Milliardaire à la fortune envolée, idole devenue paria, l'Américain Sam Bankman-Fried est jugé depuis mardi devant un tribunal fédéral new-yorkais, où il doit répondre d'accusations de fraude et de détournement.
Christian Everdell, l'un des avocats du fondateur de FTX Sam Bankman-Fried, le 3 octobre 2023 à New York
L'ancien patron de FTX, Sam Bankman-Fried, devant un tribunal de New York, le 26 juillet 2023
L'ex-star des cryptomonnaies Sam Bankman-Fried jugé pour fraude à New York - Gallery
Christian Everdell, l'un des avocats du fondateur de FTX Sam Bankman-Fried, le 3 octobre 2023 à New York
L'ancien patron de FTX, Sam Bankman-Fried, devant un tribunal de New York, le 26 juillet 2023
Le jeune trentenaire est entré dans la salle d'audience seul --sans être encadré par des agents de sécurité--, non menotté, puis est allé prendre place aux côtés de ses avocats, a constaté un journaliste de l'AFP.
Vêtu d'un costume gris et d'une cravate rayée, il portait une coupe de cheveux assez courte qui contrastait avec son habituelle abondante chevelure bouclée.
Le juge Lewis Kaplan s'est rapidement adressé à lui, l'informant que la décision de témoigner «appartenait à lui seul» et qu'il pourrait le faire à n'importe quel moment des débats.
La défense n'a pas indiqué à ce stade si l'accusé comptait témoigner à son procès. La sélection du jury a débuté en milieu de matinée.
Sept chefs d'inculpation
En cas de condamnation, «SBF» est susceptible de passer le restant de ses jours en prison, car les sept chefs d'inculpation retenus contre lui sont passibles, au total, de plus de 100 ans de réclusion.
Son histoire est celle d'une ascension météorique d'un entrepreneur charismatique qui semblait à même d'aider le monde des cryptomonnaies à acquérir respectabilité et stabilité, mais qui a explosé en vol.
Jusqu'à l'automne 2022, il fascinait par sa capacité à monter, en deux ans seulement, la deuxième plus grande plateforme d'échanges de cryptomonnaies au monde, FTX, tout en rendant intelligible aux médias, aux politiques et au grand public un secteur qui ne l'était pas.
Des projets par dizaines, une fortune estimée jusqu'à 26 milliards de dollars, une allure improbable avec cette tignasse noire bouclée et ses éternels bermudas, Sam Bankman-Fried avait fini par incarner à lui seul le monde des cryptos.
Mouvement de panique
Mais le vernis a commencé à se craqueler début novembre 2022, après des révélations selon lesquelles une partie des fonds des clients de FTX avait été utilisée, à leur insu, pour alimenter la filiale Alameda, afin d'effectuer des placements risqués.
Un mouvement de panique a immédiatement suivi, particuliers ou partenaires commerciaux cherchant tous à récupérer leur mise dans l'urgence, au point de provoquer la chute de FTX, placé en dépôt de bilan.
Une fois la poussière retombée, quelque 8,7 milliards de dollars manquaient à l'appel, selon l'administrateur judiciaire nommé pour gérer la liquidation.
Le procureur fédéral Damian Williams accuse «SBF» d'avoir détourné des fonds de clients de FTX pour les injecter dans Alameda, mais aussi pour acheter plusieurs centaines de millions de dollars d'immobilier aux Bahamas ou faire des dons à des candidats politiques aux Etats-Unis.
L'ex prête à témoigner
«Il jouait dans son propre casino», a décrit à la chaîne CBS l'écrivain Michael Lewis, qui a passé plusieurs centaines d'heures avec Sam Bankman-Fried pour un livre qui sort mardi. «Et cela a créé des conflits d'intérêt.»
«Comment pouvez-vous ne pas savoir que huit milliards de dollars qui ne vous appartiennent pas sont logés dans votre filiale?», interroge l'auteur à succès.
Inculpé notamment pour fraude et association de malfaiteurs, «SBF» a été extradé fin décembre des Bahamas, où se trouvait le siège de FTX, puis remis en liberté à son arrivée à New York, moyennant une caution de 250 millions de dollars.
Mais il a été placé en détention début août par le juge Kaplan, pour tentative de subornation de témoin. «Il va bien», a indiqué à l'AFP une source proche de «SBF», bien que l'accusé se soit plaint de ses conditions de détention.
Selon le procureur, Sam Bankman-Fried a notamment transmis des documents au quotidien américain New York Times pour tenter d'influencer le témoignage de Caroline Ellison, son ex-petite amie et une ancienne dirigeante d'Alameda.
Elle a été inculpée dans cette affaire et a accepté de collaborer avec les autorités américaines, de même que trois autres anciens cadres du groupe.
Ils devraient être auditionnés durant le procès, prévu pour durer entre quatre et cinq semaines, ce qui pourrait fragiliser la défense de «SBF», qui a reconnu des erreurs de gestion mais pas de malversations, chargeant au passage, à plusieurs reprises, Caroline Ellison.
Les extraits, publiés par le New York Times, d'un long billet de blog que Sam Bankman-Fried prévoyait de poster sur le réseau social X (anciennement Twitter) avant son placement en détention offrent des pistes sur sa stratégie de défense.
Il s'y présente, comme il l'a fait par le passé, comme un patron surmené, dans l'impossibilité de s'appuyer sur ses équipes, incompétentes ou désintéressées, qui s'est laissé dépasser, mais sans aucune intention de mal faire.