La comédie «Inestimable», de et avec Eric Fraticelli, sort ce mercredi 1er novembre dans les salles obscures. Pour blue News, le réalisateur nous raconte comment est née l'idée de ce film qui s'inspire de faits réels et où il partage l'affiche avec Didier Bourdon et Philippe Corti. Rencontre.
Eric Fraticelli: "J'avais en moi comme un challenge pour tenir ma parole"
Le réalisateur du film "Inestimable" évoque la genèse du projet.
30.10.2023
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Franche rigolade au pur ADN corse
Pan Distribution
Inspiré de l'histoire vraie de la découverte du trésor de Lava en 1985, «Inestimable» raconte comment trois amis désargentés vont faire fortune du jour au lendemain grâce à des pièces d'or et autres joyaux anciens découverts par hasard. Sauront-ils rester discrets sur l'île de beauté, où tout finit par se savoir? Comment vont-ils gérer leur inestimable trésor... et d'ailleurs, celui-ci leur appartient-il vraiment? À découvrir dans cette comédie savoureuse au pur ADN corse, réunissant le désopilant trio: Eric Fraticelli, Didier Bourdon et Philippe Corti.
Au cinéma, c'est dans «L'Enquête corse», en 2004, que l'on a découvert Eric Fraticelli. L'humoriste et comédien a joué dans de nombreux films depuis et s'est aussi distingué dans la série «Mafiosa». Après «Permis de construire» et «Le Clan», «Inestimable» est son troisième film en tant que réalisateur.
Eric Fraticelli, «Inestimable» est basé sur des faits réels: la véritable découverte d'un trésor par trois amis. Est-ce que vous vous souvenez du jour où on vous en a parlé pour la première fois?
Je n'en ai pas entendu parler quand c'est arrivé, moi j'ai appris cette histoire quand on m'a présenté une des personnes qui a découvert le trésor, c'était en 2004. En allant à la pêche aux oursins, donc vraiment au bord de l'eau, ils ont trouvé quelques pièces dans un premier temps, puis après il s'est avéré qu'ils en ont trouvé beaucoup plus. C'était un trésor incroyable: je crois que c'était le plus gros trésor romain trouvé en Méditerrannée.
Comme toujours avec les films inspirés d'histoire vraies, on se demande quelle est la proportion de réel et d'imaginaire...
Tout à fait. Et évidemment, je ne vous répondrai pas (rires). Il y a des choses vraies, il y a des fictions et certains éléments sont un mélange des deux. Il y a parfois des nécessités cinématographiques, car on voit les lacunes de la réalité: c'est là que la fiction intervient. Ce n'est pas pour noyer la vérité dans un nuage de mensonges ou quoi que ce soit, c'est parce qu'on en a besoin.
Vous avez écrit ce film dans votre garage. L'écriture, c'est un travail de fourmi?
C'est un travail de fourmi, mais que j'adore, car je suis plus fourmi que cigale. Et puis ça me permet en plus de rester chez moi à Bastia, où je vis avec ma femme et mes filles. C'est pour ça que j'adore les périodes d'écriture.
Ca vous a pris longtemps?
Pas tant que ça, car c'est une histoire que je connais tellement... En plus, j'écris beaucoup, je travaille dix à douze heures par jour. On va dire environ deux mois pour avoir la première version dialoguée.
«On ne peut pas trop tricher là-dessus, c'est un peu moi ce film. Il correspond à mon esprit, à mon coeur, à ma façon de voir la vie», déclare Eric Fraticelli.
Eric Fraticelli, Didier Bourdon et Philippe Corti forment un trio à la fois tendre et désopilant dans le film.
«On ne peut pas trop tricher là-dessus, c'est un peu moi ce film. Il correspond à mon esprit, à mon coeur, à ma façon de voir la vie», déclare Eric Fraticelli.
Eric Fraticelli, Didier Bourdon et Philippe Corti forment un trio à la fois tendre et désopilant dans le film.
Vous avez déjà beaucoup travaillé avec Philippe Corti et Didier Bourdon. Et on retrouve dans «Inestimable» la plupart des acteurs de votre précédent film, «Le Clan». Faire un film, pour vous, c'est l'occasion de réunir les copains?
Oui, parce que je trouve que c'est un métier d'envie et de partage. Si l'on joue une scène avec des gens qu'on aime bien dans la vie, cela se ressent sur le plateau. Quand on doit jouer de l'amitié ou de la camaraderie, bien sûr. Si l'on doit jouer des ennemis, autant prendre quelqu'un qu'on n'aime pas, alors. Cela ne m'est pas arrivé dans mes films, mais j'ai été confronté à cette situation. Cela dit, comme on devait jouer des gens qui ne s'appréciaient pas, ça a très bien fonctionné.
À l'inverse, quant on est trop copains, est-ce qu'il n'y a pas un risque d'oublier le travail?
Bien sûr, mais à ce moment-là, je ne sais pas ce qui se passe en moi, ma casquette de réalisateur devient beaucoup plus lourde que celle d'ami. Même dans ce film, il y a plusieurs scènes avec ma propre fille, qui joue ma fille dans l'histoire. Mais là, il n'y a plus que la personne qui donne des directives, je mets de côté les liens de parenté ou de camaraderie. Sinon ça ne marche pas.
Revenons sur votre trio dans le film avec Didier Bourdon et Philippe Corti, c'est un peu les Pieds Nickelés, cette équipe...
Oui, ce sont des gens ordinaires, dans le bon sens du terme, avec des défauts, ils sont très humains. Avant de trouver le trésor, ils sont tous dans une situation financière difficile. Ce ne sont pas des malins, ce ne sont pas des rusés, ce sont simplement des gens «normaux». Au début on pense que leur découverte va régler tous leurs problèmes, mais ça n'est pas si simple...
