Alyona Alyona, rappeuse hors normes

AFP

5.2.2020

La rappeuse ukrainienne Alyona Alyona, le 16 janvier 2020 au Festival Eurosonic à Groningen, aux Pays-Bas
La rappeuse ukrainienne Alyona Alyona, le 16 janvier 2020 au Festival Eurosonic à Groningen, aux Pays-Bas
Source: AFP/Archives

Casser les codes? Alyona Alyona, ancienne prof de maternelle, rappe en ukrainien et assume sa taille XXL, sur scène et dans ses textes. Incarnation d'un rap féminin en plein essor.

Le phénomène, âgé de 28 ans, a débarqué en France au cœur de la nuit – concert vers 4h00 du matin – au festival Trans Musicales de Rennes (ouest) début décembre. Puis, nouveau show emballant à Eurosonic, autre festival défricheur, début 2020, à Groningue aux Pays-Bas.

Chaîne couleur or autour du cou, peignoir façon boxeuse aux motifs léopard, elle impressionne par son débit aux côtés d'Elina Panika, sa comparse au micro. Adhésion rapide du public.

«Elle envoie! Alyona Alyona, c'est le partage, le sourire, l'envie», commente pour l'AFP Jean-Louis Brossard, patron des Trans, croisé à Eurosonic.

La rappeuse ukrainienne Alyona Alyona, le 16 janvier 2020 au Festival Eurosonic à Groningen, aux Pays-Bas
La rappeuse ukrainienne Alyona Alyona, le 16 janvier 2020 au Festival Eurosonic à Groningen, aux Pays-Bas
Source: AFP/Archives

«Elle est hyper-bien, technique, rien à dire», se réjouit Eloise Bouton, journaliste et fondatrice de «Madame Rap», média dédié aux femmes dans le hip-hop.

«Et puis elle a une histoire», poursuit le boss des Trans.

Sa vie bascule quand elle poste en octobre 2018 sur Youtube son morceau «Poisson». Elle y figure notamment en maillot de bain, sur un jet-ski, et impose ses formes en dansant entre deux filles à la taille mannequin dans une autre séquence. La vidéo cumule plus de 2,2 millions de vues.

«La paroi de l'aquarium»

«J'étais enseignante dans une maternelle pendant 5 ans, dans un petit village près de Kiev», raconte-t-elle à l'AFP avant son show à Eurosonic. «Il y a eu tellement de vues sur cette vidéo, tellement de journalistes sont venus... Au début ça me faisait peur, mais maintenant ça va». Elle a laissé tomber l'éducation et s'habitue depuis 2019 à sa nouvelle vie entre concerts et caméras.

«Dans "Poisson", il y a un message, ça parle des femmes qui ont des piercings, des tatouages, une couleur de cheveux étrange, un corps différent (de la norme): nous, ces femmes, sommes comme des poissons et derrière la paroi de verre de l'aquarium, on n'entend pas les sales mots qui nous sont adressés».

Au fil des chansons on repère des punchlines comme «On a un regard frais sur tout, mais on ne nous invite pas à la maison (...) t'as à vivre comme tout le monde ou mourir».

La rappeuse ukrainienne Alyona Alyona, le 16 janvier 2020 au Festival Eurosonic à Groningen, aux Pays-Bas
La rappeuse ukrainienne Alyona Alyona, le 16 janvier 2020 au Festival Eurosonic à Groningen, aux Pays-Bas
Source: AFP/Archives

«On veut créer»

La place des femmes dans le hip-hop? Alyona Alyona en a entendu de belles. «On me disait que les femmes sont faites pour cuisiner, s'occuper des enfants, se faire les ongles, se maquiller... mais j'essaie de montrer que les femmes ont leur place dans les "battles" (défis) de rap», raconte-t-elle.

Elle a trouvé son créneau en laissant tomber les textes-clichés sur «la drogue et les gangs, car ce n'est pas ma vie réelle. Je vais chez mes parents en vacances». Dans un de ses clips on voit d'ailleurs ses géniteurs dans leur appartement.

«J'essaye de donner une inspiration, pas seulement pour dire aux femmes qu'elles peuvent rapper, mais pour croire en soi-même», complète-elle.

Pourquoi cette fan d'Eminem – «il représente tout ce qu'il faut faire et ne pas faire», sourit-elle – ne rappe-t-elle pas en anglais? «J'enseignais en Ukraine et je voulais dire des choses en ukrainien». Mais elle nie tout geste politique par rapport à la Russie voisine. «Je n'aime pas les trucs politiques, ma génération est fatiguée de la politique qui est partout, dans les journaux, les réseaux sociaux... Nous, on veut créer des choses nouvelles, on a des "performers", des peintres, tant de gens talentueux».

Le New York Times l'a déjà classée dans les 15 artistes à suivre sur le Vieux Continent.

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