Interview Licia Chery: «On peut discriminer sans en avoir l’intention»

d'Aurélia Brégnac / AllTheContent

14.9.2020

L'animatrice et chanteuse suisse Licia Chery.
L'animatrice et chanteuse suisse Licia Chery.
RTS/Christin Philippe

Elle est l’une des nouvelles figures de cette rentrée sur la RTS. Licia Chery, jusqu’à présent connue du grand public en tant que chanteuse, vient de reprendre les commandes du jeu «C’est ma question». Une corde de plus à l’arc de cette Genevoise de 35 ans qui, en plus de la musique, d’un livre publié l’an dernier, dévoile une nouvelle facette de sa personnalité. Polyvalente, hyperactive, mais aussi engagée, l’animatrice se bat pour les causes qui lui sont chères. Rencontre.

Vous vous êtes d’abord faite connaître du grand public en tant que chanteuse. Comment vous est venue l’envie de faire de la télé en tant qu’animatrice?

Je travaillais déjà à la RTS dans le département Communication et Marketing. Et j’ai vu que la chaîne cherchait de nouvelles têtes pour l’animation de jeux. Je suis donc allée faire le casting. J’ai été sélectionnée au premier tour, mais le second devait avoir lieu au moment où il y a eu le confinement, et a donc été annulé… J’ai finalement été retenue au mois de juin.

Depuis la rentrée, vous êtes donc la nouvelle présentatrice du jeu «C’est ma question». Comment ça se passe? Vous n’êtes pas trop stressée avant les tournages?

Oui, toujours un peu de stress… parce que le public n’est pas là, on ne sait pas comment il va réagir, comment on est perçue à l’écran. Mais j’essaie de mettre à l’aise les candidats, alors au fil des émissions, moi aussi, je suis plus à l’aise et c’est de plus en plus agréable. Il y a encore des ajustements à faire parce que je débute et que je découvre ce nouveau métier. Mais je me sens plutôt bien!

«Il y a encore des ajustements à faire parce que je débute»

Le fait que le public ne soit pas présent en raison des mesures sanitaires, c’est plutôt une aide ou résolument étrange?

Les deux. D’un côté, c’est étrange parce que l’on s’adresse à des gens qui ne sont pas là. Les personnes qui travaillent à la radio ont plus l’habitude. Mais quand on vient de la scène, on est habitué à avoir un retour immédiat, et non différé. Et en même temps, c’est une aide parce qu’on a un peu moins cette boule au ventre qu’on a quand on monte sur scène et que tous les regards sont braqués sur soi. Ça aide à être un peu plus soi-même.

Licia Chery: «Telle qu’on me voit à l’écran, c’est comme ça que je suis dans la vie.»
Licia Chery: «Telle qu’on me voit à l’écran, c’est comme ça que je suis dans la vie.»
RTS/Christin Philippe

Plusieurs présentateurs se sont succédés aux commandes de cette émission ces dernières années. Comment comptez-vous vous démarquer?

Chaque personne a apporté sa propre personnalité. C’est ce que je fais et que je vais continuer à faire. Telle qu’on me voit à l’écran, c’est comme ça que je suis dans la vie. C’est à-dire très souvent en train de rire, de m’adresser aux gens comme si je les connaissais. J’apporte ma simplicité, et j’essaie de mettre les gens à l’aise.

«J’ai fait une formation avec Jonas Schneiter.»

Est-ce que les précédents animateurs du jeu, Jonas Schneiter et Sébastien Rey, vous ont donné des conseils?

J’ai fait une formation avec Jonas Schneiter. Il m’a expliqué quels étaient les pièges à éviter, les pièges dans lesquels on tombe un peu tous, comme la manière de relancer les candidats ou d’éviter de se répéter… Et Sébastien Rey est aussi passé faire un coucou, il m’a montré comment se positionner sur le plateau. J’ai eu de la chance.

Vous êtes à l’origine d’un livre jeunesse intitulé «Tichéri a les cheveux crépus» (publié fin 2019) qui raconte l’histoire d’une fillette confrontée aux préjugés. Comment l’idée vous est-elle venue?

C’est très simple. L’idée est venue du fait que je me suis souvent retrouvée face à des adultes, lors de conversations, qui n’entendaient pas forcément ce que je disais, n’avaient pas déjà intégré certains concepts. Le débat n’allait pas très loin parce qu’il fallait réussir à prouver que certaines choses évidentes pour moi existaient bien. Je me suis dit que le plus simple était peut-être de s’adresser directement aux enfants, de leur faire comprendre certaines choses assez rapidement, pour qu’en tant qu’adultes, ils voient la diversité sans que ce soit quelque chose de choquant, de nouveau. Proposer de la diversité aux enfants dès le plus jeune âge va permettre qu’ils soient des adultes qui trouvent ça normal et banal.

«C'est possible d’avoir parfois des propos blessants sans s’en rendre compte»

Il est un peu question de votre propre histoire dans cette fiction?

Les conversations que la fillette a avec ses parents sont des conversations que j’aurais aimé avoir avec les miens. Beaucoup de personnes sont encore concernées. Les retours que j’ai des lecteurs sont positifs, ils me disent que ça les a aidés. Ça s’adresse autant aux parents qu’aux enfants, pour rappeler que c’est possible d’avoir parfois des propos blessants sans s’en rendre compte, d’être discriminant sans en avoir l’intention.

La lutte contre les discriminations mais aussi l’environnement… Vous avez cet été participé à un événement avec l’ONG Greenpeace. Vous avez l’âme d’une militante. D’où cela vous vient-il?

Je pense que quand on est originaire d’un pays qui a une situation difficile, on a un autre regard sur le monde et la vie en général. Personnellement, je suis profondément touchée par ce qui se passe dans le monde. Etant une artiste à la base, il y a une hypersensibilité en moi qui se traduit par l’envie de dénoncer ou de faire connaître certaines choses.

Pour vous, y a-t-il aujourd’hui à la télé assez de diversité?

La RTS, ce n’est pas que de la télé: à la radio et dans le digital, la diversité existe déjà. C’est plutôt à l’antenne qu’elle n’est pas très visible. Mais les choses sont en train de changer et on espère que ce ne sera bientôt plus un sujet. Dans tous les domaines, il y a aujourd’hui toujours de quoi nous rappeler qu’on est différent des autres.

Par la suite, souhaiteriez-vous animer un autre type d’émission TV?

Oui, bien sûr. Je rêve de pouvoir animer une émission culturelle. J’adorerais!

En raison de l’émission et de la crise sanitaire, vous avez mis vos activités de chanteuse en stand-by?

J’avais une petite tournée en Allemagne prévue en octobre, mais qui a été annulée. Je ne sais pas encore comment ça va se passer, on verra comment les choses évoluent avec la situation sanitaire.

«Je suis une hyperactive»

Alors, l’animation TV arrive finalement au bon moment?

C’est génial! Je pense qu’il ne faut pas toujours mettre ses œufs dans le même panier. Je fais de la musique, de la littérature, je travaille dans un bureau et maintenant à l’animation…C’est mieux d’avoir plusieurs activités parce qu’on ne sait pas ce qui peut arriver.

Il faut avoir l’énergie!

C’est vrai. Je suis une hyperactive et je me sens toujours mieux quand mon agenda est rempli. Je fais ce qui me plaît comme je le peux.

Vous avez de bons retours sur les premières diffusions de «C’est ma question»?

Le concept de l’émission est vraiment intéressant, parce qu’il est participatif. On va questionner la population romande dans la rue, au travail… A partir du moment où on implique les gens, je trouve ça vraiment chouette!

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