Murat Yakin «Non, nous n'avons pas de problème avec les attaquants»

blue Sports

12.6.2023

Avant les prochains matches de qualification pour l'Euro, l'entraîneur de la Nati Murat Yakin s'est entretenu avec blue Sports.

L’entraîneur de la Nati Murat Yakin s'est entretenu avec blue Sports.
L’entraîneur de la Nati Murat Yakin s'est entretenu avec blue Sports.
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12.6.2023

Andorre, votre prochain adversaire, pointe au 4e rang avec un point, qu'il a obtenu sur un coup de pied arrêté face au Kosovo (1-1), sur sa seule occasion. Comment préparer cette rencontre à venir ?

Nous préparons des schémas pour les balles arrêtées pour chacun des adversaire que nous affrontons. Rien n'est laissé au hasard. Et nous ne regardons pas seulement le dernier match de notre adversaire, mais les six ou sept derniers. Mais en réalité nous nous concentrons davantage sur la façon dont nous pouvons marquer un but, plutôt que la façon dont il l'a encaissé. Peu importe que l'adversaire soit grand, petit ou moyen, nous essayons de jouer notre jeu.

Le 19 juin prochain, vous affronterez la Roumanie. Faisons un petit saut dans le temps et revenons au légendaire 4-1 lors de la Coupe du monde 1994 aux Etats-Unis. Adrian Knup se faisait l'auteur d'un doublé, tandis que Gheorghe Hagi inscrivait le seul but roumain. Quel numéro 10 ! Un style de joueur qui n'existe plus aujourd'hui, n'est-ce pas ?

Il y a Shaqiri peut-être, ou encore Dybala, c'est le même type de joueur : créatif, une sorte d'électron libre.

Mais la tendance est quand même plutôt de répartir la création du jeu sur plusieurs joueurs...

Ce n'est pas obligatoire, si tu as un artiste, quelqu'un qui fait du bien au jeu et à l'équipe, alors pourquoi en tant qu'entraîneur devrais-tu t'en passer ? Maintenant, on ne peut pas dire qu'on joue toujours de la même manière. En fonction de l'adversaire, on s'adapte.

Autre grande question du moment : le manque de véritables numéros 9. La Bundesliga comme l'équipe nationale allemande ont de gros problèmes à ce sujet. Comment expliquez-vous cela ? Est-ce dû à l'évolution du football ou est-ce un profil qui manque véritablement ?

Ce n'est pas uniquement le cas en Allemagne, mais aussi Italie. C'est certainement aussi lié à la situation économique. Si un club a beaucoup de moyens, il va pouvoir s'offrir les meilleurs joueurs de ce type et va négliger la formation des jeunes à ce poste. C'est la tendance dans les grandes ligues. En Suisse, nous pouvons faire de cette faiblesse une force. Comme notre ligue n'est pas aussi forte économiquement que les grandes ligues européennes, nous pouvons former des spécialistes aux différents postes : des gardiens, des attaquants... Donc non, nous n'avons pas de problème avec les attaquants.

Vous pensez certainement à Breel Embolo. Mais est-il vraiment un attaquant classique ? N'est-il pas un faux numéro 9, comme on aime à le dire ?

Breel Embolo n'est effectivement pas un attaquant de formation. Lorsque j'étais entraîneur au FC Bâle, nous l'avons formé en tant que numéro 8. Breel a certains automatismes qui ne sont pas typiques d'un attaquant. Il agit à l'instinct, ce qu'il compense avec sa force et son énergie. Mais nous n'avons pas que Breel. Haris Seferovic, Andi Zeqiri, Cédric Itten ou encore Zeki Amdouni ont d'énormes qualités.

On peut peut-être comparer Amdouni et Embolo : ils reviennent très bas dans le terrain.

C'est comme ça. C'est la tendance actuelle.

Est-ce une évolution du football inévitable ?

Cela dépend de l'adversaire. Mais en règle générale, si tu veux contrôler le jeu, tu dois attaquer haut et donc placer les joueurs plus haut. C'est la raison pour laquelle les attaquants reviennent souvent en arrière, histoire de toucher plus de ballons.

Vous avez quand même un problème, pas dans l'attaque...

