La retraite de Roger Federer, bouleversante pour une grande partie des fans du sport de la petite balle jaune, conclut un parcours exceptionnel et unique. Revenons en détails sur un épisode iconique, non seulement de la carrière du Bâlois, mais également de l'histoire du tennis : l'Open d'Australie 2017.
Le contexte
Fin 2016, l'année a été dominée en long et en large par un joueur qui survole et écrase le tennis mondial : Novak Djokovic. Le Serbe règne en roi sur son trône et clôt la saison avec 65 victoires pour 9 défaites. À son palmarès, il ajoute un sixième Open d'Australie ainsi que Roland-Garros pour la première fois de sa carrière. Seul point noir pour le nouveau monstre du tennis mondial : sa défaite en finale de l’US Open face à un Stanislas Wawrinka invaincu et intraitable en finale de Grand Chelem (avant Roland-Garros 2017).
De l'autre côté, Roger n'y arrive plus, son dernier titre en majeur date de quatre ans et demi en arrière lors de l'édition 2012 de Wimbledon. Son bilan en majeur entre 2012 et 2017 ? Trois défaites en finale face à Novak Djokovic et un trou d'air jamais observé auparavant dans sa carrière en Grand Chelem. Dans la continuité, l'année 2016 ne présage pas de meilleur futur pour le maestro, au contraire. Après sa première demi-finale perdue à Wimbledon de toute sa carrière, il est forcé de se retirer des courts de tennis pendant une période de 6 mois pour soigner son dos vieillissant et son genou grinçant.
Lors de cette période, beaucoup d'observateurs et de fans pensent que les meilleurs moments de «RF» sont sûrement quelques années derrière lui et qu'il ne sera peut-être même plus jamais capable de remporter un tournoi du Grand Chelem. Lui-même déclara plus tard : «en 2016, je me suis demandé si ça allait être la fin de ma carrière».
Les doutes sont présents dans toutes les strates du tennis : du monde journalistique, aux commentateurs en passant par les différents coaches de joueurs. Certains bruits courent et prennent de l'ampleur : Federer ne sera peut-être plus jamais au sommet.
Le retour en grâce
Début de l'année 2017, Federer pointe au 17ème rang de la hiérarchie mondiale, peu de monde l'attend, ou du moins, peu de monde l'attend au niveau auquel il performera. Pourtant cette année spécifique, avec le recul historique, se conclura comme l'une des plus grandes saisons de come-back de tous les temps.
Le 02 janvier 2017, Federer entame son année avec un bref retour à la Hopman Cup afin de préparer dans les meilleures conditions son Open d'Australie. Quelques rencontres dans les jambes lui permettent de prendre la température et d'entamer le Grand Chelem dans les meilleures conditions possibles. Le 16 janvier 2017, RF entame son tournoi face à l'Autrichien Jürgen Melzer. Malgré «un niveau de jeu chaotique» relevé par nos confrères d'Eurosport, Federer initie sa longue marche en avant. Il enchaînera par la suite avec des victoires plus convaincantes face à Noah Rubin et face au pourtant redoutable Thomas Berdych (10ème mondial).
En 8es de finale, le Suisse devra croiser le fer avec Kei Nishikori (5ème mondial). À cette époque, Federer n'a plus battu deux membres du top 10 dans un même tournoi depuis le Masters 2015. Pourtant, le Maestro s'impose en 5 manches et près de 3h20 de jeu et affiche un niveau de jeu bluffant. Ce match marque déjà profondément les esprits lors du tournoi. Mais avec une perspective plus actuelle, cette rencontre est sûrement le réel tournant dans le futur de la carrière de l'Helvète puisqu'il démontrera au monde tennistique et à lui-même qu'il était bien de retour au plus haut de la hiérarchie.
Au contraire de son tour précédent, son quart de finale ne restera pas dans les annales, car le Bâlois ne fera qu'une bouchée d'un surprenant Mischa Zverev, tombeur d'un certain Andy Murray au tour précédent.
A l'inverse, sa demi-finale fratricide face à Stanislas Wawrinka aura certainement marqué tout un pays. La Suisse fut partagée entre le retour de son idole de toujours et l'autre star helvétique en vogue des dernières années. Ce dernier, trois fois vainqueur de Grand Chelem pendant la période sans trophée de Roger, aura permis à la Suisse de continuer de briller au plus haut niveau international.
Federer-Wawrinka, l'affiche fait saliver, et la rencontre, sous haute tension, se déroulera en cinq manches décousues. L'aîné des deux prendra finalement les devants dans la cinquième manche au cinquième jeu lors d'un craquage du Vaudois converti par le Bâlois, qui ne regardera plus en arrière afin de décrocher une finale tant attendue. Pourtant, le plus difficile restait à faire...
Un climax légendaire
Le 29 janvier 2017, Federer retrouve son «meilleur ennemi» de toujours, également de retour d'une année 2016 difficile, tout un symbole dans l'histoire de la rivalité entre les deux joueurs. Pour conclure son retour au premier plan, Federer doit vaincre ses vieux démons que tous les supporters du Bâlois ne connaissent que trop bien. En effet, Rafael Nadal restait sur six victoires en six matches dans des tournois majeurs depuis la finale de Wimbledon en 2007, y compris les trois rencontres disputées à l'Open d'Australie.
Cependant l'histoire ne prendra pas le cours, devenu habituel, des choses car, dans une finale d'un niveau tennistique ahurissant, Federer réalisera ce qu'il a si souvent échoué à parachever lors de toute sa carrière face au Majorquin. D'un point de vue technique, la révolution de son revers lors de cette édition 2017 lui aura permis d'encaisser les assauts répétés du coup droit lifté de Nadal durant toute la durée du match. Il aura même réussi à se montrer agressif et percutant de ce côté de la raquette en prenant la balle bien plus haut qu'il ne le faisait lors des «Fedal» précédents.
Mais c'est principalement sur l'aspect mental que Federer n'aura rien lâché lors de ce combat désormais légendaire. Par deux fois, l'insubmersible taureau de Manacor sera revenu à hauteur du Bâlois et aura même été le premier à breaker à l'entame du cinquième set. Les démons du passé auraient pu resurgir mais, poussé dans ses retranchements, le Maestro, plein de sang froid, aura constamment harcelé l'Espagnol sur son service. Dans un premier temps, pour le débreaker, puis à 3-3 dans le cinquième set, au terme d'un jeu d'une qualité exceptionnelle, il aura porté le coup fatal afin de se détacher et de filer vers un 18ème titre de Grand Chelem, et sûrement, l'un de ses plus grands.
Revenu au meilleur niveau, Federer évoluera lors de toute la saison à un niveau sensationnel à 35 ans. Il terminera sur un bilan de 54 victoires pour seulement 5 défaites et empochera également un nouveau titre à Wimbledon. Cet Open d'Australie 2017 restera comme le déclencheur d'une fin de carrière dorée pour le champion helvétique. Elle permettra aux fans de tennis et de «Rodgeur» de voir la magie opérer encore quelques petites années enchantées avant l'annonce de sa récente retraite.
