Occasion manquéeL'industrie suisse du bois n'a pas profité de la flambée des prix
hr
20.8.2021 - 11:52
Les prix du bois à l'international ont explosé entre le printemps 2020 et le mois de mai de cette année, mais les producteurs suisses de bois n'ont nullement profité de cette flambée des cours. Et entretemps, les prix sont retombés à des niveaux historiquement bas.
Keystone-SDA, hr
20.08.2021, 11:52
ATS
Reports de projets suite à la première vague du Covid-19 avec ensuite un effet de rattrapage, baisse de l'offre de bois pour des raisons environnementales, droits de douane punitifs de l'ex-président américain Donald Trump sur le bois du Canada, tous ces facteurs ont contribué à l'envol des prix qui sont passés de 250 à 1750 dollars par m3 sur la Bourse des matières premières CME aux Etats-Unis.
Ces facteurs ont permis aux fournisseurs suisses de redevenir temporairement compétitifs, alors qu'ils sont généralement plus chers vu des coûts de main d'oeuvre plus élevés qu'à l'étranger et une sylviculture très axée sur le développement durable.
Mais pour des raisons structurelles propres à la Suisse, les acteurs locaux n'ont pas su tirer leur épingle du jeu. Florian Landolt de l'Association forestière suisse, a indiqué à AWP que pendant de longues années, de 2007 à 2020, l'appréciation continue du franc a pesé sur les prix du bois de sciage qui n'a cessé de chuter.
Avec l'abandon en 2015 du taux plancher par la BNS, ce fut un véritable choc qu'a encaissé l'industrie nationale du bois, déplore de son côté Urs Luginbühl de l'Association suisse de l'industrie du bois. Du jour au lendemain les prix du bois suisse se sont écroulés, entraînant avec eux la faillite de nombreux producteurs ou pour le moins une forte réduction de la production. En règle générale, le bois est désormais importé car moins onéreux à l'étranger. L'offre nationale est donc limitée d'autant plus que certaines spécialités ne sont plus produites en Suisse.
Même lors de poussée récente des prix mondiaux, les propriétaires forestiers helvétiques sont dans leur majorité demeurés confrontés à la dégringolade constante depuis les années 1990 des prix du bois rond – les troncs d'arbres abattus en forêt – explique M. Landolt.
Pas lucratif en Suisse
Les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS) le montrent clairement. Le commerce du bois en Suisse est tout sauf lucratif. L'année dernière, les exploitations forestières suisses ont même enregistré un déficit. M. Landolt partage ce constat: «de nombreux producteurs réalisent des pertes, car le prix du bois rond se situe à un niveau historiquement bas.»
D'où vient cet écart de prix entre le bois rond et le bois de construction ? Selon M. Landolt, depuis les années 1990, le prix du bois rond a traversé plusieurs événements drastiques, qui l'ont à chaque fois fait chuter davantage. «La tempête Lothar, fin 1999, est à elle seule responsable du dévissage des prix de plus d'un quart en l'espace d'un an. Depuis, il ne s'en est jamais remis.» Et la sécheresse extrême entre 2018 et 2020 ainsi que l'infestation de scolytes qui en la conséquence ont encore plus enfoncé les cours vers leur descente aux enfers.
La demande en bois suisse restera en principe élevée, car ce matériau de construction est de plus en plus recherché pour son côté durable, soutenu par une volonté des responsables politiques en la matière, estime M. Luginbühl. Mais pour que les producteurs suisses redeviennent compétitifs et accroissent leurs capacités il faudrait que les prix à la hausse s'installent dans la durée, martèle-t-il. Or depuis mai, les cours du bois ont été ramenés en un temps record à 500 dollars. Et même si le bois rond s'est quelque peu apprécié dernièrement, il reste ancré à un plancher historique.