Il y a parfois un côté un peu caricatural... le fait de caricaturer la Corse, si vous n'étiez pas corse, vous pensez que ça passerait?
L'autodérision fonctionne toujours mieux que la moquerie. Quand on se moque gentiment de soi, c'est toujours plus facile. C'est comme si un Suisse fait de l'autodérision sur les Suisses, ce sera mieux perçu que si quelqu'un arrive de l'extérieur pour le faire. L'humour un peu acide qui est là pour piquer, peu importe qui le pratique, ça passe mal. Je pense que rire et sourire, c'est quelque chose de positif, aussi, il ne faut pas que ce soit au service du négatif.
Certaines scènes sont hilarantes, comme celle des tenues de plongée par exemple, quelle est l'ambiance sur le tournage quand on tourne des scènes comme celle-là?
L'ambiance est très décontractée, mais de mon côté, j'ai énormément de boulot à faire, donc je n'ai pas trop le temps de me disperser. Mes camarades s'amusent et rigolent, mais quand je leur dis: «il faut y aller, on arrête les bêtises», tout le monde rendre dans l'ordre. C'est décontracté mais assidu, on va dire.
Il y a des relations qui sont très tendres dans le film, par exemple celle avec votre fille, mais aussi celle de Félix avec sa maman: vous êtes un tendre, au fond, Eric Fraticelli?
Oui, bien sûr. C'est vrai, on ne peut pas trop tricher là-dessus: c'est un peu moi ce film. Il correspond à mon esprit, à mon coeur, à ma façon de voir la vie. Et pas seulement. Chez nous en Corse, on est très bienveillants avec nos parents quand ils sont âgés et protecteurs avec nos enfants. Ca ressemble aussi à la manière de vivre que l'on a chez nous.
J'allais le dire: l'ADN de la Corse transpire dans ce film, vous ne pouvez pas faire autrement?
Si, si, je l'ai déjà fait d'ailleurs. Mais l'histoire s'est passée en Corse, je ne vois pas pourquoi je l'aurais séparée de l'ADN corse. Et puis ça ressemble aussi aux comédies italiennes où les personnages et le côté humain sont au coeur des histoires. Il faut reconnaître que la culture corse est teintée à 80% de culture italienne, nous avons été italiens pendant des siècles. Ca se ressent.
Tout le monde a déjà rêvé une fois dans sa vie de trouver un trésor, mais quand ça arrive, qu'est-ce qu'on en fait? La question se pose dans le film...
Elle se pose, surtout que, si vous trouvez ça dans les eaux internationales, ça vous appartient. Si vous le trouvez dans les eaux territoriales, par exemple au bord de l'eau jusqu'à une centaine de mètres dans les terres, là ça appartient à l'Etat et vous n'avez rien. Mais rien! Je pense que c'est un peu exagéré de la part de l'Etat, il pourrait au moins en donner une petite part. C'est quand même triste. Donc ça pousse les gens qui découvrent un trésor à se dire: «Qu'est-ce que je fais? Je le déclare ou pas?» Du coup, ces gens-là n'ont pas déclaré évidemment et ont vendu des pièces de manière occulte. Ils n'avaient pas le droit, c'est vrai, mais on peut les comprendre. Ils ont gagné de l'argent comme ça, mais après se sont fait attraper. Ceci dit, ça reste compréhensible.
Vous avez étudié la philosophie. Alors à votre avis, l'argent fait-il le bonheur?
Je pense que l'argent est un outil qui peut nous aider pour la santé, pour le bonheur, ou pour réaliser un rêve. Mais ça doit rester un outil. Actuellement, la société a tellement transformé les choses que nous sommes devenus l'outil de l'argent. Et c'est dangereux, c'est un outil avec lequel on peut se couper.
Vous avez fait ce film pour gagner de l'argent, ou pour gagner autre chose?
Non, si j'avais voulu faire de l'argent j'aurais trouvé le moyen d'en faire. Mais ça ne me motive pas plus que ça. Evidemment, je suis comme tout le monde, si j'en ai, ça va me servir à plein de choses, mais ça se transforme toujours en moments de vie. Quand j'ai rencontré Félix Biancamaria (ndrl: l'un des découvreurs du trésor), qui est devenu un ami depuis, très vite je lui ai dit: «si tu me fais confiance, je veux en faire un film un jour.» Je n'étais pas encore réalisateur, je ne savais pas ni quand, ni comment, ni avec qui cela allait se faire, mais il m'a fait confiance. J'avais en moi comme un challenge pour tenir ma parole. J'ai mis certes 19 ans, mais c'est un peu mon trésor que d'avoir pu porter à l'écran un bout de vie de Félix, parce que c'est quelqu'un que j'aime beaucoup.
Vous avez un côté hyperactif: déjà sur un autre projet?
Ecoutez, normalement je devais commencer un tournage le 6 novembre, parallèlement à la promotion d'«Inestimable», mais il y a eu un petit décalage par rapport au financement tardif d'une des chaînes, ce qui va peut-être nous forcer à attendre janvier. Ca me laisse dans l'angoisse de passer novembre et décembre à ne rien faire. Alors je vais rentrer à Bastia et je vais écrire.
Vous ne voulez pas «rater le train»?
C'est une espèce de dynamique qui est en marche et j'ai mis tant d'années à l'atteindre que je me dis qu'elle ne va pas durer longtemps, c'est comme une vague. Et allez, quand cette vague me fera échouer sur le sable, alors je m'allongerai tranquille au soleil et là je prendrai mon temps.