«L'Arche de Noé» au cinéma Valérie Lemercier: «Je me suis sentie comme une mère poule»

Valérie Passello

28.11.2023

«L'Arche de Noé» sort dans les salles ce mercredi 29 novembre. Une histoire inclassable mêlant drame et comédie, où Valérie Lemercier évolue dans un registre assez éloigné de ses rôles les plus connus. Une occasion pour blue News de rencontrer l'équipe du film: Valérie Lemercier, Finnegan Oldfield et le réalisateur Bryan Marciano.

Valérie Lemercier:

Valérie Lemercier: "Je me suis sentie comme une mère poule"

Extrait de l'interview de Valérie Lemercier à l'occasion de la sortie du film "L'Arche de Noé".

23.11.2023

Valérie Passello


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Trois questions à Valérie Lemercier

Comment avez-vous travaillé votre personnage de Noëlle dans le film?

Je ne voyais pas du tout qui c'était, donc Bryan m'a emmenée avec lui dans une réunion où j'ai vu une femme qui a un gros job et qui passe 30% de son temps à s'occuper des jeunes qui sont chassés, comme ça. C'est quelqu'un qui n'est pas du tout dans la séduction, pas du tout coquette, qui avance, qui n'a pas le temps d'enlever son manteau, de fumer, qui a toujours sa cape, son gros sac, qui n'a pas le temps, qui est toujours en action... quelqu'un qui avance pour ne pas tomber, je pense.

Des vies brisées, six mois pour s'en sortir
Affiche du film
Pathé films

«L'Arche de Noé» plonge dans le quotidien d'une association qui accueille des jeunes LGBTIQ+ rejetés par leur famille. Durant leur séjour de six mois, tous doivent monter un projet professionnel pour, idéalement, devenir autonomes et tâcher de s'offrir un avenir plus serein. Ce lieu haut en couleurs est géré par la dynamique Noëlle, incarnée par Valérie Lemercier. Et un travailleur d'intérêt général, Alex (Finnegan Oldfield), se retrouve  catapulté dans le tumulte ambiant. Violente mais aussi drôle, cette fiction basée sur des témoignages réels est un véritable tsunami de vie qui emporte le spectateur, le secoue, le fait sourire et réfléchir, tout à la fois.

Quelle a été votre émotion lorsque vous avez rencontré des jeunes en foyer, avant le tournage?

J'ai d'abord mesuré la violence de l'éjection de chez eux. Mais aussi la solidarité. J'ai vu aussi, et ça c'était assez émouvant, des jeunes qui s'en sont sortis et qui ont commencé à aider les autres. C'est souvent des gens qui sont sensibilisés à ce sujet, parce qu'ils ont été eux-mêmes rejetés plus ou moins violemment. 

Comment travaille-t-on avec de jeunes acteurs qui ne sont pas forcément expérimentés?

C'est génial, parce que s'il vous prend des envies d'être une vedette... ils passent des coups de fil pendant les prises! (rires)

En effet, le réalisateur Bryan Marciano a fait des castings sauvages: la moitié des acteurs ont été trouvés dans la rue. Et il y en a certains dont la situation était très précaire aussi. Un jour, j'ai entendu une fille dire: «Je ne peux pas tourner demain car je n'ai pas de douche pour me laver». Evidemment elle a fini par pouvoir tourner, mais... on est tous dans le même bateau, on s'adapte très vite.

On était très en vase clos et un jour ont était tous au supermarché. Les gens nous regardaient très bizarrement et là je me suis sentie comme une mère poule: «Ne touchez pas à mes ouailles»!

Bryan Marciano:

Bryan Marciano: "J'ai vu avant tout des jeunes"

Extrait de l'interview de Bryan Marciano, réalisateur du film "L'Arche de Noé".

23.11.2023

Trois questions à Bryan Marciano, réalisateur

Bryan Marciano, pour votre premier long-métrage, vous optez directement pour un sujet délicat, voire sensible, vous n'avez peur de rien?

Ha je n'ai pas du tout pensé comme ça. Heureusement d'ailleurs, parce que sinon j'aurais eu peur. Non, ce que j'ai fait, c'était le fruit pour moi d'un an de rencontres à travers toute la France de jeunes LGBT qui ont été mis à la rue par leur famille. Je suis allé dans des structures qui les aident et donc j'ai aussi eu des témoignages de travailleurs sociaux, de bénévoles, enfin de tout ce microcosme. Moi ce que j'ai vu, ce sont des gens qui ont inspiré des personnages pour faire un film de fiction, car ce n'est pas un documentaire. 

Je parle de sujet sensible, car on voit beaucoup actuellement la communauté LGBTIQ+, qui revendique son droit à l'existence, tout simplement. Pourtant, en regardant le film, on découvre des gens comme vous et moi...

