LausanneDébuts modestes et parrain prestigieux : la Cinémathèque a 75 ans
ll, ats
3.11.2023 - 10:15
Le 3 novembre 1948, des bénévoles passionnés de ciné-club fondent l'association Cinémathèque suisse à Lausanne. Retour sur l'histoire d'une institution qui a connu des débuts modestes, sans employés, avant de rejoindre l'excellence.
Keystone-SDA, ll, ats
03.11.2023, 10:15
03.11.2023, 10:19
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L'aventure débute par un sauvetage: celui des archives suisses du film, nées à Bâle cinq ans plus tôt et désormais privées de subvention. A Lausanne, des membres du dynamique ciné-club local créent l'association Cinémathèque suisse et font venir les films.
«Il fallait trouver un endroit en mesure d'accueillir entre 1600 et 2000 bobines, ce n'est pas rien», raconte à Keystone-ATS Frédéric Maire, directeur depuis près de 15 ans de la Cinémathèque suisse. La Ville de Lausanne met à disposition différents locaux pour abriter cette collection qui arrive début 1949 dans deux camions.
Freddy Buache, la figure historique et emblématique de la Cinémathèque, fait partie de l'aventure dès le début, même s'il n'est pas formellement signataire de l'association. Il prend les rênes de l'institution en 1951, après Claude Emery.
Les anecdotes de von Stroheim
La Cinémathèque suisse est officiellement inaugurée en 1950, avec un prestigieux parrain, Erich von Stroheim, cinéaste star du muet, puis acteur notamment dans «La Grande Illusion» de Jean Renoir. Son film «Les Rapaces» est alors projeté au Palais de Rumine.
«Freddy Buache racontait qu'ils ne disposaient que d'un seul projecteur 35 mm et avaient neuf ou dix bobines à montrer. Il fallait arrêter le film toutes les vingt minutes et von Stroheim en profitait pour raconter des anecdotes. Une séance mémorable».
Pas de salaires et nomadisme
Jusqu'en 1963, personne ne touche de salaire, ajoute Frédéric Maire. «Freddy Buache travaille alors gracieusement. Il se finance par son travail de journaliste», précise-t-il. Pendant de nombreuses années, l'institution est nomade, et change de locaux. Le premier lieu de projection fixe est l'aula du collège de Béthusy. En 1981, la Cinémathèque s'installe dans l'aile est du Casino de Montbenon, et projette ses films au Cinématographe et à la salle Paderewski.
Au fil des ans, ce haut-lieu du 7e art a entretenu des liens privilégiés avec des réalisateurs de premier plan, comme Milos Forman, Theo Angelopoulos, Claude Autant-Lara – qui y a déposé ses archives – , Bertrand Tavernier, Claude Chabrol et Jean-Luc Godard. Sans oublier Luis Buñuel, ami de Freddy Buache qui y venait régulièrement.
Des archives à la pointe
Le centre d'archivage de Penthaz (VD) ouvre en 1992, et réunit ce qui était jusqu'ici dispersé en dix endroits différents. Mais les locaux sont vite saturés et il faut attendre 2019 pour inaugurer une extension, qui englobe la problématique du numérique.
En 75 ans d'existence, la Cinémathèque a connu quatre directeurs: Claude Emery, Freddy Buache, Hervé Dumont et Frédéric Maire. Elle est passée d'un seul collaborateur à près d'une centaine. Ses espaces de travail et d'archivage sont à la pointe du progrès pour traiter plus de 10 millions d'objets et l'institution est aujourd'hui reconnue comme l'une des plus performantes au monde.
Reconnaissance
«Ce qui me frappe, c'est son évolution permanente. Depuis l'ère des pionniers, elle s'est transformée, professionnalisée et officialisée», constate son directeur actuel, Frédéric Maire. «L'institution que Freddy Buache a longtemps portée sur ses épaules peut exister de façon légitime et reconnue».
La Cinémathèque suisse aura bientôt une nouvelle vitrine: la Maison du cinéma, qui ouvrira en février dans l'ancien cinéma Capitole qui est en cours de restauration. Pour marquer ses 75 ans, l'institution organise une soirée spéciale le 9 novembre au casino de Montbenon, en présence des autorités. Le premier film acquis par l'institution en 1948 y sera projeté: «Vampyr» de Carl Theodor Dreyer.