FIFA "Infantino va tout essayer pour répandre un épais brouillard"

ATS

4.8.2020

Après l'ouverture d'une procédure pénale visant Gianni Infantino, président de la FIFA, la commission d'éthique de l'instance a le pouvoir d'ouvrir une enquête. Cet organe censé assainir la fédération internationale se retrouve donc sous pression, contraint de faire la preuve de son indépendance.

Gianni Infantino, président de la FIFA, est visé depuis jeudi dernier par une procédure pénale en Suisse.
Gianni Infantino, président de la FIFA, est visé depuis jeudi dernier par une procédure pénale en Suisse.
Keystone

Pour le professeur de droit suisse Mark Pieth, celui-là même qui a mené la réforme de la justice interne de la FIFA en 2011 pour la rendre plus autonome, pas de doute, «la commission d'éthique doit ouvrir une enquête», a-t-il déclaré à l'AFP.

En cela, il rejoint Miguel Poiares Maduro, ex-président du comité de gouvernance de l'instance, qui estimait dans le journal Le Monde que «maintenant, la commission d'éthique doit faire quelque chose», considérant que M. Infantino est susceptible d'avoir violé les articles 13 et 14 du code d'éthique de la FIFA (règles de conduite générale et devoir de neutralité).

M. Infantino est visé depuis jeudi par une procédure pénale en Suisse, le procureur fédéral extraordinaire estimant qu'il y a des «éléments constitutifs d'un comportement répréhensible en rapport avec la rencontre entre le procureur général Michael Lauber, le président de la FIFA et le premier procureur du Haut-Valais», Rinaldo Arnold, ami d'enfance de M. Infantino.

«Ni impartialité, ni indépendance»

Les infractions concernées sont «l'abus d'autorité», la «violation du secret de fonction» et l'«entrave à l'action pénale».

La FIFA a indiqué dimanche que le successeur de Sepp Blatter resterait en poste malgré la procédure. Elle a également assuré lundi que M. Infantino, élu en 2016 sur un programme de réformes, respecterait toute décision de la commission d'éthique», mais qu'il n'existait cependant «aucune preuve d'un comportement criminel ou contraire à l'éthique», d'après le secrétaire général adjoint de la FIFA, Alasdair Bell.

«Quand on a réformé la commission d'éthique, explique M. Pieth, c'était le point le plus essentiel: elle devait être indépendante du président (...) Mais déjà, j'ai été très étonné qu'aucune enquête ne soit ouverte quand il a été révélé que M. Infantino avait utilisé un jet privé pour rentrer du Suriname en 2017», prétextant un rendez-vous urgent.

Aujourd'hui, alors que le secrétariat de la commission d'éthique est placé sous la direction du juriste italien Mario Gallavotti, proche d'Infantino, «la commission d'éthique n'a aucune impartialité ni aucune indépendance», juge M. Pieth, qui enseigne le droit pénal à l'Université de Bâle.

«Epais brouillard»

Cornel Borbély et Hans Joachim Eckert, les deux anciens présidents du tribunal interne de la FIFA, qui avait suspendu M. Blatter et Michel Platini quelques jours après leur audition dans le cadre d'une enquête de la justice suisse pour un paiement de 2 millions de francs du premier au second, ont vu leur mandat non renouvelé en mai 2017.

Ils ont été remplacés par la Colombienne Maria Claudia Rojas (à l'instruction) et le Grec Vassilios Skouris (jugement).

Pour un bon connaisseur de l'instance, préférant rester anonyme, «il se peut que pour la forme, Mme Rojas ouvre une enquête. Mais de là à suspendre Infantino provisoirement...», souligne cette source, sans achever sa phrase.

Or, par le passé, la commission n'avait pas hésité à suspendre provisoirement de hauts responsables, y compris le président Blatter quelques jours après l'ouverture d'une procédure, ou même en l'absence de procédure judiciaire.

«Je suis sûr que M. Infantino va mettre Rojas sous tension. Il va tout essayer pour répandre un épais brouillard», a pour sa part estimé M. Eckert dans Le Monde.

Pour un autre expert du fonctionnement de la commission d'éthique, «une enquête doit être ouverte, ne serait-ce que pour répondre à l'exigence de transparence que M. Infantino met sans arrêt en avant. Mais le problème à la FIFA, c'est que pour défendre leur propres intérêts, ils vont protéger le président même s'ils savent que c'est une mauvaise stratégie».

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