De passage au Festival international de Locarno pour présenter son film «Manga D'Terra», le réalisateur lausannois Basil Da Cunha répond aux questions de blue News.
Basil Da Cunha: "Je voulais donner la parole aux femmes"
Le réalisateur morgien Basil Da Cunha présente son film "Manga D'Terra" au Festival de Locarno.
05.08.2023
«Ce film est né d'une frustration», confie Basil Da Cunha d'emblée. Voilà 15 ans que réalisateur morgien, d'origine suisse et portugaise, tourne dans les quartiers de Lisbonne où vit la communauté cap-verdienne. «Jusqu'ici, j'avais surtout filmé les garçons. Mais je voulais aussi donner la parole aux femmes. Ce film est un peu le hors-champ des précédents», explique-t-il.
blue News a vu le film pour vous
1©AKKA Films Basil Da Cunha
«Manga D'Terra» raconte l'histoire de Rosa, dite Rosinha, une jeune Cap-verdienne qui laisse ses enfants au pays et part tenter sa chance à Lisbonne afin de leur offrir une vie meilleure. Mais dans les ghettos de la capitale portugaise, la vie est loin d'être facile pour la jeune femme. Toutefois, elle trouve du réconfort auprès des femmes de la communauté, tout en s'accrochant à son rêve: chanter.
En outre, l'envie de faire un musical lui trottait dans la tête depuis longtemps. Ainsi, utilisant un budget alloué pour un court-métrage, Basil Da Cunha et son équipe ont réalisé le long-métrage «Manga D'Terra».
Et si la réalité de ces quartiers est décrite avec justesse, dans une recherche de vérité, la volonté était d'y amener de la comédie et de la poésie, «parce que c'est la force de ces femmes que l'on raconte et leur puissance de résilience», relève Basil Da Cunha. L'exploitation des lumières et des couleurs amène également une dimension onirique au récit.
«On raconte rarement les mauvaises expériences d'immigration»
L'histoire de Rosinha se veut représentative de celles que vivent beaucoup de Cap-verdiennes qui viennent tenter leur chance à Lisbonne. «On raconte plutôt ses réussites que ses échecs, les mauvaises expériences d'immigration sont rarement racontées», note le réalisateur.
Pour autant, l'héroïne du film a de la chance dans ses galères, trouvant toujours du soutien auprès des habitantes du quartier.
Un point que Basil Da Cunha avait à coeur de mettre en évidence: «Si tu remarques, la principale menace vient de l'extérieur: c'est la police. On en parle en filigrane. Dans le quartier, même s'il est dur, il y a tout un système de solidarité qui s'active. Je voulais absolument montrer ceci, car là-bas, si tu tombes, il y aura toujours quelqu'un pour te relever. Si tu as faim, il y aura toujours quelqu'un pour te donner à manger. C'est un quartier où il y a des difficultés, mais il n'y a pas de misère.»
Un travail d'équipe
Basil Da Cunha considère la réalisation d'un film comme un véritable travail d'équipe, sans rapport de force et sans hiérarchie. «Par contre, à un moment, quelqu'un doit faire des choix. Et c'est ça mon travail», sourit le réalisateur.
Une équipe qui a naturellement eu son mot à dire quant à l'apparition de Basil Da Cunha -qui n'est pas sans rappeler une habitude d'Alfred Hitchcock- dans la scène finale du film: «On en a discuté tous ensemble et c'était important que je sois là, pour plein de raisons qui nous appartiennent, par rapport à l'histoire du tournage. J'ai quand même dû mettre un petit plan de coupe, car je n'étais pas content de ma gestuelle. Je ne suis définitivement pas fait pour être acteur», raconte-t-il.
En tant que réalisateur, par contre, chapeau bas à Basil Da Cunha!