C'est ça qui m'a ému et qui donné cette urgence de faire le film: j'ai vu avant tout des jeunes. C'est sûr qu'ils sont à un moment de leur vie où ils sont dans une précarité extrême qui prend le dessus sur tout, où il n'y a que ça qui compte. Evidemment que se battre pour ses droit est important, évidemment que la singularité de chacun est importante et qu'il ne s'agit pas de la gommer. Mais ce qui était aussi bouleversant, c'est que ce qui reste, c'est des jeunes, quoi. C'était assez frais, parce qu'il n'y avait pas de revendication - non que ce ne soit une mauvaise chose - mais je trouvais ça étonnant, en fait. Ils sont là et la revendication c'est de vivre tranquilles. Forcément, parce qu'ils ont été très violentés et ils veulent juste qu'on leur foute la paix.

Tout le monde évolue dans le film, est-ce que vous pensez que les spectateurs vont évoluer eux aussi en le voyant?

Je ne peux pas prétendre faire un état des lieux de l'ouverture d'esprit du public aujourd'hui. Je ne sais pas. Moi ce que je trouve très joyeux, c'est de recevoir des témoignages de gens qui viennent nous voir et qui nous disent que c'est juste, quoi. Ou alors de gens qui ne connaissaient rien à ça, qui découvrent et qui sont touchés. Peut-être parce qu'il y a de la comédie dans le film, il y a de la vie et on ne parle pas que de la communauté LGBT aussi. Peut-être que ça aide à ouvrir et que ça crée des ponts... super! Ce n'était pas l'objectif, mais si ça crée quelque chose comme ça, c'est formidable.

Finnegan Oldfield:

Finnegan Oldfield: "Une aventure humaine de dingue"

Extrait de l'interview de Finnegan Oldfield à l'occasion de la sortie du film "L'Arche de Noé".

23.11.2023

Trois questions à Finnegan Oldfield

Vous incarnez Alex, dans "L'Arche de Noé", alors lui en fait, il n'a pas du tout envie d'être là....

Effectivement, il n'a pas envie d'être là, mais on comprend assez vite qu'il n'a pas non plus trop d'autre endroit où aller. Dans cette association, il va trouver des responsabilités, des choses à faire, des occupations... le personnage de Noëlle incarné par Valérie Lemercier va lui offrir tout ça, en tout cas. Mais lui il est très inconséquent au début. Ce n'est pas le cliché du jeune un peu rebelle, homophobe... non, c'est juste un gars paumé, qui arrive dans cette association et qui va se prendre d'affection pour ce qu'il va y trouver.

Il y a un truc intéressant dans ce film, c'est: «qui sauve qui?», au final. Il y en a qui sont plus performants que d'autres parmi les gens de l'association, mais c'est une lourde responsabilité de s'occuper de tous ces jeunes d'un seul coup. Lui, il arrive pour faire des travaux d'intérêt général, parce qu'il a fait des conneries. Il y a un peu un truc de famille qui s'installe, mais il y a aussi un côté piégeux là-dedans.

Comment s'est passée votre collaboration?

C'était pour l'argent. (rires) Non, ça s'est très bien passé. Honnêtement moi je suis arrivé un peu tard sur le projet. Bryan avait déjà constitué son équipe de jeunes de l'association. Et moi j'étais très content d'arriver un peu à la dernière minute, comme un outsider. Ca s'approchait de ce que j'avais à jouer d'ailleurs. Je me souviens de la première lecture où j'ai ouvert la porte et qu'ils connaissaient tous leur texte, qu'ils étaient tous ensemble.

Il y a un côté intimidant à arriver dans un groupe où tout le monde se connaît bien et où parfois les gens ne sont pas toujours tendres entre eux. On se dit: «Quand est-ce que ça va être mon tour?». Sincèrement, pendant le tournage, je me suis fait plein de potes et c'était cool. Et quand on a fait la scène du repas de Noël à la fin, j'étais vraiment dans ce repas de Noël.

Qu'est-ce que vous garderez de ce film?

Chaque tournage est assez intense et assez une aventure, mais ça c'était vraiment exceptionnel. À un moment, voir des jeunes avec des costumes d'ours, de lions, de girafes, par 60°C sous un chapiteau en pleine canicule, continuer à le faire avec la même volonté, la même envie... vraiment pour le coup c'était l'arche de Noé. J'assistais à ça et je me disais: «c'est le déluge, c'est incroyable ce qui se passe», tout le monde était hyper enthousiaste. Non franchement, vraiment une aventure humaine de dingue. Et beaucoup d'eau... à boire.