Techno Chine: une appli du Parti communiste fouille les données de ses utilisateurs

AFP

17.10.2019 - 09:10

L'application «Zuexi Qiangguo» sur un téléphone mobile, le 20 février 2019 à Pékin
L'application «Zuexi Qiangguo» sur un téléphone mobile, le 20 février 2019 à Pékin
Source: AFP/Archives

Etudier la pensée du président Xi Jinping et apprendre par coeur des citations de l'homme fort de Pékin: une populaire appli de propagande du Parti communiste chinois (PCC) pourrait aussi servir... à espionner ses utilisateurs, selon un groupe de défense de la liberté sur internet.

L'application, dont la page d'accueil montre une photo du président Xi sur fond rouge, porte le nom de «Xuexi Qiangguo».

Selon les médias chinois, elle a été téléchargée 130 millions de fois depuis son lancement en janvier par le département de la propagande du Parti communiste.

Présentée comme un outil éducatif, l'appli attribue des points aux utilisateurs lorsqu'ils partagent des articles ou répondent correctement à des questions. Mais ils doivent aussi fournir une pléthore de données, comme leur localisation ou leur adresse courriel, affirme l'Open Technology Fund (OTF), un groupe financé par le gouvernement américain et qui milite pour la liberté de l'internet.

Les conditions d'utilisation de l'application stipulent également que ses possesseurs peuvent être amenés à transmettre d'autres informations personnelles – telles que leurs empreintes digitales et leur numéro d'identité – en fonction des fonctionnalités auxquelles ils souhaitent accéder.

Alors que le Parti communiste présente cette appli comme «un moyen pour les citoyens de prouver leur loyauté et d'étudier leur pays, l'application les étudie», ironise l'OTF sur son site internet, en référence au nom ambigu de l'application. En mandarin, il peut à la fois signifier «Etudier pour rendre le pays fort» mais aussi «Etudier Xi pour rendre le pays fort».

Pour arriver à ces conclusions, l'Open Technology Fund s'est fondé sur des recherches de la société allemande Cure53, spécialisée dans la cybersécurité.

- «Elle fouille» -

«Xuexi Qiangguo» scanne le smartphone de l'utilisateur comme pour «essayer de trouver quelles sont les applications qu'il a installées», que ce soient des applis de jeux, de voyage ou de messagerie, relève l'entreprise.

L'enquête, réalisée en août, n'a porté que sur la version Android de l'application, qui domine le marché chinois.

«Il est inhabituel de voir autant de données recueillies pour une appli éducative», relève Jane Manchun Wong, spécialiste des questions de cybersécurité touchant au mobile.

«C'est comme lire un livre sur ce grand pays, mais le livre fouille d'une manière ou d'une autre votre maison», fait-elle remarquer à l'AFP.

Le gouvernement chinois est soupçonné d'avoir de plus en plus recours aux nouvelles technologies (vidéosurveillance, reconnaissance faciale...) pour surveiller sa population.

La semaine dernière, les Etats-Unis ont placé sur liste noire huit entreprises technologiques chinoises accusées de participer à des violations des droits de l'Homme et de servir la surveillance policière au Xinjiang (nord-ouest). Cette vaste région à majorité musulmane, longtemps frappée par des attentats, fait l'objet d'une sévère reprise en main par Pékin.

«Cette appli très intrusive n'est qu'une façon supplémentaire d'étendre ce contrôle numérique», assure Sarah Aoun, de l'Open Technology Fund.

Les journalistes chinois sont également priés d'utiliser «Xuexi Qiangguo» en vue d'un examen le mois prochain pour obtenir leur carte de presse, selon un avis du gouvernement publié la semaine dernière.

Contacté par l'AFP, le département de la propagande du Parti communiste n'avait pas répondu dans l'immédiat.

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