Par Olivier Petitjean
Athlète très atypique, Morgan Le Guen a commencé à courir il y a cinq ans seulement. Et aujourd'hui, il est déjà no 3 helvétique, plus très loin de Julien Wanders, comme il l'a encore montré dimanche à l'Escalade.
A 28 ans, Le Guen (qui signifie béni en breton) reste un jeune athlète. Le Genevois compte très peu de kilomètres au compteur et franchit les étapes à grandes foulées. Elles doivent le mener au marathon des JO 2024 à Paris, pour lequel les minima (2h11'30) semblent aujourd'hui déjà à sa portée.
«J'ai commencé à courir pendant mes études en agronomie à la HES de Genève en 2016, d'abord pour perdre du poids. Je m'étais tellement épaissi que mes proches s'inquiétaient pour moi», glisse cet ancien footballeur de bon niveau, qui s'est pris au jeu de la course à pied plus vite qu'on ne peut l'imaginer.
Près de 15 kg en moins
Délesté progressivement, au fil des ans, d'une quinzaine de kilos (67 kg pour 1m85 aujourd'hui), Le Guen a couru son premier 10 km en 2017, dans le temps de 32'45, un an après ses débuts, pris sa première licence en 2018 au Stade Genève, puis réalisé 28'50 début 2020 et enfin 28''33 cet automne, ainsi que 1h02'22 au semi-marathon. Il a devancé Julien Wanders – certes amoindri – aux 10 km de Genève en octobre pour se profiler comme le no 3 helvétique derrière Wanders justement et Jonas Raess, tous deux en lice aux JO de Tokyo.
Cette ascension fulgurante, qui rappelle celle de certains Kényans révélés sur le tard, tient à son talent, à son «gros mental» (dixit l'intéressé) et aussi à son coach, Marco Jäger, ex-entraîneur de Wanders. «Je l'appelle 'Professeur'. Sa science de l'entraînement est exceptionnelle», loue l'élève.
Morgan Le Guen travaille à plein temps, comme éducateur spécialisé à Genève. Il effectue son premier entraînement vers cinq heures du matin, le deuxième en sortant du travail. Deux fois la nuit, donc, en cette saison.
«Je fais aussi une heure de vélo par jour pour me rendre au travail et en revenir, c'est comme si je m'entraînais trois fois par jour», explique-t-il. Mais sans faire de gros volumes. «Je ne supporterais pas, contrairement à Wanders qui encaisse mieux. Je mise d'abord sur la qualité.»
«Milieu hautain»
En juniors, Le Guen était footballeur dans un centre de formation sport-études à St-Julien, aux portes de Genève, avec des horaires aménagés. «J'évoluais au niveau national avec mon club, mais je n'aimais pas la mentalité du foot. Trop hautaine. Cela m'a dégoûté. Dans l'athlétisme, j'ai trouvé un milieu humble, qui correspond à mes valeurs. Rien n'y est jamais acquis.»
A 17 ans, Le Guen a arrêté le football, pour ne reprendre le sport qu'à 23 ans, donc, avec l'athlétisme, qu'il goûte aujourd'hui comme un jeu même s'il avoue s'être mis «trop de pression» l'an dernier, comme pris de vertiges par son ascension soudaine.
A part une médaille d'argent aux Championnats de Suisse de semi-marathon en 2020, Le Guen n'a encore quasi rien gagné. Il a disputé très peu de Championnats. Mais ses chronos indiquent qu'il risque bien de bouleverser l'ordre établi.