Accusé de meurtre Devant les assises, la défense du rappeur MHD plaide l'acquittement

ATS

22.9.2023 - 21:32

Un «fiasco judiciaire»: la défense du rappeur MHD, jugé aux assises avec huit coaccusés pour le meurtre d'un jeune homme à Paris en 2018 dans le cadre d'un règlement de comptes, a plaidé vendredi l'«acquittement», fustigeant un dossier «construit à partir d'une rumeur».

Le rappeur Mohamed Sylla (c), alias MHD, arrive au palais de Justice de Paris, le 4 septembre 2023.
Le rappeur Mohamed Sylla (c), alias MHD, arrive au palais de Justice de Paris, le 4 septembre 2023.

«A l'heure où la justice souffre d'une critique populiste d'être trop laxiste, (...) la dernière chose qu'on veut, c'est un acquittement général. Pourtant, ce dossier ne mérite rien de plus», assène dans sa plaidoirie Elise Arfi, avocate, avec Antoine Vey, de l'artiste de 29 ans, dont le vrai nom est Mohamed Sylla.

Derrière elle, les proches et les admirateurs de MHD, venus en nombre et n'hésitant pas à faire la queue pendant de longues heures pour accéder à la salle d'audience, écoutent religieusement.

Depuis trois semaines, l'inventeur auto-proclamé de l'"afro-trap», mélange de rap et de musiques africaines, comparaît devant la cour d'assises de Paris pour meurtre avec huit coaccusés, dont l'un est toutefois en fuite et est donc jugé par défaut.

Tous doivent répondre de la mort de Loïc K.: dans la nuit du 5 au 6 juillet 2018, ce jeune homme âgé de 23 ans, est renversé volontairement par une Mercedes dans le Xe arrondissement de Paris, puis passé à tabac par une dizaine d'hommes et lacéré de coups de couteaux. Il meurt, gisant dans son sang, quelques dizaines de minutes après le départ de ses agresseurs.

La voiture est retrouvée le lendemain, incendiée, dans un parking.

Au coeur du dossier, un règlement de comptes entre jeunes de la cité des Chaufourniers, surnommée la cité rouge, et celle, voisine, de la Grange aux Belles, situées dans les Xe et XIXe arrondissements.

18 ans requis contre MHD

Jeudi, l'avocat général a requis deux acquittements et des peines de 13 à 20 ans de prison contre les sept autres accusés, dont 18 ans de réclusion criminelle pour le rappeur.

Dans cette affaire, plusieurs témoins ont notamment mis en cause MHD, originaire des Chaufourniers. Les enquêteurs établissent que la Mercedes incendiée lui appartenait et des témoins affirment qu'il était sur les lieux du crime, ce qu'il conteste depuis le début.

Par ailleurs, une des vidéos de la scène, prise par un témoin depuis un appartement, montre un homme de type africain aux cheveux teints en blond, vêtu d'un survêtement Puma.

Or, à cette époque, MHD avait les cheveux peroxydés et était ambassadeur de la marque de sportswear. Lui conteste depuis le début des faits avoir été présent sur les lieux du crime.

L'affaire a nettement freiné la carrière de l'artiste, qui connaissait alors une ascension fulgurante.

Eléments «boîteux»

Critiquant des réquisitions prises «sans aucun discernement», Me Arfi fustige le «néant» du dossier. «A l'intérieur, il sent mauvais», lance l'avocate, pour qui tous les éléments à charge contre son client sont «boîteux».

La Mercedes? Il la prêtait régulièrement à son entourage. La teinture blonde? «Un look qui n'a rien d'extraordinaire» dans la cité. Le jogging Puma? «La plus grande escroquerie de ce dossier».

«Ca fait cinq ans qu'on sait que les policiers ont raconté n'importe quoi (...) en disant que ce Puma était réservé aux ambassadeurs de la marque», déroule l'avocate. La société a identifié par la suite le modèle à la demande des enquêteurs, «et contrairement à ce qui a été dit ce n'est pas un modèle réservé aux ambassadeurs».

Et les témoins ayant affirmé reconnaître le rappeur? Ce ne sont «pas des témoins qu'on peut recevoir comme des preuves», observe à son tour Me Vey, estimant, comme tous les autres avocats de la défense ayant plaidé avant lui, que ceux-ci, issus de la cité rivale, manquaient d'objectivité.

«Il n'y a pas de témoin qui dit 'j'ai vu MHD, je l'ai vu de mes yeux vus'», insiste-t-il.

«Vous êtes sur un terrain judiciaire très glissant qui se construit à partir d'une rumeur», avertit le conseil. Or, «cette rumeur, ce procès, ça ne se serait pas passé comme ça si ça n'avait pas été lui».

Le verdict est attendu samedi.