«L'effet de sol», cette technique aérodynamique qui avait révolutionné la F1 il y 45 ans, fait-il maintenant son apparition en MotoGP pour améliorer les performances d'engins déjà capables de rouler à plus de 360 km/h ?
C'est Ducati qui a encore innové en la matière en présentant lors des essais d'avant-saison au Qatar une moto équipée de deux prises d'air en forme d'écopes placées en bas du carénage, juste derrière la roue avant, à quelques centimètres du sol.
Le dispositif a déjà été utilisé plusieurs fois en course cette saison, indique l'écure italienne, alors que les Ducati se montrent déjà les motos les plus rapides du plateau en vitesse de pointe et viennent de réaliser deux doublés lors des deux dernières courses.
Le Français Johann Zarco, qui court pour l'écurie Pramac, satellite de celle d'usine, a ainsi battu en début de saison au Qatar le record absolu de vitesse en MotoGP à 362,4 km/h.
«Ducati a toujours été en pointe sur l'aérodynamique», rappelle le Français Hervé Poncharal, qui dirige l'écurie KTM-Tech3 et préside également l'association des constructeurs engagés en MotoGP, l'IRTA.
La firme de Borgo Panigale près de Bologne (Italie) a déjà été la première à équiper ses motos d'ailerons placés sur les flancs de carénage destinés à plaquer davantage la roue avant au sol et stabiliser la moto à haute vitesse. Ils ont été désormais copiés par toutes les machines concurrentes.
Ducati a aussi placé des demi-cercles entourant une partie des roues autour des disques de frein pour éviter notamment les remous déséquilibrant la moto. Eux aussi ont fait de nombreux émules.
En 2019, les Italiens s'étaient attiré les foudres de leurs adversaires japonais (Yamaha, Honda et Suzuki) et européens (Aprilia et KTM) en équipant leurs machines d'un «sabot» placé devant la roue arrière. Le tribunal d'appel de la Fédération internationale de motocyclisme (FIM) l'avait jugé légal et il a depuis été aussi repris par tous.
Objectif 365 km/h ?
A l'époque, Ducati affirmait que son but était de refroidir le pneu arrière mais ses adversaires jugeaient qu'il visait déjà à créer un appui aérodynamique supplémentaire en diminuant le volume d'air qui s'écoule entre le bas du carénage et le bitume, exploitant ainsi «l'effet de sol» pour plaquer davantage la moto au circuit.
Tout cela vient s'ajouter aux dispositifs «holeshot» qui permettent au pilote d'abaisser manuellement les suspensions de la moto lors de phases d'accélération intensive, comme au départ.
Paolo Ciabatti, directeur sportif de l'écurie italienne, a affirmé à l'AFP lors d'un entretien en marge du GP de France au Mans que les écopes placées à l'avant de la moto «aident à refroidir le moteur», ajoutant que tout impact sur l'appui exercé sur la moto par le biais de l'effet de sol ne saurait être que secondaire.
«Nous avons le droit à un +package+ de développement aérodynamique par an et par pilote et nous avons décidé de retenir celui-ci», a-t-il ajouté, confirmant indirectement l'avantage qu'il procure au-delà du seul refroidissement.
Hervé Poncharal souligne que le moindre développement en MotoGP doit être homologué par les organisateurs du championnat et la FIM et que cela a été le cas pour ceux de Ducati.
En F1, l'effet de sol qui agit en plaquant par effet de succion les voitures au sol, leur permettant de passer beaucoup plus vite en virage, a été interdit en 1983.
Mais il doit faire son retour avec le nouveau règlement à partir de 2022, avec des effets toutefois volontairement limités.
Le but est d'éliminer nombre d'appendices aérodynamiques qui ont fleuri sur les F1 ces dernières années et créent tant de turbulences qu'ils empêchent un pilote d'en suivre un autre de près pour le dépasser.
Le journaliste britannique Mat Oxley, lui-même ancien pilote moto et qui le premier a attiré l'attention sur les écopes des Ducati, estime que les autres écuries du MotoGP attendent d'évaluer plus précisément l'avantage que ce nouveau système apporte aux Ducati et de comprendre comment il fonctionne avant de le copier.
La barre des 365 km/h sera donc peut-être bientôt franchie par ces motos d'environ 250 kilos, pilote compris, soit aussi vite qu'une F1 actuelle qui pèse trois fois plus.