France voisine Année noire pour l'apiculture en Alsace comme partout en France

ATS

26.10.2021 - 11:47

Les abeilles ont produit peu de miel cette année en France (archives).
Les abeilles ont produit peu de miel cette année en France (archives).
ATS

Il produisait 700 kg de miel par an, cette année ce ne seront plus que 50 kilos: pour Charles Huck, apiculteur en Alsace la filière doit se réinventer pour survivre au «défi» du changement climatique.

26.10.2021 - 11:47

«On est à la fin d'une forme d'apiculture», souligne cet homme de 72 ans, du haut de son demi-siècle d'expérience. Ses ruches, une cinquantaine, sont nichées sur les hauteurs de Mutzig (Bas-Rhin), commune des contreforts des Vosges, à l'ouest de Strasbourg. Arbres fruitiers, acacias et fleurs y constituent l'ordinaire de ses abeilles.

D'habitude, sa production annuelle de miel tourne autour de «700 kilos», qu'il vend sur les marchés locaux. Mais cette année, «je suis descendu à 50 kilos».

Une chute vertigineuse qui n'a épargné aucun apiculteur français. Selon les chiffres publiés la semaine dernière par l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf), la récolte de miel nationale oscillera entre 7000 et 9000 tonnes cette année, contre 18'000 à 20'000 tonnes l'an passé.

En cet après-midi ensoleillé de la fin octobre, point de bourdonnements autour des ruches de Charles Huck: le mercure, qui peine à dépasser les 10°, n'incite pas les abeilles à sortir. «En dessous de 14°, elles restent à l'intérieur», glisse-t-il.

Cercle vicieux

«Une fois par an j'organise la transhumance des quinze à vingt ruches les plus productives pour qu'elles aient du châtaignier et du sapin des Vosges», explique-t-il.

Mais dans toute la France, le mauvais temps persistant au premier semestre et surtout l'épisode de gel du printemps ont grandement fragilisé les abeilles, se traduisant par une production de miel «catastrophique» sur l'ensemble du territoire, abonde Jean-Paul Charpin, président du syndicat d'apiculture de la Savoie.

Pour l'Unaf, 2021 est tout simplement la «pire année de l'apiculture» française. En cause, selon le syndicat apicole : «le bouleversement climatique ressenti par les apiculteurs depuis une bonne quinzaine d'années» et qui a douché au printemps et cet été les ardeurs des abeilles.

«Il y a eu en avril et mai une alternance de froid, de pluie et de gel. Les abeilles ont été cloîtrées pendant des périodes assez longues» sans pouvoir bénéficier des floraisons, explique Charles Huck.

«Elles n'ont pas pu non plus faire assez de réserves pour la reine» qui, faute de nourriture suffisante, «bloque sa ponte», fragilisant ainsi la ruche qui manque d'abeilles et entraînant à son tour des récoltes «très faibles», poursuit-il.

«Un véritable cercle vicieux» qui contraint l'apiculteur à redoubler de vigilance et de soins pour sauver son cheptel. Tâche ardue : dans le Grand Est, les «pertes hivernales» ont ainsi connu cette année une hausse «de 30% à 40% environ».

Maladies

Une situation pas vraiment nouvelle et dont les prémices ont été décelées «au début des années 90»: avant, «une ruche pouvait produire en moyenne 40 à 60 kilos de miel, aujourd'hui, si elle en donne 25 ou 30, on est déjà heureux...», explique l'apiculteur.

Moniteur apicole au Centre de formation professionnelle voisin d'Obernai, il dispense aussi ses conseils au sein du groupement de défense sanitaire apicole du Bas-Rhin.

Parmi les causes de cette érosion : «les maladies comme la varroase», les «pesticides» et «le manque de biodiversité», égrène M. Huck, qui constate que, «de Mutzig à Strasbourg, les champs n'ont plus de mauvaises herbes», signe de l'utilisation de produits phytosanitaires nocifs pour les abeilles et la biodiversité.

Des facteurs délétères auxquels se rajoute désormais le «changement climatique», avec «des saisons qui ne se déroulent plus normalement», avec des floraisons plus précoces et rapides, s'inquiète-t-il.

L'Unaf a alerté les pouvoirs publics sur la situation «catastrophique» des apiculteurs, afin que des aides soient débloquées pour «passer ce cap difficile».

Mais le mal est évidemment plus profond : «L'abeille ne peut presque plus survivre sans l'homme (...) On va vers moins de récolte de miel», estime M. Huck, qui appelle à «réinventer les méthodes» en développant «de bonnes pratiques, respectueuses des abeilles et de l'environnement». L'apiculture «a encore mille ans devant elle», veut-il croire. «A nous de relever le défi».

ATS