«Sur scène, je rentre dans un état second»: Eric Cantona, accroc aux sensations fortes comme au temps du foot, a logiquement choisi le format live pour son premier album comme auteur-compositeur-interprète, «Cantona sings Eric», prévu vendredi.
Lavilliers, Bono, débardeur
«Mon premier souvenir de concert, c'est Bernard Lavilliers à Marseille (sa ville natale, dans le sud de la France), j'ai 14-15 ans», rembobine l'artiste - et ancien footballeur français - rencontré par l'AFP. «C'est une personnalité, tu sens qu'on ne va pas le transformer, lui dire +tu vas chanter comme ça+, dans la musique il faut oser, ce n'est même pas prendre un risque, c'est juste ne pas se fourvoyer». Comme un auto-portrait du Cantona chanteur, hors cadre mais pas hors-jeu.
Lavilliers répond chez «Canto» à «ce besoin de voyage». Que le trajet s'écrive au Brésil -il cite «Sertão», «Fortaleza»- ou dans l'intimité: «dans +Attention fragile+, on est dans la chambre avec les traces de la femme qui n'est pas là, dans ce lit».
Le quinquagénaire sera «super honoré» de chanter «Qui a tué Davy Moore ?» aux côtés de Lavilliers sur le disque de ce dernier en 2021.
Le jeune Cantona, lui, a aussi vu «U2 à Marseille, à 15-16 ans». «Ca envoyait et Bono avait un peu le débardeur à la Lavilliers à l'époque (rires)». Le virus du live le contamine. C'est ce type de disque qu'il cherche alors dans les bacs. Et découvre ainsi The Doors, autre claque.
House, Haçienda, Manchester
Cantona devient une légende du foot sous le maillot de Manchester United dans les années 1990. Quand cette ville s'inscrit sur la carte musicale sous le sobriquet «Madchester» (jeu de mots avec «Mad», "Fou").
«J'écoutais des groupes comme les Stone Roses, mais je n'ai pas pu aller à leurs concerts, on était au cœur de l'histoire de (Manchester) United, trop de monde me connaissait».
Il se faufile toutefois à l'Haçienda, boîte iconique. «C'était l'époque de la house, ça envoyait des basses, je ne comprends pas que des lieux comme ça ne soient pas protégés, aujourd'hui ce sont des appartements».
Pour son premier vrai concert en tant que chanteur, en octobre 2023, «The King», son surnom du temps du foot, choisit évidemment Manchester. Devant un public qui part au quart de tour sur «I love you so much». «Celle-là, je ne peux pas la chanter en France, elle s'adresse aux fans de United». «Barbara a chanté +Ma plus belle histoire d'amour+, moi c'est cette flamme que je leur déclare, tout ce qu'on a vécu tous ensemble».
«La musique, c'est peut-être ce qui m'a permis de toucher ce petit truc que j'ai vécu en étant sportif, sur scène je rentre dans un état second». L'album contient ces tranches de transes, captées en Angleterre, à Paris, Marseille, Lyon ou Genève.
Roux, Ferré, Auxerre
Avant la scène à Manchester, Cantona s'est rodé dans un «tour de chauffe» au micro en résidence à Auxerre, devant un public d'invités. Tout un symbole: c'est dans le club de cette ville que le footballeur en herbe fit ses classes, avant de devenir une mégastar du ballon rond.
Au premier rang de cette résidence, il y avait Guy Roux, entraîneur mythique de l'AJ Auxerre, le club de foot de la ville. «Evidemment, il était dans la salle, il était aussi là pour ma première pièce au théâtre, on a un beau rapport tous les deux, c'est un deuxième père pour moi», raconte celui qui est aussi acteur de séries ou de films. «Bon, pour lui, il y a beaucoup trop de morceaux en anglais, Guy Roux, c'est un amoureux de la langue française».
Guy Roux ne fut pas qu'un éducateur de foot. «Il m'a fait découvrir Léo Ferré, je l'ai vu sur scène à Marseille, c'était magnifique». Et Cantona de livrer ensuite les images gardées des concerts d'Alain Bashung, PJ Harvey ou encore du duo Angélique Kidjo et Yo-Yo Ma. Artistes atypiques, habités, comme lui.