Vous faites certainement allusion aux défenseurs latéraux. D'autres nations sont peut-être mieux loties à ce poste. Et pourtant, avec Rodriguez et Widmer, nous ne sommes pas à plaindre. Ce qui nous manque, ce sont des alternatives, comme on l'a au milieu de terrain.

Malgré tout, cette campagne se déroule bien jusqu'à présent, avec deux victoires, huit buts marqués et pas un seul encaissé. Maintenant, il faut juste veiller à ce que la concentration ne baisse pas, qu'il n'y ait pas de relâchement...

Nous avançons avec sérénité, mais aussi beaucoup de sérieux. De plus, nous avons quelque peu modifié et ajusté l'effectif. Il y a des joueurs qui ont fait leurs preuves et qui jouent dans leur championnat. Mais il y a aussi de nouveaux joueurs qui s'imposent par leurs performances et leur engagement. Des attaquants qui marquent des buts. Le momentum, qui est si important pour nous dans notre sélection, anime naturellement l'équipe.

Vous voulez dire que cela crée de la concurrence ?

Oui.

On a l'impression que vous appelez davantage de joueurs de Super League que vos prédécesseurs, vous confirmez ?

Vous voyez, dès le premier rassemblement sous ma direction, je n'avais pas à ma disposition Shaqiri, Embolo, Seferovic, Xhaka ni Freuler. Les seuls éléments dont je disposais étaient des défenseurs et des milieux de terrain offensifs. J'ai donc dû improviser. Nous étions en septembre, ce qui signifie que la plupart des championnats du Top 5 n'avaient pas encore atteint leur rythme de croisière, alors qu'en Suisse, le championnat était déjà en cours depuis août ! J'ai donc dû et pu faire appel à des joueurs de notre championnat.

D'accord. Mais de l'extérieur, on a au moins l'impression que vous prenez plaisir à présenter des solutions surprenantes de Super League. L'année dernière, Mattia Bottani (Lugano), en mars Dominik Schmid (Grasshopper)... On se trompe ?

Nous voulons donner une chance aux joueurs. Prenons Dominik Schmid. Nous avons parlé tout à l'heure des défenseurs latéraux. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où nous n'avions pas de pied gauche comme back-up sur le côté gauche. Et Dominik, en tant que capitaine de GC, avec sa vitesse et les assists qu'il a toujours délivrés, est un pied gauche. Et si j'en ai un, je n'ai pas besoin de compenser quoi que ce soit. Comme à l'époque avec Lahm en Allemagne.

Contre Andorre, l'arrière gauche et pied gauche d'Ulysses Garcia (YB) est à nouveau dans le cadre.

Ulysses a réalisé une bonne saison et s'est à nouveau imposé. En tant que champion et vainqueur de la Coupe, le momentum s'applique également à lui. Il est bon dans le jeu vers l'avant et dans les centres, ce qui lui convient particulièrement contre les adversaires qui jouent bas.

Question générale. L'ASF ne souhaite-t-elle vraiment pas prendre davantage en compte les joueurs de Super League ?

Pourquoi le devrait-elle ?

Parce que cela augmenterait son prestige.

Nous avons 50 à 60 Suisses qui jouent à l'étranger.

Mais la liste des réservistes est pleine de joueurs de Super League.

Nous voulons donner une chance précoce aux joueurs talentueux. Fabian Rieder, Zeki Amdouni, nous ne voulons pas intégrer de tels joueurs seulement lorsqu'un cadre s'arrête et qu'eux jouent encore en Super League.

Il est tout simplement agréable que ces talents soient «vus», on n'avait pas ce sentiment avec votre prédécesseur. A l'inverse, il n'est certainement pas facile de laisser un cadre de côté.

Si un joueur n'a pas sa chance à l'étranger, je dois lui dire que c'est le principe du mérite et du temps de jeu qui compte. Mais alors, nous l'aiderons peut-être à trouver un autre club. C'est aussi de notre responsabilité.

Vous avez une influence ?

Nous ne voulons pas nous transformer en agents, mais si nous voyons qu'un joueur aussi précieux que Denis Zakaria ne joue pas pendant six mois à Chelsea, il faut bien faire quelque chose. En tout cas, nous ne le laissons pas tomber.