Musique Le DJ Laurent Garnier, une vie supersonique

AFP

29.10.2021 - 09:02

Quentin Tarantino, Donna Summer, la Légion d'honneur et des mafieux en Chine: c'est parti pour le grand huit quand Laurent Garnier, monstre sacré de l'électro, se raconte pour l'AFP à l'occasion d'un film-documentaire sur son parcours. 

AFP

«Laurent Garnier, c'est le DJ qu'écoutent les DJs»: c'est Jeff Mills, monument de la techno, qui le dit dans «Laurent Garnier, Off the record», film-documentaire énergisant. L'œuvre sera en tournée dans certains cinémas à partir du 1er novembre, en présence de l'artiste et du réalisateur Gabin Rivoire (dates sur https://laurent-garnier-off-the-record.lefilm.co/).

Compositeur et producteur éclectique, Garnier est surtout connu pour sa carrière de DJ entamée dans les années 1980 à l'Haçienda, club mythique de Manchester, avant de faire le tour du globe en star des platines. Ce bon vivant rencontré au Rex Club à Paris, sa deuxième maison, où il démarra comme DJ la nuit pendant son service militaire, raconte dans un rire communicatif les anecdotes amassées au fil de ses périples. 

Comme quand il a mixé pour la première fois en Chine. "Je me suis retrouvé à travailler avec des mecs méga-mafieux là-bas, mais ça tu ne le sais pas avant de partir». 

«Boule à facettes»

«Avec mon pote Fred qui m'accompagne, on s'aperçoit qu'on n'a pas passé la douane avec tous nos disques à l'aéroport mais le type à gros cigare et visage entièrement balafré venu nous chercher nous dit +ce n'est pas un problème+». «Là, on s'est dit, c'est +dodgy dodgy+ (louche en anglais)», poursuit Garnier, qui découvre ensuite que l'organisateur de la soirée a des salons de coiffure pour diluer des rentrées d'argent moins identifiables...  

À l'issue de cette soirée, on conduit Garnier et son acolyte dans une autre boîte voisine, où ils tombent sur Quentin Tarantino «mort bourrache» (ivre). «Il nous dit +c'est dommage que vous ayez un show demain, je tourne un film et j'ai besoin de figurants, c'est avec Uma Thurman, ça parle de karaté+, et évidemment on n'a pas encore entendu parler de +Kill Bill+». «Mon pote Fred, déchiré, lui dit +ah bon, t'aimes bien le karaté, je vais t'en montrer moi+ et il le jette par terre ! On a fini en se roulant tous les trois par terre avec Tarantino en se marrant». 

Mais comment tout cela a-t-il commencé ? Le son et l'image sont restés. Enfant, il est dans la voiture de ses parents qui viennent de déposer son frère aîné devant une boîte de nuit. De là, il entend le tube disco «I Feel Love» de Donna Summer et entraperçoit la piste de danse encore déserte sur laquelle se reflète la boule à facettes. «Ce rêve de faire danser les gens, que j'ai depuis gamin, est associé à cette image de cette boule à facettes, ses rayons qui tapent par terre, c'est très extatique».

«Batailles»

Garnier pourrait raconter, hilare, ses souvenirs savoureux pendant des heures. Mais le quinquagénaire sait aussi se faire avocat et ambassadeur d'une électro souvent décriée ou snobée. Lui même en a fait encore récemment l'expérience. Impliqué dans un projet éducatif en milieu scolaire, il y a travaillé avec les profs d'arts plastiques ou d'anglais. «Mais la prof de musique n'a pas voulu, elle a dit +la techno ce n'est pas de la musique, la musique c'est le classique+. C'est un truc de ouf !», souffle-t-il. 

«C'est drôle, le film était fini avant le confinement et on se disait +on a quasiment gagné toutes nos batailles pour l'électro+, mais le confinement est arrivé et les clubs ont disparu du vocabulaire des politiques», déroule-t-il. «On m'avait remis la Légion d'honneur, mais quand tu vois ça, que les clubs sont oubliés, est-ce que tu la jettes ? Ou est-ce que tu l'utilises ?». Il a choisi la deuxième option et a mis en avant cette décoration dans une lettre ouverte appelant à soutenir le monde musical de la nuit (clubs, DJs, etc) pendant les confinements. Et de conclure: «Il y a encore beaucoup de batailles à mener».