Techno Vidéo intime de Griveaux: une «pornodivulgation» sévèrement punie par la loi

AFP

14.2.2020 - 20:16

Inconnu il y a encore quelques années, le «revenge porn» ou «vengeance pornographique», dont a été victime Benjamin Griveaux, consiste à diffuser des images intimes sans l'accord des personnes concernées, et est désormais sévèrement puni par la loi.

Qu'est-ce que le «revenge porn»?

Le phénomène consacré par l'expression «revenge porn» en anglais consiste à mettre en ligne des photos ou vidéos à caractère sexuel sans le consentement des personnes concernées.

Un exemple type est l'échange d'images dans l'intimité d'un couple. Lors d'un conflit ou après la rupture, l'un des membres du couple diffuse ce contenu par esprit de vengeance, à des proches ou sur les réseaux sociaux.

Que les images aient été prises par la personne ou avec son autorisation importe peu: c'est désormais leur diffusion qui est punie. Les peines peuvent être aggravées si les images montrent des mineurs.

Généralement précédée de menaces ou de chantage, la publication d'images intimes «est souvent une mesure de rétorsion, après qu'un des membres du couple se soit senti maltraité», indique Justine Atlan, directrice de l'association e-Enfance.

«Ce comportement est assez répandu chez les jeunes, qui ont intégré le numérique dans leurs rapports affectifs et sexuels», souligne Justine Atlan. «Le smartphone est un outil très intime, et a en même temps une capacité de médiatisation très forte. Il peut pousser à une réaction de vengeance très impulsive».

Que risquent ceux qui le diffusent?

Depuis 2016 et l'adoption de la loi «pour une République numérique», la diffusion de «revenge porn» est passible de 2 ans d'emprisonnement et 60.000 euros d'amende.

La loi prévoit de punir tous ceux qui participent à la diffusion de ces images, même par une simple republication sur les réseaux sociaux. La victime peut également réclamer des dommages et intérêts.

«Le consentement est au centre de la loi: ce que j'ai accepté dans la sphère privée ne vaut pas pour la sphère publique», souligne Justine Atlan.

«Il faut absolument que des poursuites soient conduites, que les sanctions soient très fermes», a souhaité le ministre de la Culture Franck Riester sur BFMTV au sujet de la vidéo visant Benjamin Griveaux.

L'avocat du député, Richard Malka, s'est toutefois interrogé sur la même chaîne sur la possibilité technique de ces poursuites: «remonter à la source de la diffusion d'un site internet hébergé à l'étranger, avec des grands acteurs d'internet qui ne jouent pas le jeu de la législation française, c'est très compliqué».

Si la justice n'y parvenait pas, «il faudra peut-être renforcer les dispositifs juridiques», a reconnu le ministre de la Culture.

Quelles conséquences pour les victimes?

Souvent adolescentes, elles sont ostracisées, cyber-harcelées et parfois poussées au suicide.

Une fois diffusées, les images peuvent assez vite se retrouver sur plusieurs réseaux sociaux et sur des sites pornographiques.

Quelles condamnations?

Les cas se sont multipliés avec l'explosion des réseaux sociaux. 2.839 plaintes ont été déposées pour des diffusions d'images ou de documents à caractère sexuel en 2019, contre 2.564 plaintes en 2018, selon la Police nationale.

Ces chiffres «ne représentent pas la réalité» car «les personnes n'osent pas déposer plainte» et la loi n'existant que depuis 2016, il faut que «chacun sache que l'infraction existe», précise Grégory Arlaud, porte-parole de la Police nationale.

Un homme a été condamné en 2019 à verser 17.000 euros en réparation pour avoir révélé l'homosexualité de deux de ses ex-compagnons, notamment en publiant des photos intimes sur un compte Instagram.

L'ex-maîtresse d'un homme marié a été condamnée en 2018 pour avoir diffusé à ses proches, dont sa femme, des photographies de son intimité et des extraits de leur correspondance. Leur relation étant déjà connue de l'entourage de l'homme avant l'envoi des messages, le montant des dommages et intérêts a été fixé à 800 euros.

Que prévoit la loi à l'étranger?

De nombreux pays ont renforcé leur législation ces dernières années pour protéger les victimes de pornodivulgation.

- Le délit de «revenge porn» est passible en Italie d'une peine pouvant aller de un à six ans de réclusion, et de 5.000 à 15.000 euros d'amende.

- Un tribunal londonien a condamné en 2018 un ex-analyste financier de la City à 16 semaines de prison pour avoir publié sur des sites pornographiques des photos d'une stagiaire qui l'avait éconduit.

- La pratique est aussi punie de deux ans de prison au Danemark.

Que faire si l'on est menacé?

«Il ne faut pas rester seul, en parler à quelqu'un, réaliser des captures d'écran pour matérialiser la preuve, déposer plainte, et aviser le réseau social pour faire supprimer l'image», souligne Grégory Arlaud, de la Police nationale.

L'association e-Enfance propose également un numéro vert (0 800 200 000).

«Souvent, on n'a même pas besoin d'aller au tribunal», précise maître Avi Bitton, avocat en droit pénal. «On envoie une lettre d'avocat à la personne qui a diffusé les images, ou a menacé de les diffuser, et elle les retire».

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