«Humiliée» Carole Ghosn, une épouse en première ligne

AFP

24.4.2019 - 08:11

Il y a quelques mois encore, Carole Ghosn posait gracieusement devant les objectifs au bras de son mari Carlos. Aujourd'hui, entre Tokyo, New York et Paris, elle se démène pour crier l'innocence du magnat de l'automobile déchu, détenu au Japon.

Mme Ghosn, 52 ans, qui est aussi désormais dans le viseur des procureurs, n'était pas à bord du jet privé dans lequel son époux a été arrêté le 19 novembre à Tokyo, et le choc n'en a été que plus rude quand elle a appris la nouvelle, à des milliers de kilomètres de là.

Sans contact avec lui pendant près de deux mois de garde à vue (ni téléphone, ni droit de visite), Carole Ghosn a d'abord limité ses prises de parole publiques avant de prendre ouvertement la défense de son mari.

Si elle ne lui a pas rendu visite en prison, elle est présente le jour de sa libération sous caution, le 6 mars.

Au fil des jours et des heures, on voit cependant l'agacement et la lassitude chiffonner son visage photographié par la meute de journalistes campant au pied de l'immeuble où Carlos Ghosn est assigné à résidence.

«Durant le mois passé en liberté, ils ont essayé de vivre à peu près normalement, de se promener, de prendre de bons repas», raconte une de ses relations au Japon.

«Humiliée»

Mais le répit fut de courte durée, et cette fois, Carole Ghosn était là quand l'ex-PDG de Renault-Nissan est de nouveau arrêté le 4 avril, à l'aube.

«Les procureurs ont sonné à la porte à 6 heures moins dix du matin. Ils étaient au moins vingt pour l'arrêter et fouiller un deux-pièces», confie-t-elle à la presse française. «On m'a fouillée plusieurs fois (...) Une femme m'a suivie jusque dans ma douche, jusqu'aux toilettes. Je me suis sentie humiliée».

Pour cette élégante femme aux longs cheveux blonds, c'est la stupeur. «Ce qu'elle a vécu l'a vraiment traumatisée», souligne la personne de son entourage.

«C'est une épreuve immense, parmi les pires moments de sa vie, mais elle fait face avec beaucoup de droiture et de dignité», commente l'avocat français de la famille, François Zimeray.

Carole Ghosn, déterminée et combative, n'a pas de mots assez durs contre le système judiciaire japonais. Elle s'en prend à la France où «tout le monde a lâché Carlos Ghosn» mais, «à l'instar de son mari, elle est sans amertume» à l'égard des Japonais ou du Japon, «pays qu'elle connaît peu», selon la même source.

Et d'ajouter: «elle a décidé de se battre pour son mari parce qu'elle l'aime et parce qu'elle croit en son innocence, elle ne le lâche pas, car elle sait que pour lui, sa défense est le plus gros défi de sa vie».

Plaidant sa cause auprès de l'ONG Human Rights Watch, des Nations unies, du président français Emmanuel Macron et même de l'hôte de la Maison Blanche Donald Trump, elle frappe à toutes les portes.

Dans le collimateur

Née en 1966 à Beyrouth, Carole Nahas a passé une grande partie de sa vie aux Etats-Unis, dont elle détient la nationalité et où ses trois enfants, d'un premier mariage, ont grandi. «Elle semble très proche d'eux comme de sa mère», confie encore la personne qui la côtoie.

Détentrice d'un diplôme en sciences politiques, elle crée à la fin des années 2000 sous son nom d'alors, Carole Marshi, une marque de caftans de luxe. Elle est aussi impliquée dans des projets culturels et philanthropiques, comme l'association SEAL fondée par des membres de la diaspora libanaise aux Etats-Unis.

Vers 2013, elle commence à s'afficher avec Carlos Ghosn qu'elle épousera en grande pompe en octobre 2016, au Grand Trianon du château de Versailles.

Aujourd'hui, leur mode de vie fastueux, du festival de Cannes au carnaval de Rio, est passé au crible.

Les conditions d'organisation de leur mariage font ainsi l'objet de soupçons en France, tandis que Renault et Nissan s'intéressent à d'autres événements auxquels Mme Ghosn était présente.

Son nom apparaît aussi dans le dernier volet de l'affaire, des détournements présumés de fonds de Nissan, dont une partie a été utilisée pour l'achat d'un yacht, selon des sources proches du dossier. Carole Ghosn a été entendue à ce sujet par la justice japonaise, en tant que dirigeante de la compagnie «Beauty Yachts», enregistrée dans les Iles vierges britanniques, qui a acquis le navire.

Si elle n'est pas mise en cause à ce stade, les procureurs l'ont dans le collimateur: selon les médias, ils la soupçonnent d'avoir contacté des protagonistes du dossier, pour leur demander de livrer la même version des faits que son mari.

«C'est faux», a rétorqué mardi le principal avocat de Carlos Ghosn, Junichiro Hironaka.

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