Argentine La classe moyenne argentine amère pour Noël

ATS

23.12.2019 - 06:59

Le nouveau gouvernement argentin a annoncé qu'il comptait mettre en place une taxe de 30% sur l'achat de devises étrangères. Ainsi, au lieu des 63 pesos que coûte un dollar officiel au taux de change actuel, le billet vert taxé, rebaptisé «dollar touriste», passerait à environ 80 pesos (archives).
Le nouveau gouvernement argentin a annoncé qu'il comptait mettre en place une taxe de 30% sur l'achat de devises étrangères. Ainsi, au lieu des 63 pesos que coûte un dollar officiel au taux de change actuel, le billet vert taxé, rebaptisé «dollar touriste», passerait à environ 80 pesos (archives).
Source: KEYSTONE/AP/VICTOR R. CAIVANO

Pour nombre d'Argentins de la classe moyenne, le début du gouvernement de centre gauche d'Alberto Fernandez a un goût amer: en cette période de fêtes, ils ne s'attendaient pas à de nouveaux impôts sur l'achat de dollars, la monnaie préférée pour épargner dans ce pays.

Pour tenter d'endiguer la crise, le nouveau ministre de l'Economie, Martin Guzman, a récemment annoncé une série de mesures, dont une taxe de 30% sur l'achat de devises étrangères, sur les paiements et retraits à l'étranger avec une carte bancaire, ou sur les abonnements en dollars à des services comme Netflix ou Spotify.

Le mécontentement n'a pas tardé à s'exprimer, dans la rue, comme sur les réseaux sociaux. Mercredi, environ 500 personnes ont manifesté devant le Parlement en criant «Si, se puede!» (Oui, c'est possible!), le slogan utilisé par le camp du président sortant Mauricio Macri (centre droit) durant la campagne pour sa réélection.

Modèle chaviste

«Alberto (Fernandez) se dirige vers le modèle chaviste (mouvement politique au pouvoir au Venezuela). Concentration de pouvoir, absolutisme politique, impôts massifs, asphyxie de la classe moyenne et du secteur productif», écrit sur Twitter @ghmaqueda, ajoutant le mot-clé #Volvieronpeores (Ils sont revenus en pire), en référence aux précédents gouvernements péronistes.

Depuis un an, Nathalie Goldstein, institutrice de 24 ans dans une maternelle, épargne pour aller à Barcelone. «Mon voyage à l'étranger est prévu depuis de nombreux mois (...) Avec ces 30% (de taxe), ça va être compliqué d'arriver au (budget) total prévu, en plus, je ne vais pas pouvoir utiliser mes cartes bancaires durant le séjour», explique-t-elle à l'AFP.

Des mesures similaires avait été mises en place sous le gouvernement de Cristina Kirchner (2011-2015), désormais vice-présidente, mais Mauricio Macri (2015-2019) les avait annulées. Ainsi, au lieu des 63 pesos argentins que coûte un dollar officiel au taux de change actuel, le billet vert taxé, rebaptisé «dollar touriste», passerait à environ 80 pesos.

«Très mauvaise mesure»

La nouvelle taxe, qui doit encore être adoptée par le Parlement pour entrer en application, a immédiatement fait monter le dollar du marché noir, appelé «dollar blue» en Argentine, à 76 pesos, soit 13 de plus que le taux officiel.

«Ils l'appellent plan solidaire quand il s'agit en réalité d'un sacré impôt. Ils l'appellent dollar touriste alors que c'est une forte dévaluation», réagit sur Twitter @buendia59.

Aldo Elias, le président de la Chambre argentine du tourisme, regrette une «très mauvaise mesure».

«La création d'un nouvel impôt est très préjudiciable à l'activité (touristique) (...), cela met en péril le travail des quelques 5000 entreprises du tourisme émetteur et la connectivité» du pays, juge-t-il, expliquant que nombre de compagnies aériennes finiront par se retirer d'Argentine si elle ne transportent pas assez de passagers.

Incitation au tourisme local

A contrario, à 115 km de Buenos Aires, Ernesto Oldenburg, le propriétaire du restaurant Douze serviettes, à Lobos, se réjouit de cette mesure, vue selon lui comme une «incitation» au tourisme local. «Davantage de 'Porteños' viendront ici», espère-t-il, à propos des habitants de la capitale.

«Nous avons besoin de décourager l'épargne en dollars, (monnaie) que nous ne produisons pas», a expliqué mardi le ministre, en annonçant ces mesures.

Parallèlement à la taxation de l'achat de devises, Martin Guzman a en outre confirmé que le contrôle des changes mis en place par le gouvernement précédent restait en vigueur. Concrètement, depuis la fin octobre, les Argentins ne peuvent acheter que 200 dollars par mois à des fins d'épargne.

Méfiance face au peso

Méfiants vis-à-vis de leur monnaie réputée peu stable, la plupart des Argentins préfèrent épargner en dollars, qu'ils gardent dans des coffres où à l'étranger. Selon les derniers chiffres de la Banque centrale, les réserves internationales s'élèvent à 43,7 milliards de dollars, soit 19 milliards de moins que l'an dernier.

«Personne n'a confiance dans le peso», raconte une Argentine de 51 ans, femme au foyer. Cette année, la monnaie argentine s'est dévaluée de près de 40%. «Si on était certains qu'avec ces mesures on pourrait sortir de l'ornière, elles seraient les bienvenues, mais on ne sait pas où va l'argent récolté», ajoute-t-elle.

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