Commerce mondialLa ministérielle OMC joue la prolongation pour arracher des accords
sn, ats
29.2.2024 - 10:40
Les négociations à la ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à Abou Dhabi jouent les prolongations. Le marchandage total entre grandes puissances est intense. Il durera jusqu'à vendredi en fin de matinée.
Keystone-SDA, sn, ats
29.02.2024, 10:40
29.02.2024, 18:01
ATS
La réunion des 164 membres était censée se terminer jeudi vers 20h00 (17h00 en Suisse). D'abord décalée de plusieurs heures, la dernière plénière n'aura pas lieu avant vendredi à 14h00 (11h00 en Suisse).
Aussi bien sur la pêche que sur l'agriculture, les négociations sont très actives, dans de petits formats. Sans surprise, l'arrivée mercredi du ministre indien du commerce avait ouvert un nouveau dialogue. Celui-ci a parlé jeudi de discussions «positives» et restait «optimiste». Et son porte-parole estime que la ministérielle ne se terminera pas sans avancée.
Comme souvent, l'Inde menace dans un premier temps de tout bloquer, cette fois-ci en demandant une avancée sur la réforme de l'OMC à cette ministérielle. Or, avant Abou Dhabi, tous les acteurs annonçaient qu'aucune décision sur le règlement des différends ne pourrait être prise. Le défi est de réitérer ou non l'engagement d'une solution d'ici la fin de l'année pris il y a près de deux ans à Genève.
«La plupart des pays membres veulent le maintien de cet objectif, avait affirmé mercredi à Keystone-ATS la cheffe de la délégation suisse, la secrétaire d'Etat Helene Budliger Artieda. L'institution doit résoudre le blocage de son tribunal d'appel, rendu dysfonctionnel depuis cinq ans par les Etats-Unis.
Approche indienne contre un moratoire
Or, la Suisse est au milieu d'une dispute avec Washington sur les taxes douanières supplémentaires lancées par l'ancien président américain Donald Trump. Le recours américain, après que Berne avait obtenu gain de cause, ne peut être tranché pour le moment, privant la partie suisse d'une réparation.
Les Etats-Unis ne veulent plus du même système, sans dévoiler ce qu'ils souhaitent. Ils sont clairement contre le maintien d'un mécanisme d'appel, fait remarquer une source proche des discussions.
Jeudi, l'Inde, l'Afrique du Sud et l'Indonésie ont également refroidi, sans surprise là non plus, les attentes de nombreuses délégations. Rejointes par le Brésil, elles ont répété ne pas soutenir une extension de deux ans du moratoire sur les tarifs sur les diffusions électroniques, selon une source proche des discussions.
Mais cette position pourrait être revue. «Tout peut se discuter», dit le porte-parole du ministre indien. La Suisse et l'OMC ne cachent pas que le scénario d'un abandon du moratoire serait un important recul pour tous les pays. Celui-ci coûterait aux Etats riches 0,5% de leur Produit intérieur brut (PIB). Mais, plus encore, 2,5% aux pays en développement.
Les pays qui souhaitent mettre un terme au moratoire affirment perdre des revenus douaniers considérables. Un Etat pourrait décider de taxes sur la diffusion électronique de films ou encore une consultation médicale internationale en ligne.
Offensive liée à la surpêche
A quelques mois d'élections et exposée à des manifestations chez elle, l'Inde tente de pousser pour obtenir l'une de ses principales revendications à l'OMC, une solution permanente pour des stocks alimentaires publics pour garantir la sécurité alimentaire.
Problème pour de nombreux pays occidentaux, New Delhi ne devrait pas exporter ces denrées mais elle cherche à le faire malgré tout à des prix inférieurs à ceux du marché. Selon les derniers projets de texte qui circulent, les membres pourraient faire un pas de principe dans la direction de l'Inde, sans décider des modalités et du calendrier, mais tout reste ouvert.
Plusieurs pays en développement, dont l'Inde, souhaitent aussi des garanties pour les subventions aux pêcheurs artisanaux. Plus largement, ils souhaitent des exceptions tellement importantes à un possible accord pour éliminer les subventions à la surpêche et à la surcapacité qu'ils ne devraient faire presque aucun effort.
L'Inde demande aussi un moratoire de 25 ans sur les subventions à la pêche de longue distance, une offensive contre les Etats-Unis et la Chine qui font partie des principaux pays à maintenir cette activité.
Le second paquet de négociations sur les subventions nuisibles sont estimées au total à 54 milliards de dollars par an. Un arrangement doit permettre de sauver la ressource halieutique pour les 260 millions de personnes qui dépendent de celle-ci.
Regrets de l'OMC sur les ONG
A Genève il y a près de deux ans, un accord considéré comme historique avait été arraché après plus de 20 ans de négociations, mais il ne règle qu'une partie du problème. Et il manque plusieurs dizaines de ratifications pour qu'il entre en vigueur.
Seules les subventions contribuant à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée faisaient partie du premier arrangement, soit un peu plus de 20 milliards. Le reste porte sur celles qui alimentent une surpêche ou une surcapacité. Selon des sources convergentes, les discussions avancent et un nouveau texte était attendu sur cette question.
Jeudi, la directrice générale de l'OMC Ngozi Okonjo-Iweala a aussi relayé «ses regrets» auprès des ONG après l'interpellation de trois activistes qui ne faisaient que distribuer des tracts ou filmer. La présidence émiratie de la ministérielle semble avoir demandé de relâcher un peu la surveillance de ces organisations.