Thierry Lang «Je commence ma troisième vie»

Valérie Passello:itw/Nicolas Barman: réa

13.9.2022

Le Zermatt Festival accueille le 14 septembre le pianiste de jazz Thierry Lang, premier et seul Suisse à avoir signé avec Blue Note Records, dans un programme coloré de ses compositions latines. Une occasion pour blue News d'aller à la rencontre de ce Fribourgeois d'origine établi dans le canton de Vaud et mondialement connu. Rencontre.

4 questions pour un Maestro! Thierry Lang, plutôt Freddie Mercury ou Bill Evans ?

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Mondialement connu, le pianiste de Jazz a répondu aux questions de blue News! Musica, Maestro !

13.09.2022

Valérie Passello:itw/Nicolas Barman: réa

blue News: Au Zermatt Music Festival, vous donnerez un concert intitulé «La couleur des cordes». Quelles couleurs les cordes ont glissé dans votre vie?

Thierry Lang: Je suis un mélodiste dans le jazz, catalogué un peu comme ça. Quelqu'un qui écrit des mélodies assez vite assimilables. Et les mélodies les plus belles sont toujours accompagnées par des tapis de cordes, c'est un peu la crème chantilly...

J'ai toujours rêvé d'avoir une petite formation, avec un guitariste par exemple, un violoncelle, que j'adore, et la contrebasse. Et puis le piano, naturellement: on a 88 touches, une cargaison de cordes, mais si cela reste un instrument de percussion. J'ai choisi ce titre en fonction des mélodies qui seront jouées dans ce concert, comme dans un grand orchestre, mais avec une formation réduite.

Quand vous composez, vous voyez des couleurs?

J'associe souvent les sons aux couleurs, il existe d'ailleurs un terme: la synesthésie. Quand je compose, c'est souvent un arc-en-ciel. Mais les tonalités ont des couleurs prédominantes. Par exemple, dans les marches funèbres, la tonalité est toujours le do mineur. Car pour beaucoup de compositeurs, le do mineur, c'est le noir. 

À Zermatt, vous serez accompagné d'autres musiciens et, par ailleurs, vous avez multiplié les collaborations tout au long de votre carrière. La musique, c'est mieux quand c'est partagé?

Je trouve que oui. Le piano solo, c'est une autre sensation, c'est la liberté totale, même si c'est une discipline très compliquée. Mais je me régale d'écrire de la musique et de l'entendre jouée par d'autres personnes. Par de jeunes musiciens qui me proposent une harmonie ou une rythmique différente. Les jeunes font évoluer la musique.

Les jeunes s'intéressent au jazz aujourd'hui?

C'est un grand débat, car il y a une foule d'écoles de jazz. Privées, ou affiliées à un conservatoire. Mais je crois que les gens ne savent pas exactement ce que veut dire le mot «jazz». Je pense que beaucoup d'écoles sont remplies de musiciens qui veulent simplement prendre le contrepied de la musique classique. Pour moi, le jazz et la musique classique découlent de la même chose: des chants religieux. Il y a la rythmique du gospel noir américain, associée au système tonal européen. 

Vos propos nous ramènent à la spiritualité. Or, à l'âge de 7 ans, vous saviez que vous alliez devenir pianiste. Vous souvenez-vous d'une «vocation»? 

C'est difficile, car j'ai commencé le piano à 5 ans. Comme dans beaucoup de familles, il y avait un piano à la maison. Dans les années 1960, mes grands frères faisaient partie d'un orchestre de twist et ils répétaient chez nous. Cela me fascinait. J'essayais de reproduire sur le piano les sons que j'entendais. Ensuite j'ai pris des cours dans mon petit village de Romont avec un type formidable qui s'appelait Gérard Sudan. À 7 ans, je savais que c'était ce que je voulais faire. Mon papa ne voulait pas que je me lance dans une carrière «de bohémien» et il a fallu qu'on s'accroche plusieurs fois. Je pense que plus il y était opposé, plus j'étais décidé. La passion du piano ne m'a jamais quitté. 

Une passion que vous avez transmise en enseignant?

J'espère! C'est dur de faire un constat. Rien qu'au conservatoire de Montreux, j'ai enseigné 41 ans. Mais sur l'ensemble des élèves que j'ai eus, peut-être 2% à 3% mènent une carrière professionnelle. 

Aujourd'hui, vous avez atteint l'âge de la retraite, est-ce à dire que vous pouvez enfin travailler tranquillement?

En Suisse, on n'a pas de ministre de la culture, chacun doit se débrouiller par lui-même. C'est extrêmement compliqué de vivre uniquement de la musique, surtout du jazz. Heureusement que j'ai eu l'enseignement, car j'ai pu stabiliser ma vie et m'offrir le luxe d'avoir des enfants et de les «sortir de la coquille» et de leur offrir tout ce que je pouvais. Pendant 41 ans, j'ai travaillé comme un fou. Alors maintenant, je dis toujours à qui veut l'entendre que je commence ma troisième vie.

Vous avez une mélodie en tête pour la suite?

Je suis un vieux de la vieille, je travaille encore avec un crayon et du papier. Alors je note mes idées, parfois simplement une phrase musicale. Et j'en ai des cartons pleins! Affaire à suivre....

L’interview complète : 

Thierry Lang : «Je commence ma troisième vie»

Thierry Lang : «Je commence ma troisième vie»

Entre do mineur et synesthésie, Thierry Lang a répondu aux questions de notre journaliste Valérie Passello. Rencontre passionante avant son concert au Zermatt Festival le 14 septembre 2022.

13.09.2022