Conflit ukrainien Les sanctions dans le sport, un outil efficace

ATS

28.2.2022 - 09:40

Mondial 2018, Jeux de Sotchi, GP de Formule 1, sponsoring: la Russie, qui a fait du sport un outil d'influence extérieure comme de communication intérieure sous Vladimir Poutine, peut pâtir d'un bannissement, assurent des experts occidentaux.

Partout dans le monde, des manifestations ont lieu afin de protester contre l'invasion des Russes en Ukraine. 
Partout dans le monde, des manifestations ont lieu afin de protester contre l'invasion des Russes en Ukraine. 
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Depuis l'invasion russe de l'Ukraine, les sanctions pleuvent: annulation du GP de Sotchi; sportifs déclarés personae non gratae en Grande-Bretagne, en Norvège, en Suède; refus des Polonais, des Suédois et des Tchèques de les affronter en barrage du Mondial 2022; hymne et drapeau russes bannis par le CIO; et désormais appels à une exclusion de la prochaine Coupe du monde, événement planétaire que la Russie avait accueilli en 2018.

«Passionnés»

«Le sport a une importance disproportionnée pour les régimes autoritaires. L'éventuelle incapacité de participer à des compétitions frapperait durement la Russie», affirme à l'AFP Sir Hugh Robertson, président du Comité olympique britannique (BOA).

«Les Russes sont passionnés de sport. Accueillir des événements majeurs les a enthousiasmés» et une mise à l'écart «déclenchera immédiatement un questionnement sur ce qui se passe. Poutine ne se préoccupe peut-être guère de ce que le reste du monde pense de lui. Mais il doit faire attention à ce que le peuple russe pense de lui», explique à l'AFP Michael Payne, patron durant deux décennies du marketing du CIO.

«Payer le prix»

Autre danger possible, les prises de position de sportifs qui, comme le tennisman Andrey Rublev, le footballeur international Fedor Smolov, le hockeyeur Alex Ovechkin ou le cycliste Pavel Sivakov, ont publiquement exprimé leur refus de la guerre: cela ne peut «qu'inciter la population à s'interroger sur les actes de leurs dirigeants, et à miner le soutien national pour la guerre», selon M. Payne.

Lui aussi ancien responsable du CIO avant de participer à cinq campagnes de candidature pour les JO couronnées de succès, Terrence Burns est moins affirmatif sur ce point: «Le gouvernement va dépeindre la Russie en victime d'une grande conspiration globale fomentée par les Etats-Unis et l'Occident.»

Mais la question n'est plus là, explique-t-il, convaincu que désormais, «la Russie doit payer le prix pour ce qu'elle a fait, et malheureusement cela inclut ses sportifs».

L'équilibre économique du sport professionnel européen va-t-il être remis en cause, notamment par l'annulation des contrats? Manchester United a annoncé qu'il rompait son accord de sponsoring avec la compagnie aérienne Aeroflot.

Une source ayant connaissance des discussions sur le sujet a confirmé que l'UEFA «s'apprêtait» à prendre une décision semblable cette semaine avec le géant Gazprom, sur un contrat conclu en 2012 et estimé par les médias spécialisés à 40 millions d'euros annuels.

Sevrage de l'argent russe

L'écurie américaine de Formule 1 Haas a enlevé de ses monoplaces les couleurs russes de son sponsor principal Uralkali et doit annoncer cette semaine une décision quant à sa relation avec ce groupe spécialisé dans la potasse.

«Les méga-contrats russes de sponsoring sont un phénomène récent (...) Le sport allait très bien sans les méga-sponsors russes il y a dix ans, il continuera à aller très bien», estime Terrence Burns.

Pour le géopolitologue français Lukas Aubin, «si l'UEFA décidait de se séparer de Gazprom, il y aura un impact. Mais ce sont des grandes institutions. On peut imaginer qu'un autre le remplace. Ils n'auront aucun mal à trouver un gros sponsor sachant que la Ligue des champions est l'une des compétitions les plus regardées de la planète.»

«Là, on a la sensation que l'heure est trop grave pour que les institutions sportives disent. Bon, on ne peut pas vraiment le faire parce que c'est la Russie, Gazprom finance la Ligue des champions, etc... J'ai la sensation qu'on est à un point de rupture et que les mesures qui vont suivre seront inédites», poursuit l'universitaire, auteur de «La Sportokratura sous Vladimir Poutine».

«En ne réagissant pas, le monde du sport a beaucoup plus à perdre que la perte d'un ou deux parraineurs russes», prévient Michael Payne.

«Le monde du sport doit se sevrer de l'argent russe», dit Hugh Robertson. «L'invasion russe en Ukraine aura un impact sur le sport, mais les conséquences de l'inaction ou des atermoiements, seraient bien plus graves.»

Les sanctions sportives peuvent avoir «un impact énorme sur la société», rappelle Michael Payne: «Le boycott des sports sud-africains pendant l'apartheid a eu autant, voire plus d'effet que les sanctions économiques, poussant le régime à un changement de politique.»