«Le cauchemar de Heidi» La cinéaste Anita Hugi tire le portrait de Johanna Spyri

zm, ats

2.11.2022 - 10:10

La cinéaste et ancienne directrice du Festival du film de Soleure Anita Hugi a présenté dimanche «Le cauchemar de Heidi» dans le cadre du festival littéraire «Zürich liest». Un voyage cinématographique dans l'œuvre et la vie de Johanna Spyri, la créatrice de la fillette suisse sans doute la plus célèbre du monde.

Une scène de film de la série télévisée en 26 épisodes Heidi, d'après les deux livres de l'écrivaine suisse Johanna Spyri. L'image montre les deux acteurs principaux Katja Polletin (Heidi) et Stefan Arpagaus (Geissenpeter), prise le 28 juin 1977, Graubuenden, Suisse. (archives)
Une scène de film de la série télévisée en 26 épisodes Heidi, d'après les deux livres de l'écrivaine suisse Johanna Spyri. L'image montre les deux acteurs principaux Katja Polletin (Heidi) et Stefan Arpagaus (Geissenpeter), prise le 28 juin 1977, Graubuenden, Suisse. (archives)
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2.11.2022 - 10:10

Les produits laitiers Heidi au supermarché, les poupées Heidi, les films Heidi, le restoroute Heidiland: la jeune orpheline créée dans les années 1880 par l'auteure zurichoise Johanna Spyri reste omniprésente 140 ans plus tard. Et sa représentation est en fait souvent un cauchemar, comme le montre le documentaire d'Anita Hugi.

Au fil des décennies, Heidi a été décorée de tant de clichés marketing que presque plus personne ne sait qui était vraiment la jeune fille. «Heidi était courageuse, entreprenante et intrépide». C'est ainsi que la réalisatrice du film se souvient du personnage de roman de son enfance: «elle m'a inspirée».

Anita Hugi parle de la Heidi du premier roman. Celle qui vivait avec son grand-père, un marginal, dans les montagnes. Et ce, en dehors du village, en dehors de la société même, car Heidi n'allait pas non plus à l'école. Elle aimait la nature et ce qu'elle devait savoir, elle l'apprenait d'elle. Tout cela a changé dans le deuxième livre, un travail de commande, comme on l'apprend dans «Le cauchemar de Heidi».

L'histoire de Johanna Spyri a connu un tel succès qu'écrire une suite s'est vite imposée. Toutefois, la pression extérieure s'est accompagnée d'une «réintégration dans le système» de Heidi et de son grand-père, comme le raconte Anita Hugi. Elle n'avait plus grand-chose à voir avec la personnalité de l'auteure de «Heidi», qui se distinguait parfois par sa nostalgie de la nature et son désir de s'échapper de la société.

Rendre les femmes visibles

Peu de gens savent qui était Johanna Spyri. «Il n'y a pas encore eu un seul documentaire sur son œuvre et sa vie», explique Anita Hugi. Et l'auteure zurichoise (1827-1901) aurait également «complètement disparu derrière son personnage». On ignore par exemple en grande partie que Johanna Spyri a écrit 48 autres histoires en plus de «Heidi».

C'est à cause d'elle-même. C'était une femme réservée, qui a fait disparaître une grande partie de sa correspondance, comme on peut le lire dans le dossier de presse du film et le voir dans le film. Mais Anita Hugi a pu retrouver quelques lettres qu'elle fait lire par l'actrice Marthe Keller dans «Le cauchemar de Heidi». Ces écrits révèlent par exemple que Johanna Spyri n'adhérait pas à l'idée qu'une biographie soit publiée sur elle.

Mais Anita Hugi pense aussi qu'on n'a jamais voulu en savoir plus sur la femme derrière Heidi. Petra Volpe, qui a écrit le scénario du film de 2015 et qui apparaît dans «Alptraum Heidi», a déjà eu du mal à trouver quelque chose sur elle.

Ce n'est pas la première fois qu'Anita Hugi rend visible des femmes marquantes dans un film. En 2012, elle a lancé la série «Cherchez la femme» consacrée à des artistes comme Meret Oppenheim ou Sophie Taeuber-Arp. Comme directrice des Journées de Soleure, elle a lancé un programme pluriannuel d'histoire du cinéma consacré aux pionnières du cinéma suisse et le projet «Her Story Box», qui mettait l'accent sur le travail des pionnières du cinéma.

Ne pas se laisser déconcerter

En regardant le film et en parlant avec Anita Hugi, on a immédiatement envie de sortir les vieux livres «Heidi» de l'étagère. «Beaucoup l'ont fait pendant la pandémie», sait la réalisatrice. Et peut-être l'œuvre de Johanna Spyri sera-t-elle explorée plus avant grâce au «Cauchemar de Heidi».

L'important est de ne pas se laisser déconcerter par le langage un peu «vieillot» vu d'aujourd'hui. Selon Hugi, les histoires offrent beaucoup d'espace pour une narration libre. «Johanna Spyri avait une manière incroyablement passionnante et aussi moderne de penser et d'écrire». En outre, elle avait une grande compréhension de la dramaturgie, selon Hugi. «Elle aurait été une grande scénariste».

Le fait que la publication du «Cauchemar de Heidi» ait lieu presque en même temps que celle de la comédie d'horreur «Mad Heidi» est «une heureuse coïncidence». Cela montre la force de l'histoire, le mythe et une fois de plus à quel point le personnage de Heidi est encore présent aujourd'hui. Mais dans le film de Hugi, Heidi n'est finalement que le chemin qui doit mener à Johanna Spyri. La réalisatrice est convaincue qu'il existe désormais un intérêt public et «peut-être même une pression politique» pour des histoires sur le grand travail de femmes invisibles.

La première télévisée de «Le cauchemar de Heidi» a été diffusée le 27 novembre dans les «Sternstunden» de la TV alémanique SRF ainsi qu'en ligne sur srf.ch/kultur, accompagnée d'un point fort thématique sur Heidi. Au printemps 2023, le film sera diffusé sur Arte.

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