Francfort
La Banque centrale européenne (BCE) a décidé jeudi de réduire l'an prochain l'intensité de son imposant programme anti-crise, conséquence de son optimisme grandissant sur l'économie en zone euro.
Mario Draghi, président de la BCE, a abandonné son plaidoyer habituel pour une orientation "très accommodante" de la politique monétaire, et a insisté sur la "confiance croissante" de l'institution dans les perspectives de croissance et d'inflation, lors de la traditionnelle conférence de presse de l'institution.
L'économie en zone euro enchaîne les indicateurs encourageants et a créé "sept millions d'emplois ces quatre dernières années", a-t-il souligné à Francfort-sur-le-Main, rendant moins impérieux le maintien d'un lourd arsenal monétaire.
L'institution va donc réduire de moitié ses rachats d'actifs lancés en mars 2015, pour en passer le rythme mensuel à 30 milliards d'euros de janvier à septembre prochain, contre 60 milliards actuellement.
Mario Draghi a cependant maintenu le flou sur le terme de ce programme baptisé "quantitative easing" (QE), qui mêle les achats de dette publique et privée, promettant seulement qu'il ne s'arrêterait pas "soudainement".
Dans le même temps, la BCE estime qu'"un degré élevé de stimulation monétaire demeure indispensable", a prévenu le banquier italien, dans une formule codifiée reflétant la position d'équilibriste de l'institution.
Inflation languissante
Principale raison de cette prudence, le taux d'inflation en zone euro s'établissait à 1,5% en septembre et n'est "toujours pas" conforme à l'objectif de la BCE, soit un niveau inférieur mais proche de 2% à moyen terme.
L'évolution des prix devrait même se tasser au creux de l'hiver en raison d'effets de base sur les prix de l'énergie, la BCE ne misant en 2018 que sur une inflation de 1,2%.
Entamé en septembre, le débat sur la stratégie de sortie des mesures de crise revêtait un caractère inédit pour la BCE, qui n'a pas voulu se fermer la porte à un nouvel assouplissement si nécessaire.
A l'inverse du tour de vis monétaire fermement engagé aux Etats-Unis, l'institution de Francfort se ménage la possibilité d'augmenter le montant du "QE" si les perspectives devaient s'assombrir en zone euro.
Une option approuvée par une "large majorité" du conseil des gouverneurs, alors qu'il est notoire que certains membres, dont le président de la Banque fédérale allemande, Jens Weidmann, prônent un arrêt rapide des rachats sur le marché.
La BCE a aussi réaffirmé qu'elle n'engagera de remontée de ses taux d'intérêt, restés à leur plus bas niveau ce jeudi, que "bien après" la fin des rachats d'actifs, dissipant pour l'heure toute spéculation sur ce point.
Manière douce
La BCE va en outre continuer à réinvestir les obligations à son portefeuille parvenues à maturité, explique-t-elle dans un communiqué séparé. Cette précision technique, conforme aux attentes, signifie qu'elle continuera à injecter des liquidités dans l'économie même quand les achats nets du "QE" seront revenus à zéro.
Le marché a peu réagi jeudi aux annonces de la BCE, qui étaient largement anticipées. L'euro a perdu un peu de terrain face au billet vert, à 1,1760 dollar, tandis que les Bourses ont connu un coup de pouce à la hausse.
La monnaie unique a reculé vis-à-vis du franc. Ce dernier s'était affaibli pourtant avant l'annonce, l'euro grimpant à 1,1711 franc avant de descendre à 1,1650 franc en fin d'après-midi.
Cette réaction "molle" au regard de décisions importantes prouve que "notre communication au marché a été efficace", s'est félicité Mario Draghi lors de la conférence de presse, soucieux d'éviter tout mouvement de panique des opérateurs.
"La décision du jour est un changement de cap, mais avec la manière douce, pas un big-bang dans la politique monétaire de la BCE", commente Carsten Brzeski, économiste chez ING Diba.
"La BCE doit se garder un haut degré de flexibilité en sortant progressivement de sa politique expansive, car les risques pour l'économie et les marchés financiers restent élevés", a estimé de son côté Marcel Fratzscher, président de l'institut DIW à Berlin.
Pour lui, "les crises géopolitiques, le protectionnisme, le Brexit et la faiblesse de nombreuses banques dans le monde pourraient rapidement mettre à mal la reprise économique en Europe et contraindre la BCE à réagir".
Mario Draghi a d'ailleurs déclaré suivre "de très près" la crise en Catalogne, même s'il lui semble "prématuré" de "conclure dès maintenant à un potentiel risque de déstabilisation financière" pour la zone euro.
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