Les éditeurs alémaniques réclament une hausse massive de l'aide indirecte à la presse, de 30 à 120 millions de francs par année, afin de réduire les coûts de distribution des journaux. Ils s'opposent aussi fermement au subventionnement de nouveaux médias en ligne.
Malgré l'essor de la numérisation, "les médias imprimés restent la source la plus importante pour la formation de l'opinion dans notre Etat fédéral et le resteront encore dans un avenir prévisible", a souligné mercredi le président de la fédération des éditeurs alémaniques Schweizer Medien, Pietro Supino, à l'occasion de la traditionnelle rencontre des Rois à Zurich.
Or, la baisse des tirages augmente sensiblement les coûts de distribution par exemplaire de journal, ce qui menace la survie de certains titres. "Nous pouvions nous le permettre lorsque les choses allaient bien. Ce n'est plus possible aujourd'hui".
Celui qui est aussi président du conseil d'administration de Tamedia a ainsi demandé une extension de l'aide à l'ensemble des journaux (aujourd'hui, il y a une limite supérieure de 40'000 exemplaires pour qu'un titre soit éligible à l'aide). Ce soutien devrait aussi rendre possible la distribution des journaux tôt le matin. "Il faut agir de manière urgente. Il s'agit là de notre principal voeu pour 2019, et aussi le plus légitime, je pense", a-t-il déclaré.
Une pique à La Poste
Pietro Supino en a profité pour critiquer une nouvelle fois le manque de transparence des tarifs de la Poste dans ce domaine, reprochant au Géant jaune de transférer le financement de son mandat de service public sur le dos des éditeurs et en fin de compte sur les abonnés des journaux.
Le président des éditeurs a estimé que les milieux politiques étaient dans leur ensemble en faveur d'une hausse de cette aide indirecte pour la distribution. Invité à cette 20e édition de la "Rencontre des Rois", le conseiller national et président du PDC Gerhard Pfister a ainsi dit clairement "oui" à cette demande de la presse.
Distorsion de la concurrence
Pietro Supino est aussi revenu sur le projet de Loi sur les médias électroniques, qui a reçu un accueil très mitigé en procédure de consultation. Il a une nouvelle fois balayé toute idée de subventionnement au travers du produit de la redevance radio-tv de nouveaux médias gratuits en ligne, comme prévu par le texte.
"Cela entraînerait une distorsion massive, très directe, de la concurrence au détriment de l'offre en ligne des journaux, et menacerait leur survie à long terme", a lancé le président des éditeurs alémaniques.
Pietro Supino a aussi souligné qu'il n'y avait pas de pénurie en matière de médias en Suisse. Il a même estimé que l'offre de base n'a jamais été aussi riche, et que le journalisme d'investigation vivait même un "âge d'or".
"Plus de 80% de la population utilise les offres numériques de nos membres. (...) Quand il n'y a pas de manque, il n'y a pas non plus de nécessité d'une intervention de l'Etat pour des offres médiatiques financées par les pouvoirs publics".
Des raisons d'espérer
Commentant la situation actuelle de la presse, le président de éditeurs alémaniques a constaté que la pression continuait à s'accentuer sur le secteur, en raison du recul constant des recettes publicitaires, de la baisse des abonnements dans le print et de la difficulté à inciter les lecteurs à payer pour les offres en ligne.
En dépit de ce contexte difficile, Pietro Supino voit aussi des raisons d'espérer. Il estime ainsi que la branche a bien réagi et qu'elle s'est engagée résolument sur la voie de la révolution numérique. Le savoir-faire technologique s'est nettement approfondi dans les rédactions et les maisons d'édition, ce qui permet d'optimiser les offres numériques.
Les médias ont progressé dans la gestion personnalisée des données, ce qui améliorera la qualité des offres publicitaires, selon Pietro Supino. Il a mentionné dans ce contexte le lancement en septembre dernier d'un projet par les grands éditeurs privés et la SSR afin de mettre sur pied une plate-forme d'enregistrement commune (login) pour les utilisateurs en Suisse. But: contrer la concurrence des géants de l'Internet sur le marché publicitaire.
"Le modèle payant commence à prendre"
"La branche doit accomplir des progrès concrets ces prochains mois dans cette question", a insisté Pietro Supino, qui s'est dit convaincu qu'il y a une demande à long terme pour un journalisme de qualité et indépendant, et que le public est prêt à payer pour cela.
Le directeur général du groupe NZZ Felix Graf a abondé dans ce sens, jugeant que "le modèle payant commençait à prendre". Il a indiqué que son groupe avait enregistré une hausse de 3% des abonnés payants l'année dernière.
Présentant la stratégie de son groupe, Felix Graf a notamment souligné les coûts très importants occasionnés par la technologie aujourd'hui. Raison pour laquelle il a lui aussi salué la disponibilité des éditeurs à plancher sur une plate-forme de login commune.
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