InflationClap de fin attendu pour les taux négatifs de la BNS
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19.9.2022 - 12:22
La Banque nationale suisse (BNS) devrait mettre un terme jeudi à plus de sept ans de taux négatifs, dans un contexte mondial de forte inflation et de resserrement des politiques monétaires. Mais de l'avis des experts, l'institut d'émission helvétique bénéficie d'une plus grande marge de manoeuvre que ses homologues et ne se trouve pas dans l'urgence d'agir.
19.09.2022, 12:22
ATS
La banque centrale helvétique avait introduit pour la première fois en décembre 2014 des taux négatifs, en abaissant la marge de fluctuation du Libor – son taux de référence d'alors – entre -0,75% et +0,25%. Quelques semaines plus tard, le 15 janvier 2015, ce dernier passait complètement en terrain négatif en étant abaissé entre -0,25% et -1,25%, après l'abolition du cours plancher face à l'euro.
Par cette mesure, la BNS voulait empêcher une appréciation trop importante du franc. Couplé à des achats massifs de devises, le taux directeur est depuis resté dans le négatif.
Mais les temps ont changé. D'une inflation anémique, voir négative, les prix se sont envolés suite au redémarrage en trombe de l'économie mondiale, aux goulets d'étranglement dans les chaînes de logistique internationales et la flambée des tarifs de l'énergie en raison de la guerre en Ukraine.
Mi-juin, l'institut d'émission dirigé par Thomas Jordan a effectué un premier pas en direction d'une normalisation de la politique monétaire en remontant son principal taux directeur d'un demi-point à -0,25%.
Le franc bouclier contre l'inflation
La BNS peut se permettre d'être plus timorée que ses grandes homologues étrangères, car la force du franc protège partiellement contre une accélération trop importante des prix grâce au pouvoir d'achat que confère la devise helvétique pour des achats à l'étranger. Un recul de 10% du cours euro-franc réduit en effet l'inflation en Suisse d'une demi-point de pourcentage, selon les estimations de Credit Suisse.
De fait, les prix à la consommation se sont établis en août à 3,5% sur un an dans la Confédération, à comparer au taux record de 9,1% le même mois dans la zone euro et de 8,3% aux Etats-Unis. Pour l'ensemble de l'année, la BNS table sur des prix en hausse moyenne de 2,8% et de 1,9% en 2023. Reste à voir si elle maintient ses prévisions ou les revoit à la hausse.
Pour la majorité des économistes, une nouveau resserrement de la politique monétaire par la BNS reste acquis. La décision de jeudi interviendra en effet après le vigoureux relèvement des taux de 0,75 point par la Banque centrale européenne (BCE) début septembre. Et la Réserve fédérale américaine (Fed) devrait suivre mercredi avec un relèvement de même ampleur, estiment les spécialistes de LBBW Research.
«Il est à craindre qu'il faudra plus de temps qu'escompté par les investisseurs pour ramener l'inflation à un niveau où les banquiers centraux pourront réfléchir à un relâchement de la politique monétaire», ont souligné les analystes de la banque allemande.
La Banque d'Angleterre, qui avait décalé d'une semaine son annonce en raison du deuil national observé au Royaume-Uni après le décès de la reine Elizabeth II, et son homologue du Japon dévoileront également jeudi leurs décisions sur les taux.
Spectre de la récession
Le taux directeur de la BNS, actuellement à -0,25%, devrait ainsi être relevé de 0,75 point de pourcentage à 0,50% lors de la réunion du 22 septembre et de 0,25 point supplémentaire en décembre, de sorte que ce taux culmine à 0,75% d'ici la fin de l'année, selon les projections de Credit Suisse. «Après, la BNS va marquer une pause, car l'inflation va reculer et l'économie ralentir», a estimé l'économiste en chef de la banque zurichoise Claude Maurer.
Les économistes d'UBS voient quant à eux la BNS remonter le taux directeur par étapes à 1,2% d'ici le printemps prochain et ensuite marquer une pause, car elle devrait avoir ostensiblement réduit les risques inflationnistes.
Mais ce resserrement n'est pas sans danger. «Après avoir émergé de leur sommeil profond, les banques centrales se surpassent en mesures», ont raillé les analystes de Raiffeisen. Et pour LBBW, «les intervenants craignent que les banques centrales aillent un pas trop loin avec leurs relèvements des taux, rendant une récession plus probable».
Le retour aux taux positifs en Suisse et l'acceptation par la BNS d'un franc beaucoup plus solide – ce dernier étant durablement passé début juillet sous la parité avec l'euro – va également avoir un impact sur les entreprises, prévient Thomas Stucki. Pour le directeur des investissement de la Banque cantonale de St-Gall, «les sociétés vont devoir se préparer à des vents contraires plus réguliers en raison d'un franc plus fort».