accueillir dans de bonnes conditions des personnes fragilisées ou en voie de fragilisation.
Devrait-on soigner sa santé mentale au quotidien comme on prend soin de sa santé «classique»?
Oui tout à fait ! Il y a une fragilisation psychique qui est de plus en plus importante, avec un stress constant et des incertitudes sur la vie, que le coronavirus ne fait qu'aggraver. On traverse des périodes de crise pour des tas de raisons, qu'elles soient professionnelles, relationnelles, ou liées à l'âge, qui demandent des réajustements psychiques. C'est ce que j'appelle des 'mises au point' à faire de façon régulière pour savoir où on en est de sa vie, connaître les déséquilibres dans lesquels on est, les insatisfactions, les points de souffrance, ou les deuils mal faits… Tout ce qui fait notre vie. Il faut parfois juste quelques consultations pour que les gens puissent se recaler et réutiliser leurs propres ressources de façon pertinente.
Est-ce que le sport, la relaxation, etc. peuvent contribuer à améliorer la santé mentale?
C'est ce que j'appelle des gadgets existentiels. Bien sûr qu'ils sont nécessaires. Le sport est un régulateur de l'humeur qui est assez efficient pour le quotidien, et la relaxation au sens large du terme fait également beaucoup de bien. Cela fait partie des mesures d'hygiène mentales que l'on peut utiliser comme aller au restaurant avec des amis, boire un verre, ou faire une randonnée. Mais quand il y a une mise en tension ou une situation problématique, on a aussi besoin d'utiliser la pensée.
Quels conseils pourraient appliquer au quotidien les personnes qui redoutent un reconfinement?
Trouver des activités ludiques ou de décharge à la mesure du reconfinement, notamment des activités extérieures, des sorties, ou du sport, si cela est possible. Il faut également maintenir un lien avec les proches par téléphone, voire par visio, et ne surtout pas hésiter à prendre contact avec des psy par le biais des plateformes. Il faut trouver des lieux où l'on peut parler de son angoisse ou son mal-être. Deux ou trois entretiens avec un professionnel suffisent à apaiser la majorité des situations d'angoisse.