People Les stars de l'info américaines tombent, l'envers du décor dévoilé

AFP

1.12.2017 - 08:59

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L'effet Harvey Weinstein fait désormais des ravages au sein des grandes chaînes américaines, avec la chute de la vedette de NBC Matt Lauer après celle de Charlie Rose sur CBS, révélant les coulisses d'un monde sans pitié, dominé par les hommes.

Aux Etats-Unis, le choc provoqué par les accusations de harcèlement sexuel provenant d'une demi-douzaine de femmes, dont trois se sont plaintes directement à NBC, est énorme, car Matt Lauer, bien plus qu'Harvey Weinstein ou même Kevin Spacey, y était une figure immensément populaire.

"Pour une génération entière de jeunes journalistes de télévision, il représentait le summum, le sommet de la profession", écrivait le journaliste spécialisé de CNN Brian Stelter dans un livre sur les matinales télévisées publié en 2014.

Jeudi, Matt Lauer a présenté des excuses publiques, se disant "gêné et honteux".

"Il n'y a pas de mot pour exprimer ma tristesse et mon regret pour la douleur que j'ai causée par mes mots et mes actions", a-t-il expliqué dans un communiqué. "Aux personnes que j'ai blessées, je suis sincèrement désolé. Je réalise l'ampleur des dégâts et de la déception que je laisse derrière moi à la maison et à NBC."

Comme pour Charlie Rose, co-présentateur de la matinale de la rivale CBS, les accusations portées contre Matt Lauer ne ressemblent pas à des incidents isolés mais bien à un système, qui a perduré durant des années.

Sex toy offert à une collègue avec une note suggestive, convocation d'une collaboratrice dans son bureau pour un rapport sexuel non consenti, pantalon qui tombe aux chevilles pour tenter une approche, les faits allégués vont bien au-delà du simple dérapage.

- La fin d'un système ? -

Dans le cas de Charlie Rose, les huit femmes contactées par le Washington Post avaient évoqué des appels téléphoniques obscènes ou des attouchements. Deux d'entre elles ont aussi rapporté qu'il s'était exhibé nu devant elles.

Il y a quelques mois, les scandales de harcèlement au sein de la chaîne d'information Fox News, qui ont entraîné le départ du PDG Roger Ailes puis du présentateur le plus connu de la station, Bill O'Reilly, dépeignaient, de la même manière, une forme de harcèlement sexuel institutionnalisé.

"C'était: tu couches avec moi et je te donne une promotion", a expliqué mercredi la journaliste de NBC Megyn Kelly au sujet de Roger Ailes, qu'elle a longtemps côtoyé à Fox News avant de quitter la chaîne début 2017.

"Beaucoup de femmes font le raisonnement suivant: aïe, mon boulot est en jeu sur ce coup là. La dernière chose que je veux, c'est froisser ou rejeter mon patron".

Matt Lauer n'était pas le patron chez NBC, et "beaucoup des relations (sexuelles qu'il a eu avec des collègues femmes) étaient consensuelles, mais c'est toujours un problème à cause du pouvoir qu'il avait", a expliqué un ancien producteur de l'émission au site du magazine Variety.

"Il ne pouvait pas coucher avec des célébrités ou même des gens inconnus, parce qu'il était Matt Lauer et qu'il était marié", a-t-il poursuivi. "Donc il le faisait dans son écurie, où il jouait de son pouvoir et savait que personne ne se plaindrait."

"Si l'info n'était pas (avant) un milieu où l'on flirte, comment expliquer que des approches dans des rédactions aient donné autant de mariage heureux ?", a tweeté mercredi le journaliste vétéran Geraldo Rivera, semblant réduire les relations évoquées récemment à des chassés-croisés amoureux.

Très critiqué, il s'est excusé jeudi, parlant désormais d'un "horrible problème", alors que le même jour, l'actrice Bette Midler l'a accusé de l'avoir agressé sexuellement il y a plus de quarante ans.

"Qu'est-ce que les Américains ouverts d'esprit doivent penser des accusations constantes de mauvais comportement visant des hommes puissants ?", a interrogé jeudi Bill O'Reilly, également sur Twitter, promettant de répondre le soir même à cette question orientée.

De manière générale, l'information télévisée aux Etats-Unis reste un milieu dominé par les hommes, un monde de manoeuvres et de calcul permanent, dépeint dans le livre de Brian Stelter au titre évocateur: "L'intérieur du coupe-gorge qu'est la télé du matin".

Moteur de cette tension permanente, l'argent, car même si les audiences ne sont plus ce qu'elles étaient, "Today" a tout de même généré 408 millions de dollars de recettes publicitaires pour NBC l'an dernier.

Les actrices Jennifer Aniston et Reese Witherspoon ne s'y sont pas trompées et on récemment vendu à Apple un projet de série sur la vie des présentatrices de matinales à la télévision américaine.

Pour Megyn Kelly, qui est désormais la plus grande vedette de NBC sur le créneau du matin, la série de scandales en cours marque "l'érosion d'un déséquilibre honteux du pouvoir qui est en place depuis bien trop longtemps